Intelligence artificielle : comment ChatGPT est entré dans nos vies
Conseils, logement, cuisine, santé, sport... Le robot conversationnel d’OpenAI et ses concurrents sont utilisés par des millions de personnes, pour des requêtes souvent liées au quotidien. Une intimité croissante qui soulève des questions vertigineuses.

« S’il reste sur sa trajectoire actuelle, ChatGPT deviendra le plus gros site Web du monde. » Cette prophétie, formulée par Sam Altman lors d’une conférence organisée le 9 septembre par le fonds Khosla Ventures, reflète l’ambition du dirigeant d’OpenAI, mais aussi une tendance. Lancé en novembre 2022, son désormais célèbre assistant conversationnel est déjà le cinquième site le plus visité au monde, selon Similarweb.
Avec 2,5 milliards de messages par jour, soit 29 000 par seconde, il symbolise la pénétration croissante des services d’intelligence artificielle (IA) dans notre quotidien. ChatGPT touche environ déjà 10 % de la population adulte mondiale, selon OpenAI, qui revendique 700 millions d’utilisateurs hebdomadaires, soit près de quatre fois plus qu’un an plus tôt. « C’est le développement technologique le plus rapide de l’histoire », estime la start-up californienne dans un récent rapport.
Et elle n’est pas la seule : de nombreux autres géants du numérique poussent aussi leurs assistants conversationnels et les intègrent aux services en ligne les plus utilisés. Google revendique 450 millions d’utilisateurs mensuels pour Gemini et Meta, près de 1 milliard pour MetaAI, déployé sur Instagram, WhatsApp et Facebook. L’IA d’Elon Musk, Grok, intégrée à X, mais aussi Perplexity, Claude, le chinois DeepSeek ou le français Le Chat (Mistral) complètent le tableau de cette nouvelle offre foisonnante de chatbots.
L’entrée de l’IA dans la vie des utilisateurs pourrait se renforcer à l’avenir : les 18-25 ans représentent à eux seuls 46 % du total des messages envoyés à ChatGPT, selon l’étude publiée en septembre par OpenAI sur l’usage de son service chez les adultes. Et 22 % des moins de 13 ans en France utilisent déjà un chatbot plusieurs fois par mois, selon le baromètre Born Social, qui parle d’une « généralisation » de l’usage. Les femmes représenteraient désormais 52 % des utilisateurs de ChatGPT, contre seulement 20 % environ aux débuts du service, selon OpenAI.
Un objet de tous les jours
Si les entreprises de la tech et les médias mettent souvent en avant les promesses de l’IA au travail, en particulier d’augmenter la productivité, ce sont en fait les usages non professionnels qui montent en puissance dans l’assistant d’OpenAI : ils représentaient 73 % de l’usage en juin, contre seulement 53 % un an plus tôt, selon l’entreprise.
Se dessine une IA du quotidien, où le chatbot joue un rôle aux confins de l’assistant personnel, du moteur de recherche et de l’outil de création de contenus. Selon OpenAI, dans 28 % des cas, les utilisateurs de ChatGPT sollicitent des conseils pratiques, notamment dans l’éducation. Dans 24 % ils cherchent des informations, sur des personnes, des événements, des produits, des recettes… Et dans 23,9 %, ils cherchent à écrire un texte, un e-mail, un rapport ou tout document, mais aussi à le faire améliorer, résumer ou traduire.
Le Monde est allé à la rencontre de celles et ceux qui font de ces outils un objet de tous les jours. Tous ces usages de l’IA posent des questions vertigineuses, sur l’attachement émotionnel des utilisateurs à cette compagnie virtuelle, le respect de la vie privée, le rapport à l’éducation et à l’information, les risques d’addiction et l’impact climatique des data centers toujours plus gigantesques qui permettent à l’IA de répondre aux requêtes…
Demander des conseils d’éducation des enfants
Un soir de grande fatigue, à 22 heures, après avoir mis au lit sa fille de 2 ans et demi, Marie-Emmanuelle (les témoins ont requis l’anonymat) a poussé un soupir et ouvert Copilot, l’IA de Microsoft qu’elle utilise au travail.
