Gaza : un accord Israël-UE pour un retour de l’aide au compte-gouttes
Sous la pression de l’Europe, Israël assure réautoriser l’acheminement de l’aide au sein de l’enclave palestinienne. Sur le terrain, les acteurs peinent à voir les effets de cet accord.

Alors que des discussions indirectes à Doha autour d’un cessez-le-feu étaient toujours en cours entre le gouvernement israélien et le Hamas, vendredi 11 juillet, Israël a autorisé une livraison de carburant dans l’enclave, soumise depuis le 2 mars à un blocus, très partiellement levé depuis le 19 mai.
Cette distribution, principalement destinée aux hôpitaux et jugée largement insuffisante par les responsables humanitaires, résulte d’un accord de principe conclu avec l’Union européenne (UE), la veille, qui doit permettre l’acheminement « à grande échelle » de l’aide humanitaire pour la population gazaouie, menacée de famine.
Cet accord a été annoncé sans garantie, et la manière dont l’aide sera distribuée, un point de contentieux potentiel entre les deux parties, n’a pas été précisée. Il intervient alors qu’un conseil des affaires étrangères de l’Union européenne est convoqué mardi 15 juillet, au cours duquel la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, doit dévoiler une dizaine de mesures potentielles que pourrait prendre l’UE dans le cadre de l’examen de l’article 2 de l’accord d’association entre l’Union et Israël, qui oblige les parties à respecter les droits fondamentaux.
L’accord de jeudi prévoit que 150 à 160 camions puissent entrer quotidiennement dans l’enclave, contre 500 par jour avant la guerre. Les Européens souhaitent que l’aide soit distribuée par le biais des agences de l’ONU, alors que les Israéliens demeurent attachés aux services de la controversée Gaza Humanitarian Foundation (GHF), une organisation aux contours opaques pilotée par Israël avec le soutien des Etats-Unis. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, depuis le 19 mai, 798 civils palestiniens ont été tués par des tirs israéliens aux abords des sites de distribution.
Mme Kallas et le représentant spécial de l’UE chargé de ces négociations, le diplomate français Christophe Bigot, ont demandé la « réouverture des voies d’acheminement de l’aide jordanienne et égyptienne » et obtenu d’Israël l’autorisation de distribuer « des produits alimentaires par l’intermédiaire des boulangeries et des cuisines publiques dans l’ensemble de la bande de Gaza ».
« Vérifier si la situation change pour les habitants »
Le gouvernement israélien aurait également accepté d’autoriser la facilitation des travaux sur les infrastructures vitales, comme la reprise de l’alimentation électrique de l’installation de désalinisation de l’eau. Vendredi, l’agence onusienne OCHA, chargée de l’aide humanitaire, qui n’a pas été conviée aux discussions entre l’UE et Israël, confirmait avoir pu acheminer un petit volume de carburant dans la bande de Gaza. Le même jour, l’Unicef a été autorisée, selon Bruxelles, à mener des travaux de réparation sur les canalisations d’eau potable.
Le point de passage de Zikim, dans le nord de la bande de Gaza, serait ouvert depuis lundi 7 juillet, acheminant une centaine de camions par jour, assure le Cogat, la branche du ministère de la défense israélien qui gère les affaires civiles dans les territoires palestiniens. Les autorités israéliennes interdisent l’accès de la bande de Gaza à la presse internationale depuis le début de la guerre.
Malgré ces premières annonces, tous les observateurs, tant à Bruxelles qu’au Proche-Orient, restent prudents. « Il faut voir ce qui se passe sur le terrain », confie un diplomate dans la capitale européenne. « Cette déclaration de Kaja Kallas est positive, mais nous devons vérifier si la situation change pour les habitants », confirme un second.
Face au désastre humanitaire en cours dans l’enclave depuis vingt et un mois, aggravé par le blocus, la pression européenne pour que l’Etat hébreu respecte le droit humanitaire international n’a cessé de s’intensifier, sans résultat jusqu’à présent. Le 21 mai, une majorité des Etats européens avaient exigé de Kaja Kallas qu’elle lance l’examen de l’article 2 de l’accord d’association entre l’Union et Israël. Sans surprise, cette analyse, dévoilée fin juin, a conclu qu’« il existe des indications selon lesquelles Israël n’aurait pas respecté ses obligations en matière de droits de l’homme », forçant les Etats membres à évaluer leurs options. Les mesures envisagées, qui ne fédèrent aucune majorité jusqu’à présent, vont d’une suspension totale ou partielle de l’accord d’association à des mesures contre la participation d’Israël aux programmes européens pour les étudiants, Erasmus, ou la recherche, Horizon Europe.
L’UNRWA, l’agence onusienne chargée des réfugiés palestiniens, reste, pour sa part, sceptique. Juliette Touma, sa porte-parole, précise que l’institution n’a pas été autorisée à faire entrer le moindre camion d’aide dans l’enclave depuis le 2 mars. « En Egypte et en Jordanie, nous avons 6 000 véhicules remplis de nourriture, de médicaments et de produits d’hygiène, précise-t-elle. Et, bientôt, beaucoup de ces produits seront périmés. » Vendredi, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a annoncé que, la veille, les autorités israéliennes n’avaient pas permis à une équipe des Nations unies de livrer du carburant dans le nord de l’enclave.
[Source: Le Monde]