Un bombardement israélien provoque un carnage dans un café de Gaza

La frappe israélienne qui a visé, lundi 30 juin, un café de bord de mer, où journalistes, artistes et étudiants avaient leurs habitudes, a fait des dizaines de morts et de blessés.

Juil 3, 2025 - 09:26
Un bombardement israélien provoque un carnage dans un café de Gaza
Le café Al-Baqa, bombardé par une frappe aérienne israélienne qui a tué au moins 24 personnes, près du port de la ville de Gaza, lundi 30 juin 2025. JEHAD ALSHRAFI / AP

Lundi 30 juin, le café Al-Baqa, situé sur le bord de mer de la ville de Gaza, a volé en éclats. Un bombardement israélien survenu sans avertissement a transformé ce lieu très prisé des jeunes Gazaouis en un champ de ruines. Journalistes, artistes et étudiants y avaient leurs habitudes, le lieu fait de tôle et de bois ayant conservé une connexion internet fiable, devenue rare dans l’enclave anéantie par vingt mois de frappes intensives. Al-Baqa était un point de ralliement, un espace de répit offrant une forme de normalité dans un quotidien dévasté.

L’attaque a fait 42 morts et 72 blessés selon la direction de l’hôpital Al-Shifa, jointe par Le Monde. Au total 105 personnes ont été tuées, lundi, dans l’enclave. « Ce qui s’est passé [au café] est un véritable massacre contre des civils. Les corps ont été projetés jusque dans la mer. L’hôpital est plein à craquer. Certains blessés sont morts après leur arrivée parce que nous n’avons pas de lits pour les accueillir », affirme Muhammad Abu Salmiya, directeur d’Al-Shifa, joint par téléphone – les autorités israéliennes interdisent depuis octobre 2023 l’accès de la presse internationale à l’enclave palestinienne. L’établissement ne fonctionne plus qu’à 10 % de sa capacité initiale, souffrant de destructions massives, de pénuries de médicaments et d’anesthésiants, et ne dispose que de trois salles d’opération saturées.

Parmi les victimes, le photojournaliste Ismail Abou Hattab, 34 ans, tué sur le coup. Son travail, dont une partie avait été exposée à Los Angeles en avril, captait des instants de vie poétiques à Gaza, un regard tendre, loin des clichés de destruction. Il pourrait avoir été attablé avec l’artiste peintre Frans Al-Salmi, également tuée lors de l’attaque. Le dernier post Instagram de la jeune femme est un portrait de son ami photographe.

« La mort nous poursuit partout »

Sur un autre cliché partagé sur les réseaux sociaux, Bayan Abou Sultan, jeune journaliste, apparaît le visage et les vêtements ensanglantés, les cheveux en bataille couverts de poussière. Elle a survécu. « Il devient de plus en plus évident qu’Israël cible délibérément les lieux utilisés par les journalistes pour envoyer leurs reportages et images », a dénoncé Ramy Abdu, président de l’Observatoire euro-méditerranéen des droits de l’homme, sur X. Depuis le 7 octobre 2023, date de l’attaque du Hamas qui a déclenché la guerre, Israël a tué 227 journalistes à Gaza.

Les images postérieures à l’attaque, d’une violence inouïe, révèlent aussi la diversité de ceux qui fréquentaient le café Al-Baqa. Au sol, des cartes de jeu éparpillées, maculées de sang et mêlées aux débris. Des corps désarticulés sont évacués à la hâte sur des draps. Un adolescent hurle de détresse : il vient de reconnaître un proche parmi les morts. « C’est un enfant, là ! », crie un homme en soulevant un morceau de bâche qui recouvre un petit corps inerte. Près d’une table, une femme encore assise semble inanimée, le corps renversé contre le muret du café. En arrière-plan, les vagues d’un bleu azur poursuivent leur roulis.

« J’ai vu des corps d’enfants et de femmes en morceaux à terre, des choses indescriptibles. Je n’arrive pas à reprendre mes esprits. Ce sont des civils, il n’y a pas de combattants ici. Ce sont juste des gens sortis de leur tente pour s’offrir un moment de respiration. La mort nous poursuit partout », témoigne Ahmad Bakr, employé dans un café adjacent, joint par Le Monde. De son côté, comme après chaque frappe meurtrière, l’armée israélienne affirme avoir visé « plusieurs terroristes » du Hamas – sans fournir de preuves, ni expliquer l’ampleur du bilan humain, assurant que « l’incident[était] en cours d’examen ».

Responsable de communication dans une ONG palestinienne, Khaled Al-Helou fréquentait Al-Baqa trois ou quatre fois par semaine. Lundi, il a échappé de peu à la mort. « Jamais je n’aurais imaginé que ce lieu soit visé. Ce café rassemblait beaucoup de gens éduqués de Gaza. C’était un lieu rempli d’amour et de joie. C’est une très grosse perte. Ce qu’on croyait être un refuge a été frappé d’une façon aussi barbare. On ne sait plus où aller », ajoute-t-il, la voix emplie de tristesse.

[Source: Le Monde]