Madagascar: le président Rajoelina dénonce une tentative de "coup d'État", nouvelle manifestation à Antananarivo

Le président malgache Andry Rajoelina a estimé, ce vendredi 3 octobre, dans une allocation diffusée sur Facebook que le vaste mouvement de contestation en cours depuis le 25 septembre à Madagascar visait à "provoquer un coup d'État".

Oct 4, 2025 - 07:04
Madagascar: le président Rajoelina dénonce une tentative de "coup d'État", nouvelle manifestation à Antananarivo
Le président malgache Andry Nirina Rajoelina arrive pour s'adresser à la 80e Assemblée générale des Nations Unies au siège de l'ONU à New York, aux États-Unis, le 24 septembre 2025. REUTERS / Eduardo Munoz

Une semaine de gronde et une prise de parole très attendue. Le président malgache Andry Rajoelina a estimé ce vendredi que le mouvement de contestation, lancée le 25 septembre par la GenZ, visait à provoquer un "coup d'État". Il a également dénoncé "la manipulation" de la rue par des acteurs qu'il n'a pas identifiés clairement. 

"Des pays et agences ont payé ce mouvement pour m'évincer (du pouvoir, Ndlr), pas par des élections, mais par profit, pour prendre le pouvoir comme dans d'autres pays africains", a-t-il déclaré, sans plus de précisions. Il a également pointé la responsabilité de certains "politiciens" dans cette crise.

"C'est après que le mouvement (de la jeunesse, Ndlr) a démarré que des politiciens ont abusé de cette situation pour mener un coup d'État et arriver à leurs fins et détruire le pays", a-t-il lancé, une nouvelle fois sans donner de noms. Andry Rajoelina s'est dit prêt à dialoguer et a demandé aux forces de l'ordre de "faire revenir la paix".

Il n'a pas annoncé la nomination pourtant attendue d'un nouveau Premier ministre, après avoir limogé l'ensemble du gouvernement lundi pour tenter, sans succès, d'apaiser la colère des manifestants. Le chef de l'État avait auparavant indiquer poursuivre ses consultations. 

Depuis jeudi 25 septembre, les manifestations qui dénonçaient au départ les coupures incessantes d'eau et d'électricité se sont mué en une contestation plus large du pouvoir en place.

"Madagascar doit retrouver le chemin de l’apaisement"

Dans un message publié vendredi 3 octobre sur son compte X, Andry Rajoelina a indiqué avoir rencontré divers groupes au cours des trois derniers jours pour discuter de la situation dans le pays. "Conscient du rôle primordial de chacun dans ce que nous traversons actuellement, hier, j’ai rencontré les Chefs d’Eglise du FFKM", le conseil des Églises chrétiennes à Madagascar, a-t-il précisé, expliquant également sur son compte Facebook qu'ils "avaient prié pour notre nation ensemble".

"Avant cela j'ai également eu des échanges sincères et constructifs avec nos partenaires internationaux, les ambassadeurs, la Banque mondiale, le FMI, les Nations unies, des représentants politiques, des acteurs de la société civile."

Et d'ajouter: "Tous, sans exception, ont partagé une conviction claire: Madagascar doit retrouver le chemin de l’apaisement, du dialogue et de la reconstruction".

Les commerces fermés dans le centre d'Antananarivo

Après une pause dans la capitale jeudi, le centre d'Antananarivo est placé ce vendredi sous forte surveillance des forces de l'ordre en prévision d'un nouvel appel à manifester vers le quartier d'Ambohijatovo. En plusieurs endroit de la ville, des groupes de manifestants étaient bloqués dans leur progression par les forces de l'ordre, qui ont fait usage de grenades lacrymogènes.

De nombreux pickups se déplaçant à vive allure et remplis de membres des forces de l'ordre sont visibles dans le centre de la capitale. Sur la grande avenue de l'Indépendance, les commerces sont restés fermés. Ailleurs dans la ville, le trafic était plus faible qu'à l'accoutumée mais de nombreux écoliers se rendaient à l'école et un marché de fruits et légumes faisait le plein d'affluence, offrant un semblant de normalité, selon des journalistes de l'AFP.

Des manifestations jeudi en province

Jeudi, la contestation s'était poursuivie en province: des milliers de manifestants ont défilé à Antsiranana, la grande ville du nord du pays. D'autres rassemblements de centaines de personnes au moins ont aussi pris place à Mahajanga (nord-ouest), à Toliara (sud) et pour la première fois à Sambava (nord-est), située au cœur de la région productrice de vanille de la Grande Île.

Le mouvement Gen Z a diffusé jeudi une courte vidéo où plusieurs de ses membres, présentés comme des porte-paroles, expliquent les motivations et revendications de leur contestation. "Vous êtes nombreux à vous demander qui sont la génération Z. Nous ne sommes que des jeunes prêts à changer l'histoire de Madagascar", explique l'un d'eux entouré de sept de ses camarades.

La répression des manifestations, ainsi que les violences ayant éclaté lors de pillages généralisés "perpétrés par des individus et des gangs sans lien avec les manifestants", selon l'ONU, avait fait au moins 22 morts et des centaines de blessés d'après un bilan de son Haut-Commissariat aux droits de l'homme lundi. Des chiffres contestés par le ministère des Affaires étrangères malgache.

"On ne remet pas sur pied un pays en quelques années seulement"

"Cette répression s'inscrit dans un cadre légal puisque les manifestations sont autorisées mais le maintien de l'ordre est également prévu", a expliqué jeudi soir sur le plateau de TV5MONDE, Patrick Rajoelina, conseiller spécial du président et ancien ministre des Affaires étrangères, contestant également les chiffres avancés par l'ONU.

"Ces chiffres n'ont fait l'objet d'aucune vérification d'une part et d'aucun signalement de la part de nos institutions médicales. Notre représentation à Genève a demandé un certain nombre d'explication sur ces chiffres", a-t-il ajouté, expliquant qu'"il y a eu cependant de la violence" et s'inclinant "devant la mémoire de ceux qui sont décédés".

Et d'ajouter: "Nous comprenons ce ras-le-bol face aux délestages et au manque d'eau. Nous répondons au fur et à mesure pour pallier la désuétude des équipements. Depuis 1960, le circuit d'eau n'a pas été rénové alors que la capitale est passée de 300.000 à 3 millions d'habitants depuis. On ne remet pas sur pied un pays en quelques années seulement".

Les syndicats appellent également à la grève générale

Plusieurs syndicats, dont celui de la Société nationale de distribution d'eau et d'électricité (Jirama), ont appelé à la grève générale et l'opposition, dans une rare prise de position commune, a elle aussi demandé le départ du président Andry Rajoelina, 51 ans.

Installé une première fois au pouvoir par les militaires en 2009 à la suite d'un soulèvement populaire, alors qu'il était maire d'Antananarivo et magnat des médias, Andry Rajoelina avait présidé une période dite de transition jusqu'en 2014, s'était ensuite mis en retrait avant de se faire élire en 2018 et réélire en 2023 lors d'un scrutin boycotté par l'opposition.

Malgré ses immenses ressources naturelles, Madagascar, ancienne colonie française devenue indépendante en 1960, figure encore parmi les pays les plus démunis au monde. En 2022, près de 75% de sa population vivait sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale.

[Source: TV5Monde]