Soudan: 75 morts dans une attaque des paramilitaires, selon des secouristes locaux
Au moins 75 personnes ont été tuées vendredi dans une attaque de drone des forces paramilitaires sur une mosquée à El-Facher au Darfour, dans l'ouest du Soudan, où elles poursuivent leur offensive contre l'armée, selon des secouristes locaux.
Chef-lieu du Darfour-Nord, El-Facher est la dernière grande ville de la vaste région du Darfour encore sous contrôle de l'armée soudanaise, plus de deux ans après le début de la guerre entre les forces régulières et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).
Si la ville devait tomber, les FSR contrôleraient totalement le Darfour, où l'ONU et les ONG ont déjà dénoncé des exactions de masse, notamment visant certains groupes ethniques.
L'attaque meurtrière des FSR a visé vendredi le quartier d'al-Daraja, où s'étaient réfugiés des civils qui avaient fui le camp de déplacés d'Abou Chouk, surpeuplé et en proie à la famine, selon la Cellule d'urgence du camp.
Un "drone explosif" a pris pour cible une mosquée où étaient rassemblés des déplacés, "les corps ont été retirés des décombres", a expliqué ce groupe de secouristes locaux.
Selon un témoin, les habitants d'al-Daraja ont fouillé les décombres pour retrouver et enterrer les morts. "Il n'y a plus de linceuls dans la ville après tout ce siège et tous ces morts", a-t-il déclaré.
"Nous avons dû utiliser des sacs en plastique", a déclaré cet habitant à l'AFP.
Les FSR n'ont pas commenté dans l'immédiat.
Le camp d'Abou Chouk se situe à quelques kilomètres à peine de la ville d'El-Facher, assiégée par les FSR depuis 18 mois.
Pour l'heure, l'offensive des FSR se poursuit et les paramilitaires se rapprochent de sites stratégiques, selon des images satellites du Humanitarian Research Lab (HRL) de l'Université Yale, aux Etats-Unis.
Parmi eux, le camp d'Abou Chouk et l'ancienne base de la mission de paix conjointe de l'ONU et de l'Union africaine (Minuad), devenue le quartier général des Forces conjointes, une coalition d'anciens groupes rebelles alliée à l'armée soudanaise.
Le Haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Volker Türk, s'est inquiété vendredi de l'intensification du conflit au Soudan, avec une forte augmentation des civils tués dans un contexte de "violence ethnique accrue" et d'aggravation de la crise humanitaire.
Situation "horrible"
Un responsable des FSR, s'exprimant sous couvert d'anonymat car il n'est pas autorisé à parler aux médias, a affirmé à l'AFP que les paramilitaires avaient "pris le contrôle total" de l'ancien complexe de la Minuad jeudi après-midi.
L'université de Yale a jugé cette prise de contrôle "probable", au vu des images satellites datant de lundi à jeudi et montrant les dégâts sur place.
Selon les images analysées par l'université, des bâtiments à proximité du camp d'Abou Chouk ont été entièrement détruits entre lundi et mercredi.
La situation à El-Facher est "horrible" et continue de se détériorer rapidement, a souligné la représentante du Haut-Commissariat pour le Soudan, Li Fung, lors d'un point de presse. "Nous continuons de recevoir des informations faisant état de civils tués, enlevés ou victimes de violences sexuelles alors qu'ils tentaient de quitter El-Facher", a-t-elle ajouté.
Les FSR contrôlent à présent une bonne partie du camp de déplacés d'Abou Chouk, situé à trois kilomètres au nord de l'ancien complexe de la Minuad, selon des témoins.
L'aéroport d'El-Facher, devenu une base de l'armée, ainsi que le QG de la 6e division de l'armée se retrouvent à portée des tirs des paramilitaires.
Les organisations humanitaires craignent des exactions de masse en cas de prise de la ville par les paramilitaires, en particulier contre les communautés non arabes, comme l'ethnie des Zaghawa, pilier des Forces conjointes alliées à l'armée.
"Les quartiers d'El-Facher seront maculés du sang de ces massacres bien avant que la communauté internationale" ne réagisse, a déclaré Shayna Lewis, membre de l'ONG Avaaz.
Assiégée depuis plus de 500 jours par les paramilitaires, El-Facher abrite environ 260.000 civils, dont la moitié sont des enfants, selon l'ONU. L'aide humanitaire y est presque inexistante.
La guerre au Soudan, déclenchée en avril 2023, a tué des dizaines de milliers de personnes et déplacé des millions d'autres.
Les troupes du commandant de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant du pays depuis le coup d'Etat de 2021, et les FSR de son ancien allié, le général Mohamed Daglo, sont régulièrement accusées de commettre des massacres.
Le conflit, entré dans sa troisième année, a provoqué ce que l'ONU qualifie de "plus grande crise humanitaire actuelle".
[Source: TV5Monde]