Les sites naturels les plus précieux de la planète menacés par la crise climatique, les espèces invasives et le surtourisme

Une grande partie des lieux classés au Patrimoine mondial de l’Unesco voient leurs perspectives de conservation se dégrader, selon une évaluation publiée à l’occasion du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Oct 12, 2025 - 08:26
Les sites naturels les plus précieux de la planète menacés par la crise climatique, les espèces invasives et le surtourisme
Une biologiste inspecte les coraux blanchis et morts de la Grande Barrière de corail, autour de Lizard Island, en Australie, le 5 avril 2024. DAVID GRAY / AFP

Ce sont des territoires considérés comme étant parmi les plus précieux de la planète. Les 271 sites naturels classés au Patrimoine mondial de l’Unesco couvrent moins de 1 % de la surface de la Terre, mais ils abritent environ 75 000 espèces de plantes, 30 000 espèces d’oiseaux, de mammifères, d’amphibiens, de reptiles et de poissons, et plus de 20 000 espèces menacées d’extinction. Particulièrement riches en biodiversité, ils voient leurs perspectives de conservation décliner : tel est le constat alarmant dressé par le « World Heritage Outlook », publié samedi 11 octobre par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à l’occasion de son congrès mondial, qui se tient jusqu’au 15 octobre aux Emirats arabes unis.

Les perspectives de conservation des sites du Patrimoine mondial sont évaluées selon trois critères : l’état de santé du lieu (évolution des populations d’espèces, intégrité des écosystèmes…), l’état des menaces et l’efficacité de la protection et de la gestion. Globalement, la quatrième édition du « World Heritage Outlook » indique que ces perspectives sont « favorables » ou « plutôt favorables » pour plus de la moitié (66 %) des 271 sites, 6 % d’entre eux étant dans une situation « critique ». Mais, pour la première fois depuis plus de dix ans, cette nouvelle édition révèle un panorama qui se dégrade de manière significative, la proportion de sites présentant des perspectives positives étant passée de 62 % en 2020 à 57 % en 2025.

« Chaque site a sa propre histoire, mais de manière générale, il semble que les menaces ont augmenté et interagissent entre elles, alors que le niveau de protection et de gestion n’a pas progressé », constate Tim Badman, directeur du Patrimoine mondial à l’UICN.

Depuis la précédente édition, publiée en 2020, la crise climatique est le facteur de pression qui affecte le plus grand nombre de sites (43 % en 2025). Elle accélère le blanchissement de la Grande Barrière de corail en Australie et la fonte des glaciers. En Espagne, sur l’île de Gomera, aux Canaries, l’exceptionnelle forêt de lauriers du parc national de Garajonay, qui reste quasiment en permanence dans un voile de nuages et de brume, est fragilisée par des sécheresses sévères et prolongées. En Inde, le parc national des Sundarbans, où se trouve la plus grande mangrove du monde, souffre de l’élévation du niveau de la mer et des tempêtes plus fréquentes.

Surtourisme

Les espèces exotiques envahissantes et le surtourisme sont les deux autres menaces les plus répandues. L’impact des pathogènes, à l’origine de maladies chez les végétaux et les animaux, est en outre en forte hausse. Virus Ebola chez les primates, syndrome du nez blanc chez les chauves-souris, grippe aviaire… Deux sites naturels du Patrimoine mondial étaient menacés par des maladies en 2020, 19 le sont en 2025.

Au-delà de ces tendances mondiales, le rapport pointe de grandes différences régionales. En Afrique, c’est la chasse qui constitue la menace numéro un, quand c’est la pollution de l’eau dans les pays arabes et le développement des activités récréatives en Amérique du Sud.

L’UICN met en avant des exemples positifs, 15 sites ayant vu leurs perspectives s’améliorer depuis 2014. En Côte d’Ivoire par exemple, des mesures de lutte contre le braconnage et pour la gestion du bétail, mises en place grâce à la collaboration de plusieurs acteurs, ont eu des résultats probants dans le parc national de la Comoé, l’une des zones protégées les plus vastes d’Afrique de l’Ouest. Mais alors que la communauté internationale s’est engagée en 2022, lors de la COP15 de Kunming-Montréal, à mettre un terme à l’érosion de la biodiversité d’ici à 2030, notamment en protégeant 30 % des terres et des mers, ce rapport rappelle surtout que nous ne sommes pas sur la bonne trajectoire pour y parvenir.

« Si de telles difficultés sont observées dans les sites les plus protégés et les plus reconnus au plan international, alors il est très probable qu’elles soient encore plus importantes en dehors de ces lieux, insiste Tim Badman. Il y a un besoin de mise en œuvre des engagements beaucoup plus important. » Entre 2020 et 2025, la proportion de sites naturels du Patrimoine mondial dont la gestion a été jugée « très efficace » a diminué de moitié (de 10 % à 5 %).

Dans le « World Heritage Outlook », des experts de l’UICN, responsables des commissions sur les aires protégées et la survie des espèces, mettent aussi en garde contre une nouvelle menace, qui s’ajoute aux pressions connues : la « crise croissante de volonté politique ». « Dans un contexte de turbulences géopolitiques, certains décideurs renoncent à la gestion et à la conservation de notre patrimoine naturel, malgré son importance cruciale pour la vie sur Terre », écrivent-ils.

[Source: Le Monde]