Mère célibataire, cette chercheuse de 41 ans ne savait pas trop vers qui se tourner pour discuter de l’incident du jour : le matin, sa petite fille a refusé d’enfiler ses chaussettes et ses chaussures, jusqu’à ce que sa mère, à bout de nerfs, la menace de la priver de dessin animé. Elle donne en vrac à Copilot toutes les composantes de la situation et lui demande conseil. « L’IA m’informe que ce n’est surtout pas le moment de punir − zut ! − ni de lever la voix − oups ! Elle m’explique que c’est un passage difficile pour elle, et qu’elle exprime son malaise émotionnel. Elle me conseille de la rassurer. » Le lendemain, la petite fille jette sa cuillère pleine de pâtes en criant. Sa maman lui demande : « C’est difficile en ce moment ? » L’enfant hoche la tête, puis s’accroche à son cou et pleure. Un gros câlin qui calme la petite et convainc sa mère de l’utilité de Copilot.
Une étude publiée en juin, menée par le fonds d’investissement Menlo Ventures auprès de 5 000 Américains, montre que les parents font partie des utilisateurs les plus assidus de l’IA : 79 % des parents d’enfants de moins de 18 ans s’en servent et 29 % disent y avoir recours chaque jour. Qu’y font-ils ? A 34 %, ils y trouvent une aide logistique pour la vie de famille ; 28 % d’entre eux cherchent des informations sur des questions parentales.
A Füssen, en Allemagne, Marguerite, une conseillère dans la tech âgée de 40 ans, a elle aussi eu le réflexe IA. Un soir, son mari et elles ont décidé de demander de l’aide à ChatGPT. A 8 mois, leur troisième enfant se réveillait encore toutes les heures pour téter. Marguerite a défini son objectif : « Réduire à deux tétées au maximum par nuit. »
En découvrant le plan de bataille structuré que lui propose ChatGPT, Marguerite est impressionnée. Sauf que… « Ça ne marche pas ! La théorie est très belle, mais, au bout de deux semaines, mon garçon ne dormait pas mieux. »Marguerite a alors acheté un livre, Je ne dors pas !, d’Aurélie Callet et de Clémence Prompsy (De Boeck, 2021). Et là, tout a changé. A 11 mois, le garçon ne se réveille plus qu’une fois par nuit. Et Marguerite suit davantage son intelligence sociale qu’artificielle.
Réviser, rédiger et… tricher
Sur ses draps froissés, Gabriel (prénom modifié à sa demande), 18 ans, étale ses fiches de révision. Carnet ouvert, stylo en l’air, il s’applique à bâtir le meilleur plan pour un sujet de dissertation déniché en ligne : « L’Etat et la révolution ».Mais quinze minutes suffisent pour que Gabriel craque. ChatGPT prend le relais.
En moins de trois ans, les chatbots ont conquis les amphis, brouillant la frontière entre ce qui est noirci par la main et ce qui est généré par un algorithme. Rédiger un texte, corriger une faute, traduire un passage… 83 % des étudiants affirment utiliser ces outils pour leurs études, et près de la moitié d’entre eux pour réviser, d’après un sondage, repris dans un rapport du Sénat, de novembre 2023.
Nel Hamitouche, 18 ans, bachelier parisien, assume sur TikTok sa dépendance à ChatGPT. Dans son ancien lycée du 17ᵉ arrondissement, retrace-t-il, « tout le monde » consultait l’outil comme un professeur particulier : « On n’avait pas le temps de tout réviser. On voulait aussi une vie sociale. Donc, on était en mode “on l’utilise parce que c’est plus simple”. » D’abord pour résumer articles et documents, synthétiser ses cours, faire ses devoirs, jusqu’à prendre l’abonnement « Plus », facturé 23 euros par mois, qui offre des fonctionnalités élargies et une utilisation sans limites pour répondre à ses questions quotidiennes. « On interagit comme avec un humain. C’est rapide, ça nous plaît. Du coup, c’est notre Google, quoi », explique Nel.
Pour Camille Fradet, étudiante en master direction artistique à l’Ecole supérieure de publicité, ouvrir l’outil est devenu un réflexe. « J’étais très forte pour proposer des concepts, inventer des idées. Puis, je me suis dit : “Si je ne consulte pas une IA, je n’y arrive plus” », confie la jeune femme de 24 ans. Pour regagner son autonomie, Camille a réduit progressivement sa « consommation », réussissant petit à petit à retrouver sa créativité. Mais l’assistant reste à portée de main.
