En Israël, les familles d’otages et les opposants à Benyamin Nétanyahou redescendent dans la rue

Après deux semaines d’interruption forcée due à l’offensive militaire de l’Etat hébreu en Iran, plusieurs rassemblements organisés à Tel-Aviv ont exigé, samedi soir, la fin de la guerre à Gaza.

Juin 29, 2025 - 09:30
En Israël, les familles d’otages et les opposants à Benyamin Nétanyahou redescendent dans la rue
LAURENCE GEAI /MYOP POUR « LE MONDE »

Le cri repris en chœur par la foule, « maintenant ! », est resté le même que celui qui a été scandé pendant des mois, mais il paraît plus vigoureux. Après deux semaines d’interruption forcée due à la guerre en Iran, des milliers de personnes se sont de nouveau rassemblées à Tel-Aviv, samedi 28 juin, sur la « place des Otages », plus déterminées que jamais à exiger « maintenant » le retour des 50 captifs encore détenus à Gaza depuis l’attaque sanglante du Hamas sur le territoire israélien le 7 octobre 2023. Selon le décompte des autorités israéliennes, 20 sont encore en vie (18 civils et deux soldats, tous des hommes), 28 sont morts et deux autres seraient également présumés décédés, n’ayant jamais donné signe de vie.

Gil Dickmann, cousin de Carmel, tuée par le Hamas en captivité, est une figure du forum des familles d’otages. A Tel-Aviv, le 28 juin 2025.

La rapidité de la « victoire » revendiquée par le premier ministre Benyamin Nétanyahou sur le régime de Téhéran provoque un effet boomerang. « Si on peut arrêter une guerre contre l’Iran en douze jours, pourquoi ne le fait-on pas pour la guerre à Gaza ? C’est la question que tout le monde se pose ici », s’insurge Gil Dickmann, l’un des piliers du Forum des familles des otages, principale organisation israélienne qui se bat pour la libération de leurs proches depuis le début. « Il y a un an, poursuit-il, nous étions optimistes mais tant d’occasions ont été perdues, pour des raisons politiques… Nétanyahou aurait pu sauver des vies. » Celle de sa cousine Carmel Gat, entre autres, tuée depuis par ses ravisseurs et dont le corps est resté dans l’enclave palestinienne.

Le trentenaire n’a jamais manqué un rendez-vous et surtout pas celui-ci. « Pour la première fois, des membres du gouvernement parlent de mettre fin à la guerre », se prend à espérer Gil Dickmann. Après vingt mois de guerre, les déclarations, la veille, du président américain, Donald Trump, sur un possible cessez-le-feu « la semaine prochaine »ont dopé les attentes.

Sur la place, dominée par une tour résidentielle de 44 étages en partie éventrée par un missile iranien tombé à deux pas du QG de la défense israélienne, les orateurs, à l’unisson de la foule, réclament le retour de tous les captifs, vivants comme morts, « en une seule fois ». Surtout ne pas revivre les libérations précédentes lorsque trois ou quatre otages étaient rendus à leurs proches à l’issue de mises en scène éprouvantes. « C’est le moment, a lancé sur la scène Liri Albag, ex-otage libérée en janvier. Le peuple exige leur retour (…) pas par étapes, pas avec des accords partiels (…)C’est la seule véritable victoire. »

Une femme prend la parole devant la foule rassemblée sur le boulevard Menachem-Begin lors de la première manifestation hebdomadaire pour la libération des otages et la fin de la guerre entre Israël et l’Iran. A Tel-Aviv, le 28 juin 2025.

Sortir du « bourbier » de Gaza

Un peu plus loin, une autre foule a envahi le boulevard Menachem-Begin, ce même samedi soir, pour réclamer elle aussi la libération de tous les otages mais avec des messages plus politiques. Plus colorés aussi. Vêtus de rose des pieds à la tête, les militants de « Pink Front » (« Front Rose »), un collectif à l’origine de manifestations antigouvernementales depuis 2021, tapent de bon cœur dans des tambours. « Nétanyahou essaie d’effacer la honte du 7-Octobre avec l’Iran mais c’est sans espoir, c’est sa faillite, assure Yaniv Segal. La poursuite de la guerre à Gaza serait synonyme de soldats morts pour rien. Il ne reste plus un immeuble debout là-bas. »

Non loin, un groupe arbore des t-shirts jaunes : des vétérans de la guerre de Yom Kippour en 1973. « J’ai combattu dans le Golan, en Syrie, mais c’était autre chose et si la guerre est parfois nécessaire, on doit mettre fin à celle de Gaza, ça suffit ! », lance l’un d’eux, 77 ans, qui refuse de donner son nom. « Nétanyahou a migré du centre droit à l’extrême droite pour rester au pouvoir, il a changé toutes les règles et aujourd’hui, la société israélienne est très divisée », fustige-t-il. Autour de lui, il y a du violet, pour rappeler les affaires de corruption du premier ministre, et puis aussi des casquettes rouges « End this fucking war » (« Mettre fin à cette putain de guerre »), identiques à celles du mouvement MAGA (Make America Great Again) de Donald Trump.

Des vétérans de la guerre du Kippour en 1973 participent au rassemblement pour la libération des otages, la fin de la guerre et contre Benyamin Nétanyahou. A Tel-Aviv, le 28 juin 2025.
Un stand propose une casquette avec le message « End this fuc*ing war » (Arrête cette p*tain de guerre) s’adressant au président américain Donald Trump, à Tel-Aviv, le 28 juin 2025.

La veille, vendredi, place Rabin, théâtre dans le passé de manifestations de mères de soldats exigeant le retrait de la présence militaire du Sud-Liban, d’autres mères, réunies à l’appel notamment du collectif « Ima era » (« Maman est réveillée ») s’étaient rassemblées pour réclamer de leur côté la fin du « bourbier » de Gaza. « Nous n’accepterons pas qu’ils [les soldats] soient transformés en pions sur un échiquier politique par des dirigeants avides de pouvoir et de vengeance, a lancé l’une de ces femmes, Michal Hadas-Rubin. Les otages ne seront pas rendus lors d’une mission militaire héroïque et le Hamas ne sera pas éliminé par une énième incursion. (…) La mission militaire est accomplie depuis longtemps. »

Yaniv Segal, de l'association Pink Front, à Tel-Aviv, le 28 juin 2025.

Sortir du « bourbier » de Gaza ne sera pas chose aisée pour le premier ministre Nétanyahou. Si les premiers sondages réalisés en Israël après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu avec l’Iran, le 24 juin, attestent d’une petite progression de sa popularité et de son parti, le Likoud, la coalition qu’il dirige n’en bénéficie aucunement.

[Source: Le Monde]