A Gaza, les largages d’aide alimentaire, une goutte d’eau face à l’ampleur des besoins

Sous la pression internationale, des largages d’aide alimentaire ont été autorisés par les autorités israéliennes, mais les quantités parachutées sont limitées alors que des milliers de camions chargés d’aide restent bloqués à l’extérieur de l’enclave.

Août 4, 2025 - 06:50
A Gaza, les largages d’aide alimentaire, une goutte d’eau face à l’ampleur des besoins
A bord d’un avion militaire français, lors du parachutage de palettes d’aide humanitaire au-dessus de la bande de Gaza, le 2 août 2025. ZIED BEN ROMDHANE/MAGNUM PHOTOS POUR « LE MONDE »

Les images sont aussi spectaculaires que les résultats apparaissent limités. Depuis une semaine, plusieurs pays, dont la Jordanie, les Emirats arabes unis, la France ou le Royaume-Uni, ont commencé à effectuer des largages d’aide humanitaire au-dessus de la bande de Gaza grâce à des avions militaires survolant l’enclave palestinienne.

Quarante tonnes devraient ainsi être parachutées par la France au cours de quatre largages, douze tonnes par l’Espagne, tandis que d’autres pays, comme la Belgique, l’Italie ou l’Allemagne, déclarent vouloir participer ou contribuer.

« L’urgence dans la bande de Gaza est telle qu’il faut absolument pouvoir apporter des produits de première nécessité », justifie une source au ministère français des affaires étrangères à propos des parachutages en reconnaissant que ces opérations ne répondent que « très imparfaitement » à l’ampleur des besoins. L’armée israélienne a également annoncé avoir effectué des largages de vivres dans l’enclave où plus de 60 000 Palestiniens ont été tués depuis le début de la guerre en riposte à l’attaque du 7 octobre 2023 par le Hamas.

Des militaires français chargent de l’aide humanitaire destinée à être larguée au dessus de Gaza, sur une base aérienne près de Amman (Jordanie), le 2 août 2025.

Sous pression internationale, Israël avait accepté, le 27 juillet, d’augmenter les volumes d’aide délivrés dans la bande de Gaza, jugés très insuffisants par les organisations non gouvernementales (ONG) et les agences des Nations unies (ONU), afin de répondre aux besoins des 2,1 millions d’habitants, totalement dépendants de l’aide humanitaire.

Le gouvernement israélien avait annoncé une « pause tactique » dans ses opérations militaires dans une partie réduite du territoire plusieurs heures par jour. Il avait également annoncé laisser entrer des camions dans l’enclave. Le Cogat – le coordonnateur gouvernemental de l’Etat hébreu – affirme ainsi, dimanche 3 août, que 1 200 camions ont pu délivrer 23 000 tonnes de nourriture et de médicaments à Gaza depuis une semaine.

La distribution de l’aide est chaotique et dangereuse

A l’échelle des deux millions d’habitants, les besoins demeurent considérables, soulignent les ONG. Les prix des denrées ont certes commencé à baisser dans l’enclave. Mais les volumes sont loin d’être suffisants. L’ONU estime qu’il faudrait chaque jour au moins 500 à 600 camions de nourriture, de médicaments et de produits d’hygiène.

Des militaires français du 1ᵉʳ régiment du train parachutiste qui participent à l’opération de largage d’aide humanitaire au dessus de Gaza, sur une base aérienne près de Amman (Jordanie), le 2 août 2025.

Des stocks sont pourtant immédiatement mobilisables, insistent les humanitaires. « L’UNRWA dispose de 6 000 camions chargés d’aide bloqués à l’extérieur de Gaza, attendant le feu vert pour y entrer », a ainsi relevé, le 1er août, Philippe Lazzarini, patron de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens.

Les conditions dans lesquelles s’opère la distribution sont toujours aussi chaotiques et dangereuses. La « pause tactique » annoncée par Israël reste provisoire et les bombardements fréquents tout autour. « La difficulté que nous avons, c’est l’accès des populations à la nourriture ou aux médicaments. Compter les camions qui entrent n’est pas suffisant. Où sont les points de distribution ? Où sont les centres de santé ? », souligne Antoine Renard, responsable du Programme alimentaire mondial (PAM) en Palestine, actuellement à Gaza.

Près de 1 400 personnes ont été tuées depuis mai alors qu’elles allaient chercher de l’aide alimentaire dans les quatre centres pilotés par la Gaza Humanitarian Foundation – une organisation israélo-américaine sous pavillon suisse –, selon l’ONU, qui estime que la plupart ont été victimes de l’armée israélienne, ce que celle-ci dément.

Des besoins médicaux également considérables

Le premier ministre de l’Etat hébreu, Benyamin Nétanyahou, a également récusé toute « famine » dans l’enclave palestinienne. « Gaza est confrontée à un risque grave de famine, les indicateurs de consommation alimentaire et de nutrition ayant atteint leur pire niveau depuis le début du conflit », ont pourtant pointé, le 29 juillet, les experts du consortium d’ONG et d’organisations internationales, à l’origine d’un système d’alerte sur la malnutrition (IPC). « Plus de 500 000 personnes, soit près d’un quart de la population de Gaza, vivent dans des conditions proches de la famine, tandis que le reste est confronté à une situation d’urgence alimentaire », indique leur rapport.

Au-delà de l’urgence, les besoins médicaux sont considérables pour des millions de Palestiniens déplacés, affaiblis, alors que, dans le même temps, l’armée israélienne a ciblé et détruit une grande partie du système de santé. La malnutrition des jeunes enfants suppose, par exemple, des soins sur la longue durée. « Dans notre clinique, à Gaza, 25 % de nos patients de moins de 5 ans sont mal nourris. La malnutrition, dans ces cas-là, c’est une vraie maladie, cela suppose d’être soigné avec de la nourriture thérapeutique », témoigne Pascale Coissard, coordonnatrice de Médecins sans frontières.

[Source: Le Monde]