Afghanistan: les femmes, victimes abandonnées du séisme

Qui pour soigner les femmes et les filles, blessées lors du séisme qui a frappé l'Afghanistan le 31 août dernier ? En raison des règles strictes mises en place par les talibans, en vigueur même en cas d’urgence, les secouristes étaient interdits de tout contact physique avec les victimes de sexe féminin.

Sep 12, 2025 - 08:26
Afghanistan: les femmes, victimes abandonnées du séisme
Deux jours après le séisme de magnitude 6, une femme et ses enfants attendent les secours dans le village de Wadir, province de Kunar, dans l'est de l'Afghanistan. ©AP Photo/Nava Jamshidi

"Ils ne se sont pas occupés des femmes et des adolescentes, dont certaines perdaient du sang", témoigne une jeune villageoise afghane. “Ils nous ont rassemblées dans un coin et nous ont laissées là”, confie la jeune femme au New York Times.

Ils, ce sont les secouristes qui sont intervenus dans les villages de l'est du pays frappés par le tremblement de terre du 31 août et qui a fait plus de 2.200 morts et 3.600 blessés, selon le dernier bilan officiel. 

Les rescapés, selon leur genre, n'ont pas droit aux même régime. Les femmes sont des victimes de seconde zone. En cause : la loi des talibans qui interdit à toute femme de toucher physiquement un homme qui ne serait pas de sa famille. 

[traduction : Après plusieurs heures de marche, une équipe de UNWomenAfghan a atteint le district de Nurgal, l'un des plus touchés par le séisme. Les femmes et les filles ont déclaré que leurs besoins urgents comprenaient des abris, de la nourriture et de l'eau potable, des vêtements, des soins médicaux et un soutien psychosocial.]

Pas de personnel féminin dans les secours ?

Près de quatre jours après la catastrophe, aucune femme secouriste n’était encore arrivée dans son village, comme le raconte cette jeune maman d'un garçon de trois ans. À cause de la pluie, il leur a été impossible de se déplacer pour chercher de l'aide, ils ont passé "trois nuits sans abri où dormir".

Si le ministère de la Santé afghan veut bien reconnaitre le manque de personnel de secours féminin, son porte-parole cherche néanmoins à rassurer : "dans les hôpitaux de Kounar, de Nangarhar et de Laghman, les femmes médecins et les infirmières sont mobilisées pour soigner les victimes du séisme"

Une fillette victime du séisme en Afghanistan

Le corps d'une fillette est déposé sur un brancard après avoir été retiré des décombres dans la région de Kunar, mardi 2 septembre 2025. © Photo/Nava Jamshidi

Pour rappel, depuis 2024, les femmes n'ont plus le droit de poursuivre d'études médicales. Cette loi talibane n'a fait qu'aggraver la grave pénurie de professionnels de santé dont pâtit le pays, en première ligne les femmes. 

Des blessées invisibles, abandonnées

Le journaliste du New York Times, qui s’est rendu dans la région de Mazar Dara le lendemain du séisme, présente une toute autre version. Il n’a vu aucune femme parmi les équipes de secours et de soignants ni parmi les effectifs de l’hôpital régional.

Selon un volontaire qui a pu se rendre dans la province de Kounar, les membres de l'équipe médicale était exclusivement des hommes. "Ils hésitaient à sortir les femmes des décombres des bâtiments effondrés. Coincées et blessées, elles étaient abandonnées sous les pierres, attendant que des femmes d'autres villages arrivent sur place pour les dégager", rapporte-t-il.

"J'avais l'impression que les femmes étaient invisibles. Les hommes et les enfants étaient traités en premier, mais les femmes étaient assises à l'écart, attendant d'être soignées", ajoute ce témoin.

En outre, les soldats ont fait en sorte d'éloigner les journalistes qui cherchaient à recueillir les témoignages des équipes de secouristes arrivés dans les zones reculées frappées par le séisme. 

Apartheid de genre

Comme le rappelle l'article du New York Times, aujourd’hui en Afghanistan, les filles n’ont pas le droit d’aller à l’école au-delà de 12 ans. 

Les femmes ne peuvent pas voyager sans être accompagnées d’un homme et sont exclues de la plupart des emplois, y compris au sein des organisations humanitaires. 

Les Afghanes qui travaillent pour les agences de l’ONU ont été la cible de menaces. Par précaution, on leur a demandé de travailler depuis chez elle, précise également le journal. 

Un bilan plus lourd pour les femmes

Il ne fait guère de doute que d’après les témoignages des médecins et sauveteurs sur place, les femmes, isolées et non soignées, sont bien plus touchées que les hommes par la catastrophe. 

Dans un communiqué, Susan Ferguson, la représentante spéciale d'ONU Femmes en Afghanistan dit son inquiétude : "Les femmes et les filles seront à nouveau les plus touchées par cette catastrophe, nous devons donc veiller à ce que leurs besoins soient au cœur de la réponse et de l'aide apportée".

[Source: TV5Monde]