Au lycée aussi, les professeurs sont dans l’ensemble inquiets de l’irruption de cet assistant personnel capable de faire le travail à la place des élèves. Mais certains en ont pris leur parti : « Je l’utilise de plus en plus, admet ainsi André Laidli, qui enseigne la philosophie au lycée et en classe prépa. J’essaie de refaire mes cours avec lui, de chercher des exemples ou des références… En fait, c’est d’abord un outil pour compléter et améliorer ce que j’ai déjà. »
Cuisiner et remplir son frigo
« Dis, mon concombre a des taches sombres, c’est toujours mangeable ? », demande Tara Gianni à ChatGPT. Dans son appartement francilien, face à son frigo où traîne de la nourriture en fin de vie, elle a pris l’habitude de consulter l’IA. « Je lui fais plus confiance qu’à ma coloc, s’amuse-t-elle. Faut pas gâcher, mais faudrait pas s’intoxiquer non plus »,raconte l’étudiante en contrôle audit à l’université Paris-Dauphine.
Alors que l’usage de l’IA se répand et se diversifie, celle-ci a fait irruption dans les cuisines des particuliers comme des professionnels. Victor Gelegen, 22 ans, s’est tourné vers elle dès 2023. Etudiant en gestion à Londres et adepte d’un régime strict, il cherchait à simplifier le suivi de ses repas. « J’envoyais une recette à ChatGPT et il me donnait les macronutriments », explique-t-il. Fini, les recherches manuelles sur Google ou la lecture fastidieuse des étiquettes.
« Dire non à l’IA, ça n’a pas de sens, puisque tout le monde l’utilise », tranche, de son côté, Matan Zaken, 32 ans, chef étoilé de Nhome, dans le 1er arrondissement de Paris. Il décrit cet outil comme l’équivalent d’un « collègue » qui l’aide à structurer ses idées, à valider ses intuitions, ou parfois à surprendre. « C’est en discutant avec l’IA que j’ai découvert le potentiel aromatique des noyaux de datte torréfiés. Leur goût évoque le café, c’est une vraie surprise. »
A l’Osteria Paradiso, restaurant italien de quartier à Belleville, Alessandro Candido s’en sert pour varier ses « pastas » du jour. « Je lui demande : “Donne-moi une vingtaine de recettes italiennes traditionnelles”, je pioche dedans selon les produits que j’ai et je fais ma version. »
Faire son shopping et la chasse aux promos
D’après une étude réalisée en mai par la plateforme financière Adyen, auprès de 41 000 consommateurs dans 28 pays, plus d’un tiers des consommateurs font déjà appel à l’IA pour faciliter leurs achats. Chez les jeunes, cette proportion atteint 57 %. Certains demandent à ChatGPT de dénicher des codes promo en ligne pour les produits qu’ils ciblent. D’autres demandent à l’IA de repérer le site d’e-commerce proposant le meilleur prix, ou encore de fournir un comparatif des marques. Et de plus en plus d’acheteurs se promènent en rayons équipés de leur téléphone, préférant questionner ChatGPT plutôt que les vendeurs…
« J’ai tout mis dans ChatGPT : je lui ai demandé de comparer les prix, la puissance des modèles, l’autonomie de la batterie en lui envoyant une capture d’écran des propositions de Boulanger, la Fnac et Back Market », explique Paul, 20 ans, étudiant récemment installé à Marseille. Il a opté pour un abonnement payant, à 25 euros par mois, précisément pour cette fonctionnalité d’analyse des photos. Il a suivi l’avis apparu sur l’appli lui conseillant trois modèles en fonction de son budget. En magasin, il n’a fait appel au vendeur de l’enseigne que pour obtenir le produit en stock.
Choisir loisirs et sorties culturelles
Quand Sophie, étudiante en médecine de 25 ans, cherche un film à aller voir au cinéma, une sortie à faire avec ses amis ou un restaurant, son premier réflexe est de lancer ChatGPT. « Je lui indique mon humeur, le genre de films dont j’ai envie, je lui dis que je veux un film où j’apprends quelque chose, etc. », raconte celle pour qui les moteurs de réponse utilisant l’IA sont devenus de précieuses sources de recommandations culturelles et, au-delà, de loisirs. « Je lui demande même des résumés pour pouvoir comparer. »
Terminé les longues minutes passées sur les moteurs de recherche, l’IA se plie aux demandes les plus pointues : lieux d’habitation ou l’arrêt de métro le plus proche, la météo du moment, l’envie de marcher longtemps ou pas, l’âge recommandé des spectateurs… « S’il pleut, pas la peine qu’il me propose une activité dehors. C’est vraiment un gain de temps », commente Sophie. Même rituel pour les sorties au restaurant, avec en prime la possibilité d’avoir un comparatif des tables. « C’est plus rapide qu’avec les moteurs de recherche, où il faut cliquer sur tous les liens pour se faire un avis », estime l’étudiante qui se dit le plus souvent « contente » des conseils prodigués par ce chatbot aux allures de guide culturel.
