Marine Le Pen subit un revers dans sa contestation de l’inéligibilité avec exécution provisoire
Le Conseil d’Etat a refusé, mercredi, de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant à contester l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité prononcée le 31 mars contre la cheffe de file de l’extrême droite.

Avant l’échec politique, le revers juridique. A la veille de l’insuccès annoncé des motions de censure déposées contre le premier ministre, Sébastien Lecornu, le Conseil d’Etat a rejeté, mercredi 15 octobre, un recours formé par Marine Le Pen et obscurci son avenir électoral. La plus haute juridiction administrative a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant à contester l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité prononcée le 31 mars par le tribunal correctionnel de Paris contre la cheffe de file de l’extrême droite, dans l’affaire des assistants parlementaires européens du Front national.
Le fond de la requête déposée en juillet est technique : Marine Le Pen attaquait le refus en mai du premier ministre d’alors, François Bayrou, d’abroger des « dispositions réglementaires » conduisant à sa radiation des listes électorales – conséquence directe de sa condamnation, dont elle a fait appel. Dans son communiqué, le Conseil d’Etat constate que « le recours ne tendait pas tant à l’abrogation ou la modification de dispositions réglementaires qu’à la modification de la loi et de la loi organique » qui régissent le régime de l’inéligibilité et de l’exécution provisoire. Le premier ministre n’ayant pas le pouvoir de modifier la loi, qui relève du Parlement, la requête de Marine Le Pen est infondée, de même que la QPC qui lui était associée.
A travers ce chemin juridique complexe, la présidente du groupe Rassemblement national (RN) dans l’Hémicycle ciblait indirectement l’inéligibilité avec exécution provisoire qui la frappe, laquelle contreviendrait, selon son avocat, à la « liberté de l’électeur » et au « droit d’éligibilité » garantis par la Constitution. Paul Cassia, professeur de droit public à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, résume la démarche : « Mme Le Pen a tenté de monter un contentieux afin que les juges administratif et constitutionnel tranchent a priori, en dehors de tout cadre électoral, sur sa capacité à se présenter à un scrutin : législatif, en cas de dissolution ; présidentiel, en cas de démission d’Emmanuel Macron. »Thomas Laval, avocat de Marine Le Pen, n’a pas répondu aux sollicitations du Monde.
« Loi d’amnistie »
Par son refus de transmettre la QPC, liée à la requête mise en échec, le Conseil d’Etat prive Marine Le Pen de la possibilité de se présenter librement à toute élection convoquée avant l’arrêt de la cour d’appel – attendu en juin 2026, après un procès organisé du 13 janvier au 12 février. En cas de dissolution de l’Assemblée nationale, qu’elle appelle de ses vœux, la députée assure qu’elle se présenterait tout de même dans sa 11e circonscription du Pas-de-Calais.
Comme la QPC de Mme Le Pen n’a pas été transmise, il fait peu de doute que le préfet rejetterait sa candidature en constatant son inéligibilité ; rejet susceptible de recours devant le tribunal administratif puis le Conseil constitutionnel. Selon Paul Cassia, le Conseil constitutionnel n’a jamais eu à se prononcer sur le droit d’une personne inéligible avec exécution provisoire de se présenter à des législatives. Tout l’espoir de Marine Le Pen reposerait alors sur la distorsion de régime entre les élus locaux et les parlementaires frappés d’une inéligibilité avec exécution provisoire, confirmée par le Conseil constitutionnel le 28 mars : les premiers démissionnent d’office de leur mandat ; les seconds le conservent du fait de leur « participation à l’exercice de la souveraineté nationale ». « Marine Le Pen veut une translation par capillarité de ce qui a été jugé pour l’exercice du mandat à la candidature même pour ce mandat », explique Paul Cassia.
Quelques heures avant la décision du Conseil d’Etat, la cheffe de file de l’extrême droite se disait « optimiste » quant à sa candidature, dans l’hypothèse d’une dissolution. « Pour le mandat de député, l’exécution provisoire ne semble pas, je le crois, pouvoir s’appliquer », a-t-elle considéré sur France Inter. Avec le rejet de sa QPC, Marine Le Pen a sans doute perdu sa dernière chance de purger sa situation en amont de toute élection anticipée. Mais son avenir politique dépend moins désormais des conséquences de cette inéligibilité avec exécution provisoire que de la poursuite de l’affaire des assistants parlementaires devant les tribunaux.
Bénéficiaire, à sa demande, d’une accélération inédite du calendrier judiciaire, Marine Le Pen sera fixée en juin sur l’appel et, le cas échéant, d’ici à la fin de l’année 2027 devant la Cour de cassation. Il ne sera plus alors question de savoir si l’élue du Pas-de-Calais sera inéligible avec exécution provisoire, mais inéligible définitivement. Le tout à quelques mois de l’élection présidentielle. Craignant que leur favorite soit empêchée après l’épuisement de ses voies de recours, des dirigeants du RN réfléchissent à lui offrir une issue législative. En septembre, l’entourage proche de Marine Le Pen avait confirmé au Monde avoir déjà réfléchi à une « loi d’amnistie », tout en précisant que ce sujet n’avait pas été abordé directement avec l’intéressée – qui dément depuis tout projet de ce type.
[Source: Le Monde]