Zohran Mamdani devient le plus jeune maire de l’histoire de New York, le premier socialiste revendiqué et le premier musulman

L’élection du candidat démocrate de 34 ans à la tête de la capitale financière de la planète consacre surtout une ligne politique : réduction du coût de la vie, taxation des plus riches, opposition totale à Donald Trump.

Nov 5, 2025 - 11:25
Zohran Mamdani devient le plus jeune maire de l’histoire de New York, le premier socialiste revendiqué et le premier musulman
Zohran Mamdani, lors de son élection à la mairie de New York, à Brooklyn, le 4 novembre 2025. SHANNON STAPLETON/REUTERS

New York vient d’assister à l’une des plus incroyables conquêtes électorales de l’histoire politique américaine. Zohran Mamdani, un candidat démocrate socialiste d’à peine 34 ans, totalement inconnu il y a encore un an, a remporté l’élection municipale de la plus grande ville des Etats-Unis, la capitale financière de la planète. Avec 50,4 %, il devance largement Andrew Cuomo, l’ancien gouverneur démocrate de l’Etat, qui s’est présenté en indépendant, et le républicain Curtis Sliwa.

« Le futur est entre nos mains, mes amis, nous avons renversé une dynastie politique, a-t-il lancé à la foule de ses supporteurs, réunis au Brooklyn Paramount. Nous respirons l’air d’une cité qui vient de renaître. » Zohran Mamdani a fait de la dénonciation des élites politiques de la ville et de la figure du « milliardaire qui achète les élections » l’un des carburants principaux d’une campagne aux accents dégagistes.

Sa victoire s’inscrit dans une soirée faste pour les démocrates, qui ont remporté les sièges de gouverneur en Virginie et dans le New Jersey, ainsi que le vote sur le redécoupage électoral en Californie. Partout ou presque, les républicains ont été en recul par rapport aux scores de Donald Trump, il y a tout juste un an. Mais, au milieu de cette poussée bleue, ce succès a une saveur particulière.

Contexte favorable

Mamdani devient, à 34 ans, le plus jeune maire de l’histoire de New York, le premier socialiste revendiqué, le premier musulman… Mais ces éléments mis bout à bout ne suffisent pas à faire le tour de ce phénomène qui, en quelques mois, a redynamisé le camp progressiste à New York. Alors que son adversaire, Andrew Cuomo, recevait le soutien financier colossal de plusieurs milliardaires, le candidat démocrate créait un vaste mouvement de volontaires prêts à faire du porte-à-porte sept jours sur sept. Il a remercié longuement ses partisans, mardi soir, et notamment les plus jeunes d’entre eux : « Merci à la prochaine génération de New-Yorkais qui a refusé d’accepter que la promesse d’un avenir meilleur soit une relique du passé. » M. Mamdani s’est aussi distingué par une créativité sans limite dans sa campagne sur les réseaux sociaux, qui fera école, à n’en pas douter, aux élections de mi-mandat dans un an.

Cette ascension irrésistible ne doit pas faire oublier la réalité des chiffres. Zohran Mamdani l’emporte en atteignant tout juste la barre des 50 % et doit en partie sa victoire à la dispersion des voix, avec trois candidats. Il a aussi bénéficié d’un contexte favorable. Le maire démocrate sortant Eric Adams a dû renoncer à se présenter, plombé par des accusations de corruption, qu’il dément. Andrew Cuomo a démissionné de son poste de gouverneur après des accusations de harcèlement sexuel de la part de 12 femmes (ce que lui aussi dément) et s’est présenté quand même après avoir été défait à la primaire démocrate en juin. Quant au candidat républicain, Curtis Sliwa, qui arbore en permanence un béret rouge et a créé un groupe d’autodéfense dans le métro, il est perçu comme un original jusque dans son propre camp.

Il n’empêche, la victoire de M. Mamdani sera lue aux Etats-Unis comme celle d’une ligne politique. Le candidat démocrate a focalisé toute sa campagne sur la question du coût de la vie, dans une ville devenue inabordable pour une grande partie de ses habitants. Le programme de M. Mamdani se résume à quelques propositions simples – simplistes, selon ses adversaires : geler les loyers des appartements réglementés, rendre les bus gratuits, créer un système de garde d’enfants universel, ouvrir des épiceries municipales pour faire baisser le prix de l’alimentation.

« Donald Trump, je sais que tu regardes »

Exit les questions de diversité, d’identité, de genre, qui ne sont désormais évoquées qu’à la marge. Idem pour la crise climatique, absente de ses meetings. Zohran Mamdani met toute son énergie à ne parler que du quotidien des habitants, avec une ligne sociale assumée.

