Guinée: boycott, "entrave à l'alternance"... Pourquoi le référendum constitutionnel inquiète l'opposition

Les Guinéens sont appelés à voter OUI ou NON ce dimanche 21 septembre au projet de Constitution proposé par les autorités militaires. Au pouvoir depuis le coup d'État de 2021, le général Mamadi Doumbouya laisse miroiter une candidature à une future élection présidentielle, ce qui a suscité l'appel au boycott d'une partie de l'opposition. "L'enjeu principal est celui du retour à l'ordre constitutionnel" pour le politologue guinéen Kabinet Fofana, interrogé par TV5MONDE.

Sep 18, 2025 - 16:11
Guinée: boycott, "entrave à l'alternance"... Pourquoi le référendum constitutionnel inquiète l'opposition
Sur le terrain, la campagne pour le OUI bat son plein, alors que l'opposition est très diminuée. Dans les rues de Conakry, le général Mamadi Doumbouya est affichée, en faveur du projet consitutionnel. Capture d'écran AFPTV

Cela fait cinq ans que les Guinéens n'ont pas voté. Dimanche 21 septembre, c'est donc le grand retour aux urnes pour les 6.7 millions d'électeurs du pays. L'objet du scrutin: un référendum. Pour ou contre le projet de Constitution proposé par les autorités militaires au pouvoir?

Mais le contexte politique à l'approche du scrutin est tendu. L'opposition est démunie et appelle au boycott du référendum. En cause: le fait que le texte n'ait pas repris les articles de la Charte de la Transition disposant que le président au pouvoir, Mamadi Doumbouya, ainsi que ses proches, ne puissent se présenter à une future élection présidentielle.

En 2021, le général Doumbouya et ses troupes avaient fait tomber le président réélu Alpha Condé. Ce dernier proposait à l'époque une réforme constitutionnelle qui lui aurait permis de conserver indéfiniment le pouvoir.

Aujourd'hui, hormis un grand retournement de situation, le OUI devrait l'emporter. Une élection présidentielle serait donc rapidement organisée. Et tout indique donc que le général Doumbouya se lancera en campagne une fois la Constitution adoptée. 

Retour à l'ordre constitutionnel

"L'enjeu principal est celui du retour à l'ordre constitutionnel. Il faut rappeler que l'on est dans une discontinuité légale depuis le 5 septembre 2021", rappelle à TV5MONDE le politologue guinéen Kabinet Fofana, faisant référence à la date de la prise du pouvoir par les militaires, soutenus par une grande partie de la population à l'époque. 

Les Guinéens attendent donc la fin de la transition. Et pour cela, le général Doumbouya propose une Constitution qui, selon lui, "ressemble" et "rassemble" le peuple de Guinée. Un texte qui, dans son esprit, ne présente pas de rupture notable avec les précédentes lois fondamentales ayant régi le pays.

"Une entrave à l'alternance"

Deux nouveautés sortent toutefois du lot: le passage du quinquennat au septennat pour le mandat présidentiel, ainsi que la création d'un Sénat. Un tiers des membres de cette chambre serait nommé directement par le président. Ce pouvoir de nomination interroge sur la concentration du pouvoir. 

La mise en place du septennat fait aussi débat. Le pouvoir en place défend que pour mettre en œuvre des politiques fortes, il faut de la stabilité pendant plusieurs années. Mais, "pour les opposants, c'est une entrave à l'alternance. Qui est essentielle en démocratie", analyse Kabinet Fofana.

Autre avancée dans ce texte: la création d'une Cour spéciale de justice pour la République. Sa mission: pouvoir juger le chef de l'État et les membres du gouvernement. En première apparence, cette juridiction semble apporter un nouveau mécanisme démocratique au pays. 

Or, elle vient se heurter à l'article 74 du projet constitutionnel, qui dispose notamment que "les anciens Présidents de la République (...) bénéficient de privilèges, d'avantages matériels, financiers et d'une protection (...)". Ces privilèges sont accordés à toute personne ayant exercé les fonctions de chef de l'État. 

C'est notamment la dernière phrase de l'article qui questionne: "Les anciens Présidents de la République jouissent d'une immunité civile et pénale pour les actes accomplis dans l'exercice régulier de leur fonction." Alpha Condé, l'ancien président tombé après le coup d'État, est actuellement en exil et jouirait donc de cette immunité.

L'opposition démunie

Ces dispositions inquiètent les forces de l'opposition. Qui, au-delà de cela, peinent à se faire entendre dans le débat public. La campagne référendaire lancée le 31 août se déroule dans un contexte de limitation de la liberté d'expression. 

Le régime a annoncé dès 2022 l'interdiction de manifester en Guinée. Plusieurs médias ont été suspendus depuis début septembre. Les leaders de l'opposition sont soit exilés, soit en prison, soit portés disparus. Depuis son exil, l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo appelle à boycotter le référendum. Ce mercredi, il a été rejoint par l'ex-président Alpha Condé.

[Source: TV5Monde]