Le Pakistan étend son parapluie nucléaire à l’Arabie saoudite

L’Arabie saoudite ne mise plus que sur les États-Unis pour assurer sa protection. Riyad et Islamabad ont signé la semaine dernière un accord de défense mutuelle, étendant le parapluie nucléaire du Pakistan au royaume saoudien. L’accord, en préparation depuis des années, intervient quelques jours après le bombardement par Israel de Doha au Qatar, pays médiateur dans la guerre à Gaza.
Le 9 septembre 2025, Israël a frappé la capitale du Qatar, Doha, lors d’une attaque aérienne sans précédent ciblant la direction politique du Hamas, qui réside depuis plusieurs années dans un complexe gouvernemental qatari. Cette frappe a été effectuée avec dix missiles lancés par une quinzaine de chasseurs israéliens, dont des F-15 et F-35, qui ont tiré des projectiles balistiques à longue portée, contournant les défenses aériennes régionales. Les cibles principales étaient plusieurs hauts responsables du Hamas, notamment Khalil al-Hayya, Zaher Jabarin et Khaled Mashal, en pleine réunion pour examiner une proposition de cessez-le-feu venue des États-Unis dans le contexte de la guerre à Gaza.
Riyad en quête d’une garantie supplémentaire
L’opération a abouti à la mort de six personnes, majoritairement des proches collaborateurs du Hamas et un officier qatari. Les hauts dirigeants visés ont, selon le Hamas, survécu. L'attaque a aussi fait de nombreux blessés parmi des civils et des membres de la sécurité qatarie. Le gouvernement israélien a justifié cette frappe par la nécessité de riposter après une attaque du Hamas survenue la veille à Jérusalem, tout en revendiquant une opération indépendante et en en assumant l’entière responsabilité.
La réaction du Qatar a été immédiate : l’émirat a dénoncé une violation grave de sa souveraineté et du droit international, rappelant son rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien. Sur le plan régional et international, la condamnation a été unanime. Tous les membres du Conseil de Coopération du Golfe, de l’Arabie saoudite aux Émirats arabes unis, se sont rangés derrière Doha, condamnant une “agression brutale” et appelant à une réaction commune pour défendre leurs intérêts respectifs. Une réunion d’urgence de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique a abouti à une déclaration commune soutenant le Qatar et dénonçant l’attaque israélienne. À l’ONU, l’attaque a été considérée comme un tournant potentiellement dangereux pour l’ensemble de la région.
Cette attaque, survenue pendant les négociations entre Israël et le Hamas, a ainsi compromis les chances de normalisation entre Tel Aviv et des pays arabes, comme le Qatar et l’Arabie saoudite. Le royaume et l’émirat ont d’ailleurs tout le temps conditionné cette normalisation à un règlement du conflit israélo-palestinien.
Le bombardement israélien de Doha a ainsi provoqué une véritable onde de choc parmi les monarchies du Golfe, remettant en question la fiabilité de leurs garanties sécuritaires face à une agression directe contre un allié de premier plan. L’inaction et le mutisme des États-Unis, pourtant principal soutien militaire de l’Arabie saoudite, ont été perçus comme une faille stratégique, d’autant plus que l’absence de condamnation immédiate et de mesures coercitives a attisé la méfiance quant à la fiabilité du parapluie américain dans la région.
Si Riyad a entrepris depuis des années une diversification de ses fournisseurs militaires, le bombardement de Doha a poussé le royaume dans les bras d’un autre pays, asiatique et dotée de l’arme nucléaire, qui aspire à confirmer son statut d’acteur majeur dans la région. Il s’agit du Pakistan, qui étend son parapluie nucléaire à l’Arabie saoudite, en vertu d’un accord de défense mutuelle signé il y a quelques jours dans la capitale saoudienne.
“Le nucléaire fait partie intégrante” de l’accord
Cet accord était en préparation depuis des années. Il prévoit l’usage des armes nucléaires pakistanaises pour défendre l’Arabie saoudite si besoin. “Le nucléaire fait partie intégrante de cet accord ; le Pakistan se souvient que le royaume a largement financé son programme et l’a soutenu lorsqu’il était sous sanctions”, a confirmé un analyste, Ali Shihabi, proche du royaume. Il a confirmé une information de Khawaja Muhammad Asif, ministre pakistanais de la Défense.
Dotée de l’arme nucléaire depuis 1998, le Pakistan posséderait environ 170 ogives nucléaires, selon une étude récente de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Le pays possède des missiles capables de parcourir des milliers de kilomètres, comme l’Ababeel (environ 2 200 km de portée) et le Shaheen-III (environ 2 700 km), qui peuvent emporter différentes sortes de têtes explosives, y compris des charges nucléaires. Le pays dispose aussi d’avions de chasse JF-17 et F-16 capables de transporter le missile Ra’ad, qui peut frapper une cible à environ 350 km de distance.
Islamabad et Riyad entretiennent aussi depuis des décennies des relations étroites avec l’Arabie saoudite, où vivent et travaillent plus de 2,5 millions de Pakistanais. Le royaume saoudien a de son côté été un soutien essentiel à l’économie fragile du Pakistan. En outre, la monarchie a joué un rôle de médiateur lors du conflit ayant opposé son partenaire à l’Inde, qui aura fait en quelque mois plus de 70 morts.
Mais l’Arabie saoudite noue des relations tout aussi étroites avec l’Inde, et Riyad dit s’attendre à ce que l’Inde comprenne les besoins sécuritaires du royaume saoudien. Celui-ci est un fournisseur majeur de pétrole au pays le plus peuplé au monde, dont l’économie enregistre une forte croissance.
[Source: France-Soir]