Les deux autres sujets qui se fraient un chemin dans ses discours sont les questions de l’immigration et de la bande de Gaza. M. Mamdani défend le statut de ville refuge pour les migrants de New York, quand l’administration d’Eric Adams, le maire démocrate sortant, avait adopté une ligne plus dure ces derniers mois, ne s’opposant pas aux raids de l’ICE, la police de l’immigration, au sein même du tribunal de la ville. Quant à ses positions propalestiniennes, elles lui ont valu nombre d’attaques de ses adversaires, dans une ville qui compte la première communauté juive du monde. Mais elles lui ont valu également beaucoup d’appuis, dans une cité très diverse, où le soutien au peuple palestinien est largement partagé.

Après avoir regardé la course de loin et affublé M. Mamdani du surnom de communiste (une insulte aux Etats-Unis), Donald Trump est entré dans l’arène lundi soir, pour appeler très directement à voter en faveur d’Andrew Cuomo, désavouant au passage le candidat républicain, Curtis Sliwa. Il a également menacé les habitants de New York de couper les fonds fédéraux s’ils venaient à élire Zohran Mamdani. Manifestement, ils ne l’ont pas écouté.

Mardi soir, il a réagi de manière globale aux victoires démocrates, en Virginie, dans le New Jersey et à New York, à travers un message sur son réseau social : « Trump absent des bulletins de vote et le shutdown sont les deux raisons pour lesquelles les républicains ont perdu les élections ce soir selon les sondeurs. » Une reconnaissance du fait que la fermeture de l’administration américaine, à cause d’un désaccord entre les sénateurs démocrates et les sénateurs républicains, commence à coûter des points à la Maison Blanche et aux républicains.

Zohran Mamdani s’est adressé directement à lui, mardi soir, au milieu d’une tirade sur les milliardaires, provoquant l’hilarité de la foule : « Donald Trump, je sais que tu regardes, j’ai trois mots pour toi : “Monte le son !” » Un avant-goût des échanges entre les deux hommes, qui s’annoncent salés dans les mois à venir.

Accents populistes

La victoire de Zohran Mamdani sera également lue comme un message envoyé au Parti démocrate, qui a traîné des pieds pour soutenir le candidat ayant pourtant remporté sa propre primaire. Ses positions sur le conflit israélo-palestinien et sa proximité avec l’aile gauche du parti, et notamment le sénateur Bernie Sanders, sont un repoussoir pour une partie des dirigeants.

Chuck Schumer, le patron de l’opposition au Sénat, élu de New York, a refusé de dire pour qui il avait voté, mardi. Hakeem Jeffries, son homologue à la Chambre des représentants, également issu de New York, a attendu les derniers jours pour apporter son soutien à Zohran Mamdani. Sur le plateau de CNN mardi soir, il a beaucoup plus insisté sur les victoires des démocrates en Virginie et dans le New Jersey, où les candidates sont plus modérées.

Le plus dur commence maintenant pour Zohran Mamdani, qui va devoir démontrer que ses engagements de campagne ne relèvent pas que du populisme. Lors de son discours, mardi, il a promis de mettre ses pas dans ceux de Fiorello La Guardia (1882-1947), l’un des maires les plus respectés de l’histoire de New York, qui a dirigé la ville après la Grande Dépression et pendant la seconde guerre mondiale. « Je me réveillerai chaque matin avec un seul objectif : rendre cette ville meilleure pour vous qu’elle ne l’était la veille », a-t-il promis, alors que son manque d’expérience a été dénoncé tout au long de la campagne.

Le maire de New York n’a pas toutes les cartes en main pour appliquer sa politique et dépend notamment de l’Etat pour augmenter les impôts. Il a promis de financer son programme en taxant davantage les entreprises et les plus aisés. Il va devoir convaincre la gouverneure de l’Etat, la démocrate Kathy Hochul, plus centriste que lui, de le suivre. Cette dernière vise, en 2026, une réélection compliquée et aura besoin de M. Mamdani et du mouvement qu’il a fait naître.

Une scène résume le changement de dynamique au sein de la sphère démocrate new-yorkaise. Lors de son dernier meeting de campagne, dimanche 26 octobre, Zohran Mamdani avait invité Kathy Hochul à s’exprimer sur scène. Pendant sa prise de parole, la foule a commencé à scander « Taxe les riches, taxe les riches », recouvrant sa voix. M. Mamdani est alors venu sur scène, a pris le bras de Mme Hochul et l’a fait acclamer par la foule, avant de lui offrir une sortie sous les applaudissements. Une démonstration qu’il sera désormais compliqué pour les démocrates de composer sans lui.

[Source: Le Monde]