France - Afrique du Sud : comme à la maison, les Springboks imposent leur loi à un XV de France démuni

L’équipe de France masculine de rugby s’est largement inclinée, samedi au Stade de France, face aux doubles champions du monde sud-africains (17-32). Comme il y a deux ans au Mondial, mais cette fois-ci, la défaite ne souffre d’aucune contestation.

Nov 9, 2025 - 09:30
France - Afrique du Sud : comme à la maison, les Springboks imposent leur loi à un XV de France démuni
Sacha Feinberg-Mngomezulu, demi d’ouverture de l’Afrique du Sud, lors du match face à la France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 8 novembre 2025. FRANCK FIFE/AFP

Ils aspiraient à tourner la page. Au lieu de ça, c’est l’âme tourmentée que l’équipe de France masculine de rugby a quitté la pelouse du Stade de France, samedi 8 novembre.

Dans une enceinte devenue leur résidence secondaire – ils y ont été sacrés champions du monde à deux reprises et y ont remporté onze de leurs quatorze rencontres –, les Springboks de l’Afrique du Sud ont dominé les Français (17-32), comme il y a deux ans en quart de finale de la Coupe du monde 2023. Mais cette fois, la victoire ne souffre d’aucune contestation.

« Aujourd’hui, c’est la meilleure équipe du monde, a convenu le sélectionneur tricolore, Fabien Galthié. Ils ont toujours les mêmes atouts, qu’ils ont même développés. » Et à deux ans du prochain Mondial, ses troupes ont du travail pour combler leur retard.

Il y a deux ans, les Français étaient tombés de haut sur leur pelouse. Battus d’un rien, un point (28-29). Mais un point, c’est tout quand une qualification pour le dernier carré d’une Coupe du monde à domicile est en jeu. Et si tous ont affirmé être passés à autre chose, et avancer sans sentiment de revanche, « le traumatisme a touché au-delà des vingt-trois joueurs présents », a reconnu cette semaine l’ouvreur Romain Ntamack, blessé lors du Mondial 2023.

L’engagement mis d’emblée par les Tricolores témoignait de leur volonté de remettre les compteurs à zéro. « On s’attendait à ce que les Français débutent fort. Et à la manière dont ils ont commencé, on a pu voir combien ils tenaient à remporter ce match », a salué le capitaine sud-africain, Siya Kolisi, après la rencontre.

Hargneux et percutants, les Bleus avançaient, et ont rapidement vu Damian Penaud les récompenser. Auteur de ses 39eet 40e essais en sélection en première période, l’ailier de l’Union Bordeaux-Bègles est désormais seul recordman du nombre d’essais en équipe de France, quelques mois après avoir égalé Serge Blanco.

« Une équipe capable de tout exploiter »

Mais il en fallait plus pour désarçonner l’expérimentée Afrique du Sud, double championne du monde en titre et sûre de son rugby. « L’Afrique du Sud, c’est quinze chasseurs sur le terrain », avait pourtant averti Fabien Galthié, jeudi, exhortant ses troupes à ne plus être des proies.

Malmenant une première ligne bleue encore verte – et pas uniquement parce que la peinture publicitaire sur le terrain a déteint –, composée des piliers Régis Montagne et Baptiste Erdocio (trois sélections chacun), les coéquipiers de Siya Kolisi ont exploité la moindre brèche, revenant à la marque sur des pénalités, et un essai où la défense française s’oubliait. « C’est une équipe capable de tout exploiter », a constaté le technicien lotois. Même les coups du sort.

Pour avoir heurté de l’épaule la tête de l’arrière tricolore Thomas Ramos, le puissant deuxième ligne Lood de Jager a – logiquement – écopé d’un carton rouge, peu avant la pause, laissant l’Afrique du Sud à quatorze pour toute la seconde mi-temps.

Mais galvanisés et remodelés par quelques changements – le sélectionneur n’hésitant pas à sortir son capitaine à la pause pour le remplacer par un joueur plus polyvalent –, jamais les Springboks n’ont laissé les Bleus exploiter cette supériorité numérique. « Quand tu joues contre eux, qu’ils soient à quinze ou à quatorze, on ne voit pas forcément la différence », a reconnu le talonneur français Julien Marchand.

« Cette équipe, beaucoup de gens la considèrent vieillissante. Mais les joueurs sont plus sages, plus calmes sous pression, et ils veulent toujours autant gagner », a mis en avant le sélectionneur sud-africain, Rassie Erasmus. Et il ne fallait pas grand-chose pour que cette équipe parfaitement rodée et « en maîtrise du tempo » – les mots du deuxième ligne Thibaud Flament – décide d’accélérer.

Imprécis ou fautifs, les Bleus ne concrétisent pas

Quand ils reverront le match, les Français n’auront guère de peine à comprendre à quel moment la rencontre leur a glissé des mains. « Autour de la 60e minute, on se crée trois temps forts où l’on doit marquer pour continuer à mener », rembobine Fabien Galthié. Mais imprécis ou fautifs, ses hommes n’ont pas concrétisé : en seconde période, ils n’inscriront que trois points. « On les laisse dans le match et voilà. On connaît cette équipe, ils ont des ressources, prolonge le demi de mêlée Nolann Le Garrec. Ils sont retournés dans le rugby qu’ils apprécient, fait de défis physiques et de combat dans les zones de marque. Et ils ont été ultra-efficaces. »

Exploitant des pénalités anodines au milieu du terrain – et le carton jaune de l’ailier Louis Bielle-Biarrey pour un en-avant volontaire –, les Sud-Africains ont réinvesti le camp français, martelant la ligne défensive bleue, avant de la percer de manière clinique. Trois essais, du centre reconverti en troisième ligne André Esterhuizen, du demi de mêlée remplaçant Grant Williams et de l’ouvreur Sacha Feinberg-Mngomezulu, ont donné au tableau de marque son ample écart final. « Une agréable surprise », selon Rassie Erasmus, qui anticipait davantage une partie jouée sur le fil, « sur un drop ou une pénalité », à l’image de deux précédents affrontements entre Bleus et Springboks.

Mais alors que leurs adversaires montaient en puissance, les Français ont perdu pied, notamment dans les phases de combat. « On est un peu face à un rouleau compresseur avec eux, on a eu du mal à rivaliser », a décrit Thibaud Flament. Et dans un Stade de France groggy, les hommes de Fabien Galthié se sont fait rouler dessus par une équipe qui n’avait pas oublié qu’en 2022, « c’est la France qui avait appuyé sur l’accélérateur en fin de match », a rappelé Rassie Erasmus, célébrant l’apport de son banc et « une victoire à vingt-trois ».

A défaut de revanche, une fois encore, l’Afrique du Sud a investi le Stade de France et l’esprit des Tricolores, mais n’entend pas y payer de loyer. Et pour la première fois depuis que Fabien Galthié en a pris les commandes fin 2019, le XV de France vient d’enchaîner quatre défaites de rang. Comme à l’accoutumée, rythme effréné des saisons du rugby tricolore oblige, celles de la tournée d’été s’accompagnent d’un astérisque, en raison de l’absence des cadres.

Mais voilà les Bleus en terre inconnue. « Baisser la tête serait inacceptable, a prévenu le capitaine français, Gaël Fickou. Les Springboks ont été meilleurs que nous, mais il nous reste deux matchs pour montrer un autre visage ». Si les Fidji et l’Australie n’ont pas le pedigree des Boks, une nouvelle défaite pourrait mettre les Bleus en péril au classement mondial, avec le risque de perdre leur statut de tête de série à la Coupe du monde en Australie.

[Source: Le Monde]