En Pologne, le gouvernement pro-européen de Donald Tusk dans la tourmente

Coupé dans son élan par l’élection surprise du nationaliste Karol Nawrocki à la présidence de la Pologne, le gouvernement de coalition de Donald Tusk connaît des heures difficiles. Divisée, impopulaire et fortement tancée à sa droite, la coalition risque la paralysie.

Juil 22, 2025 - 14:13
En Pologne, le gouvernement pro-européen de Donald Tusk dans la tourmente
Le premier ministre polonais, Donald Tusk, à Varsovie, le 3 janvier 2025. ROBERT KOWALEWSKI/AGENCJA WYBORCZA VIA REUTERS

Le premier ministre polonais, Donald Tusk, devrait annoncer un remaniement de son gouvernement pro-européen mercredi 23 juillet. Son objectif est de réduire le nombre de ministères de cette large coalition de quatre partis, allant de la gauche au centre droit, née dans l’euphorie d’une victoire inattendue aux élections législatives d’octobre 2023, qui avait mis fin à huit ans de gouvernance du parti nationaliste Droit et justice (PiS). Cette manœuvre intervient toutefois dans un contexte difficile, moins de deux mois après la courte défaite du candidat libéral Rafal Trzaskowski à l’élection présidentielle.

La coalition misait pourtant sur la victoire du maire de Varsovie pour dérouler son programme. Son échec a déclenché une vague de critiques au sein des partis pro-européens, et entre eux. En cause, l’incapacité du gouvernement à faire adopter ses promesses-clés, comme la libéralisation du droit à l’avortement.

Dix jours après le deuxième tour du scrutin, le 11 juin, Donald Tusk avait demandé un vote de confiance à la Diète (le Parlement), pour resserrer les rangs et s’assurer du soutien de ses alliés. Le vote, couronné de succès, ne semble toutefois pas avoir changé la dynamique. Selon un sondage de l’institut OGB, mené entre les 4 et 11 juillet, 50 % des Polonais jugent « négativement » l’action du gouvernement. Seuls 27 % ont un avis « positif » sur le sujet.

Pour redresser la barre, le gouvernement nouvellement nommé devra s’accommoder d’une cohabitation qui s’annonce musclée avec le président Karol Nawrocki, proche du PiS. Doté d’un puissant pouvoir de veto, celui qui prendra ses fonctions le 6 août aura la possibilité de limiter l’action de la coalition, ce qu’avait déjà fait son prédécesseur Andrzej Duda, également soutenu par le PiS. Les premières nominations de Karol Nawrocki ont donné le ton d’une potentielle confrontation avec le gouvernement. Le 4 juillet, le président élu a nommé au stratégique bureau de défense national l’historien Slawomir Cenckiewicz, qui a récemment collaboré à un documentaire présentant Donald Tusk comme soumis aux intérêts russes lors de son premier passage au pouvoir de 2007 à 2014.

Rhétorique xénophobe

Cette épreuve de force sera d’autant plus difficile pour la coalition que celle-ci fait preuve d’une fragilité inédite depuis son accession au pouvoir il y a plus d’un an et demi. Etalant régulièrement leurs divisions dans les médias, les différents partis ont repoussé plusieurs fois la date du remaniement, faute d’accord. Ainsi, lalliance Troisième voie, formée par le Parti paysan polonais (PSL) et la nouvelle formation centriste Pologne 2050, a été dissoute le 18 juin. En cause, le résultat très décevant de leur candidat commun, le chef de file de Pologne 2050 et président de la Diète, Szymon Holownia, au scrutin présidentiel (moins de 5 % des voix).

Ce dernier a d’ailleurs créé la polémique quand la presse a rendu publique une rencontre nocturne qu’il a eue avec les chefs de file du premier parti d’opposition, le PiS. Szymon Holownia a expliqué que cette entrevue rentrait dans le cadre de ses fonctions à la Diète mais le rendez-vous a été qualifié de « trahison » par certains de ses alliés.

De l’autre côté de l’Hémicycle, l’opposition d’extrême droite sort renforcée et galvanisée de l’élection présidentielle. Au-delà de la victoire de Karol Nawrocki, le candidat du parti libertarien et conservateur Confédération, Slawomir Mentzen, a obtenu le troisième score au premier tour du scrutin et a su se positionner comme le faiseur de roi avant le second tour. Les deux formations font plus que jamais pression sur le gouvernement. Au lendemain du scrutin, le leader du parti nationaliste Droit et Justice, Jaroslaw Kaczynski, avait appelé à la démission de Donald Tusk et à l’instauration d’un gouvernement technique.

Ces dernières semaines ont été symptomatiques de ce nouveau rapport de force. Des groupuscules nationalistes se sont fixés comme mission de surveiller la frontière allemande pour empêcher Berlin d’y renvoyer des migrants entrés sur le territoire européen par la Pologne. Les cadres du PiS, proches de l’organisateur, lui ont apporté leur soutien et ont dénoncé l’inaction du gouvernement. Le tout sur fond de rhétorique xénophobe. Le débat brûlant qui s’est emparé du pays a poussé le premier ministre à rétablir des contrôles à la frontière allemande et lituanienne, le 7 juillet.

[Source: Le Monde]