Gabriel Attal, un président de groupe en retrait à l’Assemblée, en plein examen budgétaire
Le chef de file de Renaissance – dont l’absence, jeudi, dans l’hémicycle, lors de l’adoption du premier texte du Rassemblement national, a été décriée – fait profil bas dans la période, confronté à la difficulté de tenir ses troupes.
Jeudi 30 octobre au matin, lors de la niche parlementaire du groupe Rassemblement national (RN), le Palais-Bourbon vit quelque chose d’inédit. Pour la première fois – et à une voix près – l’Assemblée nationale vient d’adopter un texte du RN. Il s’agit d’une résolution visant à « dénoncer » l’accord franco-algérien de 1968.
Atterrée par le résultat, la gauche s’offusque face aux bancs clairsemés du camp macroniste : sur les 85 députés du groupe Ensemble pour la République (EPR) qui pouvaient voter, seuls 33 sont présents et 30 ont voté contre. Parmi les absents, il y en a un qui n’est pas passé inaperçu : le président du groupe EPR, Gabriel Attal.
L’ancien premier ministre est alors sur le chemin de l’Assemblée. Il rentre du forum international consacré à la transformation durable du tourisme, qui se déroule à Paris, où il était invité à prendre la parole pour une vingtaine de minutes. « Une intervention prévue de longue date », justifie son entourage, pris de court par l’adoption surprise du texte, tout en pointant la responsabilité des Républicains et d’Horizons.
Certes, la droite a soutenu le texte, et la gauche n’avait pas fait le plein non plus pour le vote. Mais, pour les macronistes, le constat est amer. Car les députés Renaissance devaient, en théorie, être une cinquantaine pour s’opposer aux textes de l’extrême droite lors de cette journée de niche parlementaire du groupe Rassemblement national. L’absence d’une coordination suffisante du groupe par Gabriel Attal a conduit une vingtaine d’entre eux à déserter les bancs.
« Il ne tient pas le groupe »
Une cadre de Renaissance fustige : « Il a une nouvelle fois démontré qu’il ne tient pas le groupe. » « C’est la honte absolue », abondent plusieurs élus présents, sans assumer de blâmer publiquement leur chef de file et leurs collègues. Comme eux, la plupart des députés contactés ont préféré demander l’anonymat, signe de la fébrilité dans leurs rangs.
Après l’incident, aucun message n’a été envoyé dans la boucle Telegram des députés jusqu’au soir, tandis que Gabriel Attal a discrètement supprimé une publication de son passage au fameux forum économique sur sa page Instagram. Les choses sont rentrées dans l’ordre dans l’après-midi, après avoir battu le rappel de plusieurs députés en séance, lors de laquelle le président de groupe est aussi réapparu.
L’incident est à l’image de ce qu’à quoi l’ex-chef du gouvernement se confronte depuis plusieurs mois et notamment depuis le début de l’examen du projet de loi de finances : la difficulté de tenir ses troupes. Se sentant « passagers »d’une situation où l’Assemblée « navigue à vue », les députés EPR sont agacés par le cumul de revers fiscaux enregistrés dans l’hémicycle et les concessions accordées par le premier ministre aux socialistes, « en échange de rien », selon eux.
Les macronistes cherchent à tenir une ligne de crête : défendre leur bilan, sans pour autant trop mettre en difficulté le premier ministre, Sébastien Lecornu. Mais, dans les faits, les choses s’avèrent complexes : ils sont divisés en trois blocs non homogènes sur la stratégie. Il y a d’abord les députés très remontés qui veulent défendre coûte que coûte leur héritage, même si cela veut dire adopter des positions contre l’exécutif et le mettre en échec sur certains votes. Puis, il y a ceux prêts à soutenir les compromis que le gouvernement noue en coulisses avec les socialistes. Enfin, au milieu, des députés naviguent entre deux eaux, un peu à l’image de leur président de groupe.
Temporiser
Pas facile, dans cette configuration, d’arrêter une ligne commune cohérente. Plutôt que de trancher, Gabriel Attal, qui s’est affiché en faveur du compromis, mais plaide aussi pour défendre les fondamentaux macronistes en matière économique, préfère temporiser. Il laisse une liberté de parole et d’amendements à ses députés les plus techniciens sur le budget, qui l’aident à trancher au cas par cas, sur ce que doit voter le groupe. Et s’en remet à la fin à la responsabilité du gouvernement pour ce qui est des discussions avec le Parti socialiste.
Gabriel Attal, également secrétaire général de Renaissance, a d’autant plus de raisons de faire profil bas, qu’il a été récemment vivement critiqué par une partie de ses troupes. Beaucoup n’ont pas apprécié ses propos au sujet d’Emmanuel Macron, ni la rupture trop nette qu’il a actée avec le président lors de la rentrée du parti à Arras. En laissant chacun libre de défendre ses convictions et en s’en remettant à la responsabilité du gouvernement qu’il soutient pour les arbitrages de fond, même s’il participe aux discussions en coulisse, le chef de file se préserve.
« Ce n’est pas une position facile. Son objectif, c’est qu’on soit entrés dans cette période de tensions à 92 députés et qu’on en ressorte au même nombre », défend le député Guillaume Gouffier Valente (Val-de-Marne). Mais l’absence de leadership et de discussion stratégique à l’échelle du groupe est regrettée par plusieurs de ses collègues, qui fustigent le fonctionnement « vertical » et « en petit clan » de Gabriel Attal.
Abstention sur la réforme des retraites ?
Si le rejet de mesures fiscales comme la taxe Zucman, acté vendredi en séance, coulait de source pour les macronistes, qu’en sera-t-il pour la suspension de la réforme des retraites ? Même si tous les élus EPR restent en soutien de la loi qu’ils ont portée dans l’impopularité en 2023 et savent que leur voix aura peu de poids lors du vote, ils ne sont toujours pas d’accord sur la position à adopter.
Une quinzaine de députés de « l’aile gauche » du parti, enclins à voter en faveur de la mesure de compromis ou à s’abstenir, plaident pour qu’une position commune soit arrêtée. Ils ont été reçus par Gabriel Attal, vendredi 24 octobre, pour demander que le groupe s’abstienne tout entier ou qu’une liberté de vote soit permise pour une poignée de députés seulement, afin d’éviter la cacophonie. Lors de l’examen de l’article prévoyant la suspension en commission des affaires sociales, vendredi, les députés EPR se sont abstenus. Mais aucune position n’a été pour le moment officialisée.
En attendant, Gabriel Attal était, lui, dans l’hémicycle, vendredi, jusqu’à la clôture du débat dans la soirée. Soucieux de témoigner de sa présence sur les bancs après l’épisode de la veille. Il est resté discret, ne prenant la parole qu’une seule fois, après avoir esquivé toute la journée micros et caméras.
[Source: Le Monde]