Savile Row, la célèbre rue des tailleurs de Londres, s'ouvre aux nouvelles générations

Sep 25, 2025 - 13:26
Savile Row, la célèbre rue des tailleurs de Londres, s'ouvre aux nouvelles générations
Wendy, apprentie tailleuse, au sein de l'atelier Henry poole & Co dans Savile Row, à Londres, le 12 août 2025 AFP HENRY NICHOLLS

Vu de l'extérieur, le temps semble suspendu à Savile Row, la prestigieuse et historique rue des tailleurs londoniens, mais les ateliers sont plus jeunes que jamais, grâce à un programme d'apprentissage extrêmement convoité.

Alors que la Fashion Week de Londres bat son plein - jusqu'à lundi -, la rue, connue pour habiller l'élite masculine mondiale, des têtes couronnées aux espions, célèbre ses apprentis.

"Depuis un an et demi, nous observons une forte augmentation (...) du nombre de personnes postulant pour des apprentissages", explique Simon Cundey, directeur général et propriétaire de Henry Poole & Co, l'un des plus anciens tailleurs de la rue.

Pendant des années, l'apprentissage à Savile Row se faisait de manière informelle, et n'était pas toujours bien vu, les maîtres tailleurs hésitant à partager les secrets du métier avec des débutants.

Mais face à la montée du prêt-à-porter, les tailleurs de cette rue emblématique du chic anglais, ont lancé un programme d'apprentissage il y a une vingtaine d'années pour s'assurer de la transmission de leur savoir-faire.

Plus de 100 personnes ont obtenu leur diplôme du programme d'apprentissage de la Savile Row Bespoke Association (SRBA) depuis son lancement en 2007.

Les apprentis passent entre deux et six ans à être formés par une maison de la rue pour se spécialiser dans la confection de manteaux, de pantalons ou dans la coupe, avant d'être évalués par un jury de maîtres tailleurs.

Henry, apprenti tailleur, dans l'atelier Henry Poole & Co, à Savile Row, le 12 août 2025

Henry, apprenti tailleur, dans l'atelier Henry Poole & Co, à Savile Row, le 12 août 2025

Alors que les métiers artisanaux au Royaume-Uni sont de plus en plus menacés de disparition, les tailleurs de Savile Row affirment que ce programme a redynamisé les maisons tout en maintenant la qualité et la réputation de leur savoir-faire.

Piles de CV

Quand Jinny Seals, 45 ans, a rejoint Henry Poole en 2002-2003, l'âge moyen dans l'atelier était d'environ 55 ans, et elle était l'une des trois seules femmes.

"Il y avait une pénurie d'apprentis", confie la couturière à l'AFP. "Maintenant, ils ont des piles de CV de personnes souhaitant un apprentissage." Et il y a "autant de femmes que d'hommes".

Dans l'atelier de la boutique Henry Pool, au sous-sol du magasin, les apprentis et leurs formateurs travaillent côte à côte, penchés sur des machines à coudre, en écoutant du hip-hop.

Chez ce tailleur, ils sont trois apprentis. Deux autres vont bientôt les rejoindre.

Wendy Berberi, 22 ans, a commencé chez Henry Poole pendant la pandémie de Covid-19. Elle avait alors 16 ans et voulait faire carrière dans la mode.

"Je n'envisageais pas vraiment Savile Row, car c'est principalement de la mode masculine. Mais une fois que j'ai commencé ici, j'ai vraiment, vraiment aimé", raconte la jeune femme, qui a terminé son apprentissage cette année.

Pour cette jeune diplômée, l'apprentissage est une bonne option, car "il faut apprendre ce métier à côté de quelqu'un".

Slow fashion

Des vêtements envoyés depuis l'étranger attendent d'être réparés, dans l'atenir Henry Poole & Co à Savile Row à Londres, le 12 août 2025

Des vêtements envoyés depuis l'étranger attendent d'être réparés, dans l'atenir Henry Poole & Co à Savile Row à Londres, le 12 août 2025

Pour Simon Cundey, "il y a depuis la pandémie une forte demande pour un mode de vie différent": plutôt que des emplois de bureau, certains préfèrent rechercher des carrières stables où l'on crée quelque chose avec ses mains.

"Apprendre un savoir-faire, c'est une forme de sécurité de l'emploi, car on ne fait que s'améliorer en vieillissant", souligne-t-il.

À quelques boutiques de là, Dege & Skinner compte quatre apprentis et un cinquième commencera en septembre.

C'est un nombre record, explique le directeur général William Skinner. Et ce sont exclusivement des femmes.

La London Academy of Bespoke (l'Académie londonien sur sur-mesure, LAB), située sur Savile Row, a lancé l'an dernier un cours de pré-apprentissage destiné aux couturiers en herbe.

"Il y a une vraie réflexion sur la durabilité" et des discussions sur la "slow fashion", explique Jinny Seals, en racontant les cours qu'elle donne au LAB. A contre-courant de la fast fashion et de ses conséquences environnementales.

"Des gens observent (la fast fashion) et se disent: +Non, moi, j'aimerais apprendre à l'ancienne+", poursuit-elle. "Ça fait réaliser que ce qu'on fait (...) ne disparaîtra jamais."

Le Golden Shears Award, qui célèbre les étudiants en couture, fête pendant la Fashion Week de Londres son 50e anniversaire, en exposant dans les vitrines des maisons de Savile Row les oeuvres des lauréats des années précédentes.

[Source: TV5Monde]