Jordan Bardella attaque le Parlement européen pour obtenir l’embauche de son directeur de cabinet comme assistant parlementaire

Le président du RN a formulé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne, estimant infondé le refus du Parlement de rémunérer son collaborateur à temps partiel. Le nouvel épisode d’une guerre juridique entre Bruxelles et le parti d’extrême droite.

Juil 12, 2025 - 17:04
Jordan Bardella attaque le Parlement européen pour obtenir l’embauche de son directeur de cabinet comme assistant parlementaire
Jordan Bardella au Parlement européen à Strasbourg, le mercredi 9 juillet 2025. ANTONIN UTZ / AP

La guérilla juridique entre le Rassemblement national (RN) et le Parlement européen ne connaît pas de trêve. Comme l’a appris Le Monde, Jordan Bardella et le député européen Alexandre Varaut ont formulé, en mai, un recours contre le Parlement européen devant le Tribunal de l’Union européenne (UE) pour obtenir les embauches de collaborateurs en tant qu’assistants parlementaires locaux. Il s’agit respectivement du directeur de cabinet du président du RN, François Paradol, et de la secrétaire historique de M. Varaut dans son cabinet d’avocat.

L’administration européenne avait refusé, en novembre 2024, de payer ces deux salaires, estimant qu’il lui serait impossible de vérifier si les deux collaborateurs travaillaient réellement à aider les deux élus dans leur tâche de député européen. Les contrats d’assistants parlementaires locaux, qui sont basés en France, constituaient l’essentiel de la procédure ayant coûté l’inéligibilité à Marine Le Pen.

Ce recours est donc un nouvel épisode dans les relations conflictuelles entre l’instance européenne et le parti d’extrême droite. Le 31 mars, le parti, Marine Le Pen et 23 autres élus et cadres ont été condamnés par la justice française pour avoir fait rémunérer par le Parlement européen, en tant qu’assistants parlementaires, des militants qui travaillaient en réalité pour le parti – la moitié des condamnés, dont Mme Le Pen, a fait appel. Mardi 8 juillet, le parquet européen a annoncé l’ouverture d’une autre enquête concernant les agissements de la délégation RN et de ses alliés à Bruxelles, qui auraient « indûment dépensé » son budget de fonctionnement au profit de prestataires amis ou d’associations dans une démarche clientéliste.

« Une question de principe »

Après les élections européennes de juin 2024, M. Bardella a souhaité reconduire le contrat de François Paradol, conseiller régional d’Ile-de-France, qui est, par ailleurs, son directeur de cabinet en tant que président du parti. M. Paradol occupait déjà cette fonction lors du mandat précédent avec l’accord du Parlement européen et dit réaliser pour son député des notes d’actualité, des questions écrites ou un travail de communication. Des preuves de travail ont déjà été vérifiées par l’administration sous le mandat précédent, rappelle-t-il.

M. Bardella estime que ce travail occupe son directeur de cabinet quelque quatorze heures par semaine et demande pour cela que le Parlement européen le rémunère à hauteur de 1 815 euros brut par mois, soit 30 euros de l’heure, un salaire « largement au-dessous du plafond » prévu par l’institution, souligne le parti dans sa requête. « Ce recours est une question de principe, dit M. Paradol. On défend la liberté du parlementaire européen à embaucher des assistants parlementaires comme il l’entend. »

Cette demande s’inscrit dans le cadre, plus large, d’une contestation en justice du fonctionnement de l’institution européenne : Jordan Bardella a formulé d’autres recours depuis le début de ce mandat contre la pratique du « cordon sanitaire », qui écarte de tout poste à responsabilités les élus du groupe Patriotes pour l’Europe, dirigé par le RN.

Délais habituels de la justice

Dans sa lettre de refus de novembre 2024, le Parlement européen mentionnait le risque que « les ressources de l’Union (…) soient utilisées à d’autres fins que celles auxquelles elles sont censées être affectées, notamment au profit d’un mouvement politique ». L’institution, qui ne commente pas les cas individuels, rappelle d’une manière générale que « les députés sont libres de choisir leurs assistants, du moment que les règles financières en vigueur (…) soient respectées ».

A l’époque du refus formulé par Bruxelles, les avocats du Parlement européen avaient mis en garde l’administration contre l’embauche de François Paradol : « Cela leur aurait permis de dire : “Regardez, on peut être salarié du RN et avoir une activité d’assistant parlementaire validée par le Parlement européen” », estime une source impliquée dans l’affaire des assistants parlementaires.

Compte tenu des délais habituels de la justice de l’UE, le litige a peu de chances d’être tranché avant l’issue du procès en appel dans l’affaire des assistants parlementaires en France. A chaque fois qu’un refus d’assistant parlementaire a été porté devant le Tribunal de justice de l’UE, ce dernier a conforté le Parlement européen. Il s’agissait toutefois de contester des critères objectivement décrits par le règlement, et non d’une différence d’interprétation.

[Source: Le Monde]