L’UNRWA est menacée d’« effondrement » selon un rapport des Nations unies

Le document s’inquiète du manque de financement de l’agence chargée des réfugiés palestiniens et des obstacles à son fonctionnement posés par Israël. Le rapport suggère, parmi plusieurs scénarios, de resserrer son mandat sur la protection des droits des réfugiés, en confiant aux pays hôtes les services que l’agence assumait jusque-là.

Juil 22, 2025 - 14:16
Juil 22, 2025 - 14:16
L’UNRWA est menacée d’« effondrement » selon un rapport des Nations unies
Une école de l’UNRWA abritant des personnes déplacées, dans la ville de Gaza, le 5 juillet 2025. DAWOUD ABU ALKAS / REUTERS

L’UNRWA est à bout souffle. Sans réaction internationale, l’agence de l’ONU risque un effondrement soudain, aux conséquences dramatiques pour les 5,9 millions de réfugiés palestiniens qu’elle sert à Gaza, en Cisjordanie occupée, au Liban, en Syrie et en Jordanie. C’est l’avertissement du Britannique Ian Martin, ancien représentant onusien, mandaté par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, pour mener une « évaluation stratégique » de l’UNRWA. Son rapport a été transmis début juillet aux Etats membres.

Les 28 pages sont le fruit de semaines d’enquête, entre avril et juin : visites de camps palestiniens et rencontres politiques et diplomatiques, en Jordanie, là où se trouve la direction de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, au Liban et en Syrie. Ian Martin n’a pas pu aller en Israël ou dans les territoires palestiniens occupés ; sa demande de visa auprès de l’Etat hébreu est restée sans réponse.

L’UNRWA fournit éducation (ce département représente 75 % de ses 30 000 employés) et soins de santé, et joue un rôle humanitaire en temps de guerre. Le rapporteur constate que les services prodigués au quotidien restent essentiels, mais qu’ils se sont dégradés en raison d’un manque de moyens croissant : en 2024, un tiers des classes accueillait plus de 40 élèves. Un médecin voyait environ 71 patients par jour.

La crise financière qu’affronte l’UNRWA est d’une magnitude sans précèdent. L’absence d’engagement stable des pays contributeurs est un problème chronique et ancien. Mais, pour M. Martin, l’étranglement actuel est le résultat avant tout de l’intense « campagne politique » menée par le gouvernement israélien pour délégitimer l’agence. En janvier 2024, l’Etat hébreu avait accusé 12 employés de l’agence d’avoir participé à l’attaque du 7-Octobre – sur un total de 13 000 employés à Gaza. Brandie sans fournir de preuves, cette accusation de collusion s’insère, selon M. Martin, dans un « agenda politique plus large : déterminer l’issue du conflit Israël-Palestine en dehors de tout processus politique crédible ».

Résistances des pays arabes hôtes

Le rapport détaille les « obstacles croissants » auxquels l’UNRWA est confrontée de la part d’Israël avec lequel les contacts sont interdits depuis janvier. Les employés internationaux de l’agence ne peuvent plus pénétrer dans les territoires palestiniens. Ses camions d’aide humanitaire sont interdits d’entrer à Gaza. Les forces israéliennes ont fermé six de ses écoles à Jérusalem-Est. Pourtant, avant la guerre de 2023, l’armée israélienne considérait l’UNRWA comme un élément de stabilisation.

Malgré les travaux montrant que l’agence dispose du « cadre de neutralité » le plus développé des Nations unies, elle a perdu deux importants donateurs, les Etats-Unis et la Suède, à la suite des accusations israéliennes de janvier 2024. Une enquête de l’ONU, élargie à 19 employés, a conclu en août 2024 que neuf d’entre eux « pourraient avoir été impliqués » dans le massacre d’octobre 2023. Les enquêteurs n’ont pas pu accéder aux preuves que l’Etat d’Israël affirme posséder.

Parmi les quatre scénarios que liste Ian Martin, il y a donc celui d’un brutal « effondrement », une promesse de réactions en chaîne dramatiques pour les réfugiés et les pays hôtes. Un autre, moins violent, qui a visiblement ses faveurs, consiste en un redimensionnement du mandat de l’UNRWA, dont les services seraient progressivement pris en charge par les pays d’accueil des réfugiés. L’agence maintiendrait, tant qu’une « juste résolution » du conflit israélo-palestinien n’est pas atteinte, son rôle de « gardienne des droits et de l’identité juridique des réfugiés de Palestine », y compris par son fonds d’archives. Dans les territoires palestiniens, cette transition serait « liée aux progrès vers la création d’un Etat palestinien ». Ce scénario a également le soutien tacite de la direction de l’UNRWA.

Une telle transformation, si elle était adoptée, se heurterait à coup sûr aux résistances des pays arabes hôtes, autant pour des raisons politiques que financières. Elle est perçue avec anxiété par les réfugiés palestiniens, qui observent comment Israël tente de remodeler le Proche-Orient selon ses intérêts, sous le regard complice ou résigné des Occidentaux.

Les conclusions de Ian Martin doivent nourrir la réflexion des Etats membres en amont du vote de renouvellement du mandat de l’UNRWA, prévu en décembre. Une formalité, naguère, en raison du soutien des pays du Sud. Mais à l’ère du dérèglement de l’ordre international impulsé par Donald Trump, plus rien ne semble garanti.

[Source: Le Monde]