Financement libyen: Nicolas Sarkozy condamné à cinq ans de prison
Pour la première fois de l'histoire de la République, un ex-président va se retrouver derrière les barreaux. Le tribunal de Paris a condamné ce 25 septembre Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison avec incarcération prochaine pour avoir "laissé ses proches" démarcher la Libye de Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne de 2007.

À sa sortie du tribunal, l'ex-chef d'État (2007-2012) Nicolas Sarkozy a redit son "innoncence" et annoncé son intention de faire appel. "La haine n'a donc décidément aucune limite (...) J'assumerai mes responsabilités, je déférerai aux convocations de justice et s'ils veulent absolument que je dorme en prison, je dormirai en prison, mais la tête haute", a cinglé devant les caméras Nicolas Sarkozy, sous le regard de son épouse Carla Bruni-Sarkozy.
L'ayant reconnu coupable d'association de malfaiteurs, le tribunal correctionnel a prononcé à son encontre un mandat de dépôt différé mais avec exécution provisoire, une décision d'une sévérité inattendue qui a suscité la stupeur dans la salle d'audience, mais justifiée par la préparation d'une "corruption au plus haut niveau possible".
Les faits reprochés sont d'"une gravité exceptionnelle", "de nature à altérer la confiance des citoyens", a insisté la présidente du tribunal Nathalie Gavarino.
Incarcéré
Selon une source proche du dossier, il a été convoqué le 13 octobre par le parquet national financier (PNF) pour savoir quand il entrerait en prison.
Sans confirmer la date de cette convocation, une source judiciaire interrogée par l'AFP a précisé qu'il serait incarcéré dans un "délai relativement proche" après. En réaction à l'appel de Nicolas Sarkozy, effectivement déposé dans la journée selon son avocat Me Christophe Ingrain, le parquet financier fera également appel.
L'autre avocat de l'ancien président, Maître Jean-Michel Darrois, a souligné que son client était "affecté", faisant valoir les "conséquences pour sa femme, ses enfants, sa famille". "On est absolument stupéfaits par cette décision", a-t-il ajouté.
Bruno Retailleau, lointain successeur de Nicolas Sarkozy en tant que président des Républicains, a apporté son "soutien" à l'ex-chef de l'État, espérant qu'il puisse "faire prévaloir son innocence" en appel.
La leader du Rassemblement national, Marine Le Pen, condamnée elle aussi à une peine avec exécution provisoire au procès des assistants européens, a de son côté dénoncé "la généralisation" de cette mesure, "un grand danger, au regard des grands principes de notre droit".
Le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, a dit "partager" le "questionnement grandissant au sein de la société sur l'exécution provisoire d'une condamnation alors que les voies de recours ne sont pas épuisées".
Pas de "démonstration" de financement libyen
Au cours des trois heures de lecture du jugement de 400 pages, le tribunal a estimé que Nicolas Sarkozy avait entre 2005 et mai 2007, date de son accession à l'Élysée, "laissé ses proches collaborateurs et soutiens politiques - sur lesquels il avait autorité et agissaient en son nom -" solliciter les autorités libyennes "afin d'obtenir ou tenter d'obtenir des soutiens financiers en Libye en vue d'obtenir un financement de la campagne".
D'après les juges, des "rencontres occultes" de Claude Guéant et Brice Hortefeux avec un haut dignitaire libyen fin 2005 "n'ont de sens que de la nécessité d'obtenir des fonds" pour la campagne Sarkozy, à une époque où l'intéressé n'était pas encore assuré d'avoir l'investiture et le financement de l'UMP pour la présidentielle de 2007.
Cette peine de cinq ans est légèrement inférieure aux sept ans de prison requis fin mars par le parquet au terme de trois mois d'audience. Le ministère public lui reprochait d'avoir noué un "pacte de corruption faustien avec un des dictateurs les plus infréquentables de ces 30 dernières années" et d'avoir été aussi bien le "commanditaire" que le bénéficiaire d'un financement illégal de sa campagne.
Les juges ont relaxé l'ex-président des faits de recel de détournement de fonds publics libyens, de corruption passive, notamment parce que Nicolas Sarkozy aurait agi comme candidat et non comme ministre de l'Intérieur dépositaire de l'autorité publique, et de financement illégal de campagne électorale.
La justice a constaté que des flux d'argent étaient effectivement partis de Libye mais que les éléments de la procédure ne faisaient pas la "démonstration" que ces fonds soient "in fine" arrivés dans les caisses de la campagne Sarkozy. Mais en droit, la préparation suffit à caractériser le délit d'associations de malfaiteurs, même si le but visé ne s'est finalement pas concrétisé.
"Le tribunal ne peut pas établir avec certitude qu'il y avait plus de 35.000 euros en espèces dans cette campagne, même si ça ne peut pas être complètement exclu", a déclaré la juge Gavarino.
Bracelet électronique pour Hortefeux
Claude Guéant et Brice Hortefeux, deux anciens proches collaborateurs de Nicolas Sarkozy, ont également été reconnus coupables d'association de malfaiteurs. Le premier a aussi été reconnu coupable de corruption passive et de faux et été condamné à six ans de prison. Son état de santé lui épargne un mandat de dépôt. Brice Hortefeux a lui reçu une peine de deux ans de prison, qu'il effectuera avec un bracelet. Il s'est dit sur BFMTV "affecté et en colère" par cette décision.
Eric Woerth, trésorier de la campagne de 2007, a lui été relaxé.
Après la mort au Liban mardi d'un des prévenus et protagoniste-clé du dossier, Ziad Takieddine, le tribunal de Paris a constaté l'extinction de l'action publique à son encontre.
Les associations de lutte contre la corruption Sherpa, Transparency International et Anticor, parties civiles au procès, ont salué dans un communiqué un "jugement historique".
[Source: TV5Monde]