Planifier ses vacances
Sur ChatGPT, la requête « Je cherche un hébergement pour quatre personnes, dont deux enfants, pour une semaine à Marseillan à la Toussaint, avec chien admis, et un budget d’environ 700 euros » offre une sélection sur différents sites − Airbnb, Gîtes de France, PAP Vacances, VRBO, Maeva… – avec une comparaison des prix dans un tableau, ainsi que les « plus » et les « moins » de chaque option, selon sa configuration familiale. L’outil donne aussi des conseils divers : vérifier les conditions d’annulation, s’assurer de la présence de chauffage… et propose des liens pour réserver l’option choisie.
« C’est un vrai gain de temps, et cela évite de se fatiguer à chercher des réponses sur de multiples sites », résume Catherine, 71 ans, retraitée. Cet été, elle est partie avec ses deux petites-filles pour une semaine à Lisbonne. Une fois l’appartement trouvé sur la plateforme d’échange de maisons entre particuliers HomeExchange, elle a interrogé ChatGPT pour organiser ses journées sur place. « J’ai demandé un programme adapté au mois d’août pour deux personnes de 70 ans avec deux ados. » Le résultat, décliné jour par jour, combinait à la fois des incontournables et des suggestions fondées sur l’âge des participants − visite de l’aquarium, session shopping, jardins, meilleurs pasteis de nata… « Une fois sur place, on s’est inspirés de ce programme, mais on a aussi beaucoup utilisé le Lonely Planet. Cela ne remplace pas complètement les guides papier, mais cela donne une bonne base », pense-t-elle.
Chercher un logement
Taper à la porte des agences immobilières, éplucher les petites annonces, surfer sur les sites spécialisés pendant des heures… « Trop fastidieux », estime Abdel. « J’ai demandé à ChatGPT de me trouver des plateformes proposant uniquement des colocations, relate ce chargé d’études statistiques de 24 ans. Il m’en a donné trois, qui n’étaient pas apparues quand je cherchais sur Google. » Le jeune homme, qui recherche un logement sur Paris depuis près de quatre mois, estime que les moteurs de recherche sont « devenus trop flous ».
Comme Abdel, ils sont nombreux à se tourner vers les chatbots d’IA générative, dans l’espoir qu’ils les aident à trouver un appartement, avec l’avantage de pouvoir personnaliser leur requête. « J’ai dit à ChatGPT que je déménageais de Lyon à Marseille, que j’avais 25 ans, que mon budget maximal était de 600 euros, et que je voulais habiter un quartier qui bouge », détaille Jade, conseillère dans l’alimentation durable. En quelques secondes, l’agent virtuel lui a proposé « une liste d’appartements qui répondent à [ses] critères ».
Contrairement aux agents immobiliers ou propriétaires qui battent parfois le froid devant les dossiers qu’ils estiment trop légers, l’IA, elle, ne juge pas. Voire, elle console. Démotivé après avoir passé plus de quatre mois à chercher un appartement à Paris, Naël a choisi de « poser son problème » à ChatGPT : « Je lui ai dit que je galérais et que je ne pouvais pas mettre plus de 800 euros dans un loyer », relate le jeune homme de 25 ans, qui termine ses études de droit. La réponse est teintée d’une certaine compassion : « Il m’a dit qu’effectivement j’avais un profil compliqué et m’a réorienté vers des organismes, comme le Crous et la caisse d’allocations familiales, qui pouvaient m’aider. » Reste que l’IA ne peut pas faire de miracle face à la pénurie de logements − et elle renvoie parfois à des annonces qui n’existent plus.
