Donald Trump s’engage à défendre la sécurité du Qatar, en lui offrant une garantie de solidarité
Trois semaines après l’attaque israélienne contre le siège du Hamas à Doha, les Etats-Unis veulent restaurer leur image de protecteurs des pays du Golfe.

Donald Trump a accordé au Qatar une faveur dont aucun autre pays du Moyen-Orient – en dehors d’Israël – ne bénéficie. Dans un décret présidentiel signé le 29 septembre, le président américain engage la parole de son pays, stipulant que toute attaque contre le Qatar serait considérée comme « une menace pour la paix et la sécurité des Etats-Unis ».
Une formule qui ressemble à une garantie de solidarité de type article 5 de l’OTAN, sans pour autant avoir la force juridique et contraignante d’un traité de défense ou d’un accord entériné au Sénat. Il s’agit davantage d’une promesse écrite, pouvant être renversée par un autre président. Si une telle attaque contre le Qatar venait à se produire, précise le décret, Washington prendrait toutes les mesures, notamment « diplomatiques, économiques et militaires si nécessaire », pour y répondre.
Cet engagement de Donald Trump en faveur de la sécurité du Qatar intervient trois semaines après l’attaque israélienne contre le siège du Hamas à Doha, le 9 septembre. La Maison Blanche a prétendu qu’elle n’avait pas été associée à l’opération ni informée de ses détails. L’émirat a fait mine publiquement de la croire. Mais l’addition a été néanmoins réglée par les Etats-Unis, tant le Qatar est un interlocuteur essentiel au Moyen-Orient. Symboliquement, cela fut accompli sous la forme d’excuses écrites et orales, présentées par Benyamin Nétanyahou, d’abord lors d’un appel au premier ministre, Mohammed Ben Abderrahmane Al Thani, puis aux côtés de Donald Trump, lors d’une conférence de presse, le 29 septembre. La Maison Blanche a précisé qu’il était hors de question, à l’avenir, de voir une telle opération se reproduire.
« L’attaque israélienne a été un désastre pour la politique américaine en ce qu’elle a montré que le président des Etats-Unis ne peut pas offrir une protection contre Israël et l’Iran, même à un allié qui accueille et paie la facture du Commandement central américain pour le Moyen-Orient », souligne Hussein Ibish, spécialiste du Golfe au Arab Gulf States Institute à Washington. La base américaine d’Al-Udeid, au Qatar, avait déjà été la cible de frappes iraniennes, le 23 juin, en réponse aux frappes américaines sur des sites nucléaires iraniens.
Décret présidentiel dénoncé
Si les Etats-Unis veulent conserver une alliance stratégique avec les pays du Golfe, ils doivent restaurer leur image de garant de sécurité, d’abord auprès du Qatar, que l’ancien président Joe Biden avait désigné comme allié majeur hors OTAN, en 2022. Le décret de Donald Trump, combiné au statut d’allié majeur hors OTAN et à la présence de la plus grande base militaire américaine de la région, confère à ce pays un statut de sécurité très particulier. La protection américaine pourrait notamment être requise contre la menace iranienne, si Israël et les Etats-Unis menaient de nouvelles frappes contre Téhéran. « Il se dit que c’est ce que Benyamin Nétanyahou a obtenu en échange de s’être – faussement – plié au plan de paix de Donald Trump pour Gaza », dit une source bien informée.
Le décret présidentiel a été dénoncé dans les rangs de la droite américaine, aussi bien par des conservateurs que par une partie du monde MAGA (Make America Great Again), qui associe le Qatar aux Frères musulmans et au terrorisme. L’une des voix influentes et radicales en ligne est celle de Laura Loomer. Celle-ci a affirmé, sur X, qu’elle ne voulait pas « mourir pour le Qatar ». Ajoutant ceci : « Chaque jour, le Qatar inonde notre pays avec des milliards de dollars de financement pour les causes de la gauche radicale, communistes et islamistes sur les campus universitaires et dans les institutions majeures. Le Qatar a aussi financé l’Iran avant qu’il n’essaie d’assassiner Trump. »
Laura Loomer avait déjà vivement critiqué, avec d’autres, le cadeau jugé compromettant, fait par le Qatar au printemps. Il avait offert à Donald Trump un Boeing 747 censé remplacer Air Force One, d’une valeur de 400 millions de dollars (environ 341 millions d’euros).
« Médiation avec le Hamas »
Dans son éditorial, le Wall Street Journal note que la raison principale d’un tel décret présidentiel réside dans le fait que « la famille Al Thani au pouvoir fait l’essentiel de ce que les Etats-Unis lui demandent, dont la médiation avec le Hamas, l’Iran et les talibans. Le Qatar fournit aussi du renseignement et accueille le quartier général avancé du Commandement central sur la base aérienne de Al-Udeid. » Néanmoins, rappelle le quotidien, « il est juste de dire que le Qatar joue les deux côtés. C’est parfois utile, mais c’est loin d’être le profil typique d’un Etat recevant des garanties américaines ».
Cette promotion du Qatar est scrutée de près par l’Arabie saoudite qui prétendait, depuis deux ans, à un traité de défense bilatéral, conclu en parallèle d’une normalisation de ses relations avec Israël. Mais l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, puis la guerre à Gaza ont compromis ce processus. « L’Arabie saoudite souhaiterait aller plus loin en cas de négociations futures sur un accord de défense. Les Saoudiens envisagent depuis longtemps une solution plus durable, comme un traité de défense approuvé par le Congrès – à l’instar du traité de défense mutuelle entre les Etats-Unis et la Corée du Sud –, bien sûr beaucoup plus difficile, voire impossible, à obtenir », souligne Anna Jacobs, conseillère Golfe à l’Institut européen pour la paix.
Le pacte de sécurité que l’Arabie saoudite a conclu, en septembre, avec le Pakistan est un signal envoyé à Washington que des alternatives existent si rien ne lui est offert. Il illustre néanmoins le désir croissant des pays du Golfe de diversifier leurs partenariats, tant les Etats-Unis ressemblent à une puissance incontournable, mais peu fiable.
[Source: Le Monde]