Tabagisme en France : la tendance à la baisse s’est réinstallée, les inégalités sociales perdurent
Le pays a retrouvé son niveau de prévalence tabagique d’avant la crise liée au Covid-19, mais les disparités sociales et territoriales demeurent marquées, selon des données divulguées par Santé publique France mercredi.

C’est un marqueur de santé publique important, et il clignote au vert : la prévalence du tabagisme s’est établie, en 2024, à 25 % parmi les 18-75 ans, contre 32 % en 2021, et celle du tabagisme quotidien à 18 %, contre 25 % trois ans plus tôt, selon les premiers résultats issus du baromètre de Santé publique France (SPF), rendus publics mercredi 15 octobre.
Des résultats encore partiels : l’intégralité des données, comprenant celles sur le vapotage – dont la hausse présumée est scrutée de près – sera diffusée début décembre. Mais à la veille du coup d’envoi du défi du « Mois sans tabac » porté par les autorités de santé (dont la dixième édition débute le 10 novembre), SPF a tenu à communiquer sur cette tendance positive.
« Le nombre de fumeurs quotidiens a diminué de 4 millions en dix ans, c’est bien la démonstration que les actions de prévention et les politiques de lutte contre le tabagisme fonctionnent », a salué devant la presse Caroline Semaille, médecin de santé publique et directrice générale de l’agence. Dix années marquées par « plusieurs étapes », a précisé, à ses côtés, Viet Nguyen-Thanh, responsable de l’unité addictions à SPF : après une diminution d’une ampleur qualifiée d’« inédite » entre 2016 et 2019, dans la foulée du premier programme national de réduction du tabagisme, les années 2020-2021, correspondant à celles de la crise liée au Covid-19, ont vu la courbe se stabiliser et même « rebondir » dans certaines catégories de population. Depuis, et les statistiques diffusées mercredi l’attestent, la tendance à la baisse s’est réinstallée.
Première cause de mortalité évitable
Avec des « points de vigilance », ont toutefois souligné les expertes : en matière de réduction des usages, les inégalités sociales et territoriales perdurent – les deux se croisant, parfois. Ainsi, le tabagisme quotidien reste deux fois plus fréquent chez les ouvriers (25 %) que chez les cadres (12 %) et trois fois plus élevé parmi les personnes se déclarant en difficulté financière (30 %) que parmi celles se déclarant à l’aise (10 %).
Un deuxième point de vigilance porte sur les disparités territoriales : la prévalence du tabagisme quotidien, qui oscille selon les régions de 14,6 % à 20,9 %, demeure nettement plus élevée dans le Grand-Est, en Occitanie et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. « Des territoires avec des caractéristiques sociales marquées et où jouent peut-être aussi des facteurs culturels autour de l’image du tabac et certaines habitudes de vie », a avancé Viet Nguyen-Thanh, évoquant également l’« achat de tabac transfrontalier », connu pour être plus important dans l’est et le sud de la France.
Alors que le tabac est considéré comme la première cause de mortalité évitable (avec 75 000 décès attribuables chaque année) et que sa prévalence reste supérieure, en France, à la moyenne européenne, ces données récentes soulignent, pour Caroline Semaille, l’importance de continuer à adapter les dispositifs de prévention, « afin que les bénéfices de cette tendance profitent à l’ensemble de la population », dit-elle.
Ce baromètre, qui a impliqué en 2024 près de 35 000 personnes de 18 à 79 ans (une évolution dans la méthode, notamment avec un élargissement de la tranche d’âge, a eu lieu pour cette dernière édition, et plaide pour des comparaisons prudentes), permet d’apporter une photographie globale du tabagisme : 43,8 % des répondants disent n’avoir jamais fumé, tandis que la prévalence est la plus élevée parmi les 30-59 ans, légèrement inférieure chez les 18-29 ans, pour diminuer au-delà de 60 ans.
Sur cet autre enjeu clé de l’« arrêt » du tabac, on apprend aussi que plus d’un fumeur quotidien sur deux (55 %) a déclaré en avoir envie. Et 17 % ont fait un arrêt d’au moins une semaine, sur les douze derniers mois.
[Source: Le Monde]