Gérer son budget
Mina Bouyagui, 29 ans, a fait de l’IA son conseiller bancaire. « Je veux acheter un deux-pièces à Saint-Ouen [Seine-Saint-Denis], il m’a fait un plan d’épargne dans un tableau Excel pour réussir à mettre quelques centaines d’euros de côté tous les mois », témoigne cette cheffe de projet événementiel.
Et certains vont encore plus loin. Lina-Eva, 24 ans, l’assume : ChatGPT connaît toute sa vie. Assistante de direction, elle lui a envoyé en pièce jointe ses fiches de paie, ses quittances de loyer, le montant exact de ses charges et de ses abonnements numériques pour bénéficier d’un « suivi personnalisé ». « Est-ce que j’ai le droit de toucher une prime d’activité ? », « Est-ce que j’ai le droit d’ouvrir un plan d’épargne-logement ? » Forte de toutes les données qu’elle possède sur elle, l’IA répond en deux secondes à ses questions. « Avant, je me renseignais sur Google et ça prenait des plombes, et j’obtenais des généralités. » Et le risque de fuites de données personnelles ? « Peu importe, je préfère que mes données soient récoltées par une IA plutôt que connues de mon banquier. »
La méfiance envers les banquiers « date d’avant l’intelligence artificielle », explique Jeanne Lazarus, sociologue spécialiste des questions de banque et d’argent au CNRS et à Sciences Po. En particulier chez les jeunes générations,« qui ne vont quasiment jamais dans les agences bancaires, tout se fait en ligne ».
Prendre un premier avis avant le médecin
Après la chute brutale de sa fille de 4 ans lors d’une promenade, Pierre, fonctionnaire de 33 ans, a été pris de panique. « Elle avait seulement saigné un peu du nez, mais, à notre retour, elle a commencé à faire une poussée de fièvre : j’ai eu peur que ce soit le signe d’un traumatisme plus grave. » Chez lui, il décrit l’accident et les symptômes à ChatGPT, qui lui conseille de « faire examiner sa cloison » : il s’agit peut-être du début d’un rhume, ou le signe « rare » d’une complication plus sérieuse liée à la chute. Par chance, Pierre parvient à décrocher un rendez-vous dans la journée avec une pédiatre, qui constate que la fièvre est due à un coup de froid, confirmant la piste évoquée par l’IA.
De la bobologie aux décryptages d’examens médicaux complexes, le recours à ChatGPT est devenu courant. Au grand dam des médecins, qui s’inquiètent que certains patients lui accordent une confiance aveugle, au risque de mettre en danger leur santé, faute de véritable avis médical.
Cadre dans une banque, Houssein, 40 ans, a testé ChatGPT à plusieurs reprises ces derniers mois, notamment après une rage de dents pour laquelle il avait été soigné avec des antibiotiques. « J’avais une perte du goût et de l’odorat. Il m’a indiqué que c’était un effet secondaire potentiel de mon traitement, ce que m’a confirmé un médecin par la suite », raconte-t-il. Auparavant, le Francilien l’avait utilisé pour comprendre les résultats du bilan sanguin et de l’IRM que son père venait de réaliser. « Avant, le réflexe, c’était plutôt d’aller sur des sites Internet comme Doctissimo. Là, je lui ai juste soumis une photo, et il m’a listé en quelques secondes les différents scénarios possibles, qui allaient d’un cancer à une pathologie bénigne : c’était à la fois pertinent et effrayant », détaille Houssein.
Pratiquer du sport
« C’est d’une simplicité enfantine », relate Antoine. A 36 ans, ce « sportif relatif », comme il se décrit, a choisi de « confier [son] corps à ChatGPT » pour épaissir sa silhouette, qu’il estimait fluette. « J’ai pris une photo de moi torse nu et j’ai demandé à l’IA de me préparer un plan pour me renforcer chez moi », décrit ce Lyonnais. En quelques secondes, un programme de mise en forme sur six semaines a été généré, détaillant les exercices y compris à l’aide de schémas, accompagné d’un système de rappel quotidien sur son téléphone.
« En matière d’exercice ou de connaissance pure, l’IA sera toujours en avance par rapport à un coach, car elle a accès à toute la connaissance d’Internet, constate Mathieu Riner, gérant d’un studio de coaching à Colmar. Mais un coach est là pour corriger, expliquer et surtout motiver. Et s’il n’y a pas de maîtrise du mouvement, ça peut mener à des blessures. Et ça, ChatGPT ne peut pas le remplacer. »
[Source: Le Monde]