Crash du Boeing 787 d’Air India : l’alimentation du carburant coupée, confusion dans le cockpit
Quelques secondes après le décollage de l’appareil, de l’aéroport d’Ahmedabad (Gujarat), le 12 juin, les interrupteurs d’alimentation en kérosène des deux moteurs sont soudainement passés en position « arrêt », selon un rapport d’enquête préliminaire indien publié samedi. L’accident a fait 260 morts.

Le rapport préliminaire d’enquête sur le crash du Boeing 787 d’Air India ne tire aucune conclusion et n’attribue aucune responsabilité. Il permet néanmoins d’apporter des premiers éléments d’explication sur la cause du drame et soulève des questions sur l’action des pilotes. Le document rendu public samedi 12 juillet, un mois jour pour jour après le crash de l’avion qui devait relier la ville d’Ahmedabad, dans l’Etat du Gujarat, dans l’ouest de l’Inde, à l’aéroport d’Heathrow, à Londres, indique que l’alimentation en carburant des moteurs a été coupée juste avant l’impact.
Lorsqu’il s’est écrasé, quelques instants à peine après le décollage, dans une zone densément peuplé d’Ahmedabad, tuant 19 personnes au sol, l’avion transportait 230 passagers, 169 Indiens, 53 Britanniques, sept Portugais et un Canadien, ainsi que les 12 membres d’équipage. Un seul passager a miraculeusement survécu à ce crash, qui figure parmi les pires catastrophes aériennes de l’Inde.
Entre le décollage et le crash, le vol n’aura duré que trente secondes. Le Boeing 787-8 Dreamliner a atteint sa vitesse maximale enregistrée lorsque les interrupteurs d’alimentation en carburant des deux moteurs sont passés de la position « run » (« ouvert ») à la position « cutoff » (« arrêt »). D’abord pour le premier moteur, puis pour le second, à tout juste une seconde d’intervalle. Le rapport de 15 pages ne précise pas comment ils ont pu basculer en position « arrêt » pendant le vol. Les deux moteurs ont alors commencé à perdre de la puissance.
Signal de détresse
Le document, publié dans la nuit de vendredi à samedi par le Bureau indien d’enquête sur les accidents aériens, fait état d’une certaine confusion dans le cockpit quelques instants avant le crash. « Dans l’enregistrement des conversations dans le cockpit, l’un des pilotes demande à l’autre pourquoi il a coupé l’alimentation en carburant. Le second pilote répond qu’il ne l’a pas fait », indique-t-il.
Les interrupteurs ont rapidement été remis en position « ouvert » mais l’avion, qui avait commencé à perdre de l’altitude, n’a pas pu reprendre suffisamment de puissance pour arrêter sa chute. Le moteur 1 a pu se rétablir mais le moteur 2, s’il s’est rallumé, n’a pas pu arrêter la décélération.
Moins d’une minute plus tard, un signal de détresse a été transmis : « Mayday, Mayday, Mayday ». Les contrôleurs aériens ont demandé aux pilotes ce qu’il se passait mais sont restés sans réponse. Ils ont vu l’appareil perdre de la hauteur et s’écraser avant de donner l’alerte. Selon l’enquête, l’avion avait commencé à perdre de l’altitude avant même d’avoir quitté l’aéroport d’Ahmedabad. Les deux interrupteurs de commande de carburant ont été retrouvés en position « run » sur le lieu de l’accident. Le commandant de bord, Sumeet Sabharwal, avait plus de 15 000 heures de vol à son actif, et le copilote Clive Kunder en avait 3 400.
Défaillance mécanique exclue à ce stade
Le rapport rappelle en outre que la Federal Aviation Administration des Etats-Unis avait publié, en 2018, un bulletin d’information concernant « le désengagement potentiel de la fonction de verrouillage de l’interrupteur de contrôle du carburant », une préoccupation qui n’était pas considérée comme une « condition dangereuse ». Air India n’avait pas effectué les inspections suggérées car elles étaient « conseillées et non obligatoires ». La compagnie aérienne a réagi sur le réseau social X estimant que, « compte tenu de la nature active de l’enquête », elle n’était pas « en mesure de s’exprimer sur des détails spécifiques » mais qu’elle continuait à coopérer avec les enquêteurs.
Cet accident s’est produit alors qu’Air India tentait de se moderniser et de renouer avec son faste d’antan lui ayant valu un temps le surnom de « Maharaja des cieux », une référence à sa mascotte. L’ancien transporteur national avait été racheté par Tata en 2022. Le conglomérat d’envergure internationale, emblème du capitalisme indien, espérait en faire une compagnie capable de rivaliser avec les acteurs les plus prestigieux du Golfe, comme Emirates, basé à Dubaï.
Les investigations, auxquelles ont participé des spécialistes venus des Etats-Unis et du Royaume-Uni, sont toujours en cours et des éléments supplémentaires ont été demandés aux parties prenantes. Les enquêteurs ont semblé, à ce stade, exclure une défaillance mécanique, estimant qu’aucune action n’était recommandée au constructeur de l’avion et au fabricant du moteur, respectivement Boeing et General Electric.
[Source: Le Monde]