Droits de douane : les Etats-Unis et la Chine se disent proches d’un accord commercial avant la rencontre entre Trump et Xi

Les autorités chinoises et américaines font état d’avancées pour la mise en place d’une trêve après des semaines d’escalade. La Chine pourrait, en particulier, se montrer conciliante sur les achats de soja américain et les restrictions de l’accès aux terres rares.

Oct 27, 2025 - 07:36
Droits de douane : les Etats-Unis et la Chine se disent proches d’un accord commercial avant la rencontre entre Trump et Xi
Le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent (2ᵉ à gauche), et le négociateur commercial chinois en chef, Li Chenggang (1ᵉʳ à droite), à Madrid, le 14 septembre 2025. TRÉSOR AMÉRICAIN VIA AFP

A l’issue de deux jours de discussions à Kuala Lumpur, en Malaisie, les négociateurs américains et chinois ont annoncé, dimanche 26 octobre, être parvenus à définir les contours d’un accord qui doit permettre d’apaiser les relations entre les deux premières puissances économiques, dont les présidents doivent se rencontrer jeudi 30 octobre. « Je décrirais ces négociations comme constructives, étendues, profondes et nous donnant la capacité d’avancer pour laisser place à la rencontre des dirigeants avec un cadre très positif », a déclaré le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent. L’agence officielle Chine Nouvelle parle, de son côté, d’« un consensus de base ».

La première rencontre entre Xi Jinping et Donald Trump sous le deuxième mandat du président républicain, quoique déjà annoncée par la Maison Blanche, était encore suspendue à ces négociations pour faire redescendre la température alors que, ces dernières semaines, la relation entre Pékin et Washington menaçait à nouveau de dérailler. « Les Etats-Unis ont été durs pour faire valoir leur position et la Chine a été ferme dans la défense de ses intérêts et de ses droits »,a résumé le vice-ministre du commerce chinois, Li Chenggang, qualifiant les discussions de « franches et approfondies », parfois « intenses », au bout de ce week-end de tractations au 92e étage du deuxième plus haut gratte-ciel de la planète.

Il s’agissait du cinquième round de négociations pour stabiliser les questions commerciales depuis la guerre des droits de douane lancée par Donald Trump au printemps. Il se tenait en marge d’une visite du président américain en Malaisie pour assister à un sommet avec les pays d’Asie du Sud-Est. M. Trump, arrivé samedi à Kuala Lumpur, doit poursuivre sa tournée asiatique par une étape au Japon à partir de lundi. Puis il rencontrera le président chinois, Xi Jinping, le 30 octobre, à la veille d’un sommet de la coopération économique en Asie-Pacifique (APEC), en Corée du Sud, alors que les relations sino-américaines ont pris ces derniers mois un tour particulièrement incertain.

Mesures agressives

Après cinq semaines d’une escalade tarifaire sans précédent, les Etats-Unis et la Chine étaient parvenus en mai à une trêve mais qui arrivait à expiration le 10 novembre tandis que les mesures agressives se sont multipliées récemment. Pékin a été pris par surprise, fin septembre, lorsque Washington, malgré une phase d’apaisement, a étendu sa liste noire d’entreprises, chinoises notamment, avec lesquelles les Américains ne peuvent pas commercer pour y inclure bien plus largement toutes leurs filiales.

En retour la Chine, qui, depuis avril, soumet déjà ses exportations de terres rares à des licences qu’elle débloque difficilement, avait annoncé son projet d’étendre à partir de novembre ce système de contrôle à tous les produits fabriqués ailleurs mais contenant ne serait-ce qu’une quantité minimale de ces métaux stratégiques dont elle domine la production, s’octroyant de fait un droit sur toutes les chaînes de technologie partout sur la planète.

Donald Trump disait depuis envisager de taxer à 100 % les produits chinois, mais le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a précisé dimanche que cette menace « n’est de fait plus sur la table ». Un rabibochage qui contraste avec ses propos du 15 octobre, lorsque M. Bessent qualifiait le vice-ministre du commerce Li Chenggang de « très irrespectueux » et « assez sans filtre ». « Peut-être qu’il se prend pour un Loup combattant », s’était-il alors interrogé à propos de son interlocuteur, comme on qualifie les diplomates chinois les plus durs, expression tirée du titre d’un film chinois à la Rambo.

« Ils veulent faire un deal et nous voulons faire un deal », a résumé Donald Trump dimanche. Les deux parties mettent chacune en avant certaines des contreparties obtenues, sans dévoiler l’intégralité du possible accord. A la chaîne ABC, M. Bessent a affirmé que la Chine devrait suspendre les nouvelles restrictions sur les terres rares annoncées ce mois-ci « pour un an, afin de les réévaluer ».

Eviter les restrictions sur les terres rares est « un des objectifs majeurs de ces discussions et je crois que l’on progresse très bien en ce sens », a dit de son côté le représentant au commerce Jamieson Greer sur Fox News. La Chine a dégainé la carte des terres rares il y a six mois, ce qui a permis de garder la focale américaine sur cette semi-pénurie qu’elle a orchestrée de toutes pièces et peut régler d’un claquement de doigts.

Lutte contre le fentanyl

La Chine a activé un autre levier de pression en cessant d’acheter du soja en provenance des Etats-Unis, une manière de cibler des agriculteurs qui ont majoritairement voté pour Donald