Tentative de coup d’État au Bénin: des militaires incarcérés, des figures de l’opposition inquiétées
Une dizaine de jours après la tentative de coup d’État militaire, au Bénin, les autorités se sont lancées dans une vaste riposte judiciaire et sécuritaire. Une trentaine de personnes, principalement des militaires, ont été placées sous mandat de dépôt à Cotonou. Plusieurs figures de l’opposition ont également été interpellées, suscitant des inquiétudes sur un durcissement du pouvoir à l’approche de l’élection présidentielle prévue en avril.
Selon des sources judiciaires, une trentaine de suspects ont été présentés lundi 15 décembre au procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), avant d’être écroués mardi. Ils sont poursuivis notamment pour “trahison”, “assassinat” et “attentat à la sûreté de l’État”.
Le 7 décembre dernier, des militaires dissidents avaient annoncé la destitution du président Patrice Talon à la télévision nationale. L’armée béninoise a repris le contrôle le jour même, aidée par le Nigeria et la France, selon les autorités. Des affrontements ont éclaté et plusieurs personnes ont trouvé la mort. Certains mutins, dont leur chef présumé, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, sont toujours en fuite.
Selon les autorités béninoises, les putschistes étaient entre 100 et 200 soldats. Le site d'investigation béninois Banouto, cité par le magazine Courrier International, rapporte qu’ils seraient partis du camp militaire de Togbin avec des armes lourdes et des blindés. Les domiciles de deux généraux étaient leurs cibles, avant qu’ils ne tentent d’attaquer la résidence présidentielle.
L’opposition aussi ciblée par la justice
Plusieurs figures de l’opposition ont également été interpellées. Le fils de l’ancien président Boni Yayi et responsable au sein du parti d’opposition Les Démocrates, Chabi Yayi, a été arrêté à son domicile dans la nuit de samedi 13 au dimanche 14 décembre. Il a ensuite été placé en garde à vue. Selon la BBC, son domicile a été perquisitionné et du matériel informatique saisi.
Remis en liberté lundi 15 décembre, après son audition, il reste toutefois poursuivi en lien avec la tentative de coup d’État, pour des motifs inconnus. Mais il est attendu de nouveau dans les locaux de la police judiciaire jeudi 18 décembre, selon des sources judiciaires.
L’ancien ministre de la Défense Candide Azannaï, ancien allié de Patrice Talon et figure importante de l’opposition, a également été interpellé vendredi 12 décembre. On ignore si son arrestation est liée à la tentative de putsch. Il l’avait condamnée mais dénonçait également une "instrumentalisation" des événements "à des fins de confiscation du pouvoir".
L’activiste panafricaniste Kemi Seba a été accusé “d’apologie de crimes contre la sûreté de l’État” et “d’incitation à la rébellion” et un mandat d’arrêt international a par ailleurs été émis contre lui. Hors du Bénin, il est poursuivi pour son soutien affiché aux putschistes. L’intéressé a affirmé sur les réseaux sociaux qu’il poursuivrait son combat.
Climat politique sous tension avant la présidentielle
Cette vague d’arrestations s’apparente à un “tour de vis sécuritaire” contre une opposition déjà fragilisée, selon Aujourd’hui au Faso. Les autorités rappellent que toute tentative de coup d’État appelle une réponse ferme, mais certains observateurs redoutent une forme d’instrumentalisation judiciaire pour neutraliser des adversaires politiques.
Le président Patrice Talon, au pouvoir depuis 2016, arrive donc au terme de ses deux mandats constitutionnels et doit quitter la présidence en avril. Son dauphin présumé, le ministre des Finances Romuald Wadagni, apparaît quant à lui en position favorable et le principal parti d’opposition a déjà été exclu du scrutin présidentiel faute d'un nombre de parrainages suffisant.
Même si le bilan économique du chef de l’État est salué, ses détracteurs l’accusent de prendre un virage autoritaire, alors que le pays a longtemps été présenté comme l’un des modèles démocratiques de l’Afrique de l’Ouest.
[Source: TV5Monde]