Conflit Israël-Iran : derrière la passe d’armes entre Donald Trump et Emmanuel Macron, les divergences de fond des Occidentaux au G7
Sur l’Iran, l’Ukraine ou la guerre commerciale, les points de friction se multiplient entre le président américain et ses partenaires au sein du groupe des sept puissances. Le président français « ne comprend jamais rien » et est « en quête de publicité », a jugé son homologue américain, mardi.

Pris à partie par Donald Trump, Emmanuel Macron a répliqué, mardi 17 juin au second jour du sommet du G7 à Kananaskis, au Canada, aux critiques acerbes formulées la veille à son encontre par le président américain, à propos d’un éventuel cessez-le-feu entre Israël et l’Iran. « Il y a des dirigeants qui changent d’avis, ce n’est pas mon cas », a observé le chef de l’Etat. « Le cessez-le-feu, c’est surtout Trump qui en a parlé », a-t-il jugé, non sans minimiser la charge de son homologue. « Une péripétie, pas la première, ni la dernière », a-t-il expliqué, peu avant la fin du sommet du G7.
Après avoir quitté précipitamment les lieux, la veille, le président américain s’était lâché contre le président français sur son réseau Truth Social : « Le président Emmanuel Macron, toujours en quête de publicité, a déclaré à tort que j’avais quitté le sommet du G7, au Canada, pour retourner à Washington afin de travailler sur un cessez-le-feu entre Israël et l’Iran. Faux ! » « Que ce soit intentionnel ou non, Macron ne comprend jamais rien », avait asséné le locataire de la Maison Blanche.
La passe d’armes dépasse largement le cadre des relations entre les deux dirigeants, nourries de fréquents appels téléphoniques, en dépit de leurs divergences diplomatiques, idéologiques ou économiques. Au fond, elle révèle surtout le clivage qui s’est creusé entre les Occidentaux au fil de l’offensive israélienne sur l’Iran, au moment où les Etats-Unis multiplient les signaux d’une implication directe dans la guerre, sous la forme d’un appui opérationnel pour bombarder des sites nucléaires souterrains, comme celui de Fordo, voire pour soutenir un changement de régime. De retour à Washington, le président Trump a appelé à « une capitulation sans condition » de l’Iran et menacé le Guide suprême, l’ayatollah Khamenei.
« Le sale boulot pour nous »
S’il plaide pour relancer des négociations en vue d’une cessation des hostilités puis de nouvelles tractations sur le programme nucléaire, Emmanuel Macron a multiplié les mises en garde, mardi, surtout si l’escalade en cours devait entraîner la chute du pouvoir iranien. « La plus grande des erreurs, aujourd’hui, c’est de chercher, par la voie militaire, à faire un changement de régime en Iran, parce que ce sera là le chaos », a-t-il averti. « Est-ce que quelqu’un pense que ce qui a été fait en 2003 en Irak [contre Saddam Hussein] était une bonne idée ? Est-ce que quelqu’un pense que ce qui a été fait en Libye la décennie suivante [le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011] était une bonne idée ? », s’est-il interrogé.
L’inquiétude du chef de l’Etat à l’égard du programme nucléaire iranien est partagée par l’ensemble des membres du G7, mais de sérieuses nuances se font jour entre les Européens face à la poursuite des opérations israéliennes. Israël a « le courage » de faire « le sale boulot pour nous tous » en attaquant l’Iran, a jugé le chancelier allemand, Friedrich Merz. Avec son offensive, Israël en a « largement fini » avec le programme nucléaire iranien, estime-t-il : « En tout cas, il ne peut pas se poursuivre comme avant. »
« Rien dans les propos de Donald Trump ne suggère qu’il est sur le point de s’impliquer dans le conflit », avait, quant à lui, considéré le premier ministre britannique, Keir Starmer, en début de journée, minimisant les inquiétudes de son collègue français.
En réalité, le conflit entre Israël et l’Iran n’a pas été le seul motif de vives tensions entre les Américains et leurs partenaires du G7, même en l’absence de Donald Trump, remplacé, mardi, au pied levé par son secrétaire d’Etat au Trésor, Scott Bessent. En dépit de l’impasse des négociations engagées entre la Maison Blanche et le Kremlin, aucune déclaration de soutien à l’Ukraine n’a pu être discutée.
« Garder l’unité »
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui demande à Washington de pouvoir lui acheter des armes, tout comme le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, étaient bien présents mardi. Mais les deux hommes n’ont pas pu rencontrer le président américain en vue de préparer le sommet de l’OTAN, les 24 et 25 juin, à La Haye, aux Pays-Bas, qui, dans ces circonstances, s’annonce houleux. L’administration Trump refuse toujours de renforcer les sanctions contre Moscou, en dépit des appels des autres membres du G7 et d’un groupe bipartisan de sénateurs américains.
« Quand je sanctionne un pays, cela coûte beaucoup d’argent aux Etats-Unis », avait martelé, la veille, Donald Trump, invitant l’Union européenne à prendre les devants, si elle tient tant à accroître la pression sur Vladimir Poutine. Face aux réserves des Etats-Unis, les Européens ont, de surcroît, renoncé à abaisser à 45 dollars (environ 39 euros), contre 60 dollars à ce jour, le prix plafond du baril de pétrole exporté par la Russie, afin de limiter les revenus qu’elle tire de ces exportations.
Par ailleurs, le contentieux reste explosif au sujet des droits de douane. Face à Donald Trump, Emmanuel Macron a défendu, lundi, l’idée d’une « désescalade commerciale » entre l’Union européenne et les Etats-Unis, afin de faire front commun contre les surcapacités industrielles de la Chine, dont les produits inondent d’autant plus le marché européen qu’ils peuvent désormais moins bien s’écouler aux Etats-Unis. Le ton est monté avec le président américain, qui maintient la pression tarifaire et s’est fait, un peu plus tard, un malin plaisir de boucler un compromis commercial avec le Royaume-Uni.
Dans son avion vers Washington, Donald Trump ne s’est pas privé de s’en prendre aux dirigeants européens qu’il venait de quitter. Après s’être entretenu avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, il a notamment regretté que les Européens « ne proposent pas un accord juste pour le moment » afin d’échapper aux menaces de guerre commerciale qu’il brandit. La pause annoncée voici deux mois avant toute décision définitive se termine le 9 juillet. « Soit nous trouvons un bon accord, soit [les Européens] paieront ce que nous leur dirons de payer », a asséné le président américain.
Dans ce contexte, le passage de relais à la tête du G7 entre le premier ministre canadien, Mark Carney, et Emmanuel Macron s’annonce compliqué. Le chef de l’Etat a annoncé que le prochain sommet serait organisé, en juin 2026, à Evian et a promis d’œuvrer pour « garder l’unité » du G7, voire pour la « consolider ». Une gageure, surtout si Donald Trump poursuit son cavalier seul au Moyen-Orient, comme en Ukraine et sur les questions commerciales.
[Source: Le Monde]