Remboursement intégral des fauteuils roulants
Certains professionnels craignent une « saturation des services » d’évaluation des demandes, alors que la réforme du financement par la Sécurité sociale des équipements doit entrer en vigueur le 1ᵉʳ décembre.

La promesse d’un remboursement intégral des fauteuils roulants par la Sécurité sociale, formulée en 2023 par le président de la République, Emmanuel Macron, doit se concrétiser au 1er décembre. Une réforme qui suscite beaucoup d’espoir et d’enthousiasme, mais aussi quelques craintes dans ses modalités pratiques à deux mois de l’échéance prévue. Cinq organisations professionnelles d’ergothérapeutes ont alerté lundi 29 septembre, par communiqué, sur le risque d’une « mise en œuvre irréaliste » et appellent le ministère de la santé et la direction de la Sécurité sociale à « agir pour éviter les délais trop longs liés à la saturation des services » et « simplifier l’accès à l’ergothérapie pour faciliter l’évaluation des besoins et la prescription ».
La réforme, annoncée en février, simplifie le parcours d’obstacles lié au financement des fauteuils roulants. Plus d’un million sont utilisés en France et 150 000 sont achetés chaque année. Si la moitié sont pris en charge par l’Assurance-maladie, les usagers nécessitant un fauteuil spécifique ou électrique devaient solliciter successivement leur mutuelle, les maisons départementales des personnes handicapées, les centres d’action sociale, des organismes caritatifs ou des cagnottes en ligne : un ou deux ans de démarches, sans certitude de tout financer.
Désormais, l’Assurance-maladie sera le guichet unique, avec des tarifs réévalués – passant de 5 000 euros à 21 000 euros pour un fauteuil électrique verticalisateur, ou de 600 euros à 6 000 euros pour les fauteuils actifs légers – et une réponse dans les deux mois au maximum.
Des mois d’attente
Mais c’est lors de la prescription que les professionnels craignent un engorgement. Si un généraliste ou un ergothérapeute suffisent pour les fauteuils les plus simples, les modèles plus sophistiqués nécessitent de faire appel à une équipe pluridisciplinaire, comprenant un spécialiste de médecine physique ou de réadaptation (MPR), ou un médecin ayant un diplôme d’appareillage, et un ergothérapeute ou un kinésithérapeute. « Il faut une évaluation et une réévaluation, ce n’est pas crédible, alors qu’il n’y a pas assez de MPR disponibles et que les équipes pluridisciplinaires sont saturées », s’inquiète Fanny Soum-Pouyalet, directrice stratégique de l’Association nationale française d’ergothérapie (ANFE), qui rappelle aussi que les consultations d’ergothérapeutes en libéral ne sont pas remboursées par l’Assurance-maladie.
Selon l’ANFE, parmi 42 équipes pluridisciplinaires interrogées en septembre, une moitié avait des délais d’attente d’un à trois mois pour un rendez-vous, un quart entre trois et six mois, et 60 % estimaient que ce délai allait augmenter. « C’est une réforme importante, et on l’attend depuis longtemps, mais il faut être vigilants sur l’égalité en tous points du territoire, estime Emilie Viollet, représentante de la Société française de médecine et de réadaptation. Par exemple, en Limousin ou en Creuse, ils auront du mal à faire face à la demande. »
D’autres craintes ont émergé, sur les règles de cumul entre fauteuil électrique et fauteuil manuel ou entre des poussettes et sièges auto pour les enfants, ainsi que sur les modalités de financement des produits d’assistance à la posture. Le ministère délégué au handicap, qui avance sur ce dossier prioritaire relevant des affaires courantes, doit réunir un comité de suivi avec les acteurs concernés (professionnels de santé, fabricants, prestataires, associations) et publier prochainement un arrêté rectificatif.
Conscient du manque de MPR dans certaines régions, le cabinet de la ministre déléguée démissionnaire, Charlotte Parmentier-Lecocq, entend « faciliter le cadre de prescription », en l’élargissant à des médecins ayant des compétences dans le champ du handicap, ou en ayant recours à de la télé-expertise. Et pour éviter l’effet de saturation, « toute prescription faite à partir du 1er novembre, respectant la nouvelle nomenclature, pourra bénéficier d’une prise en charge au 1er décembre ».
[Source: Le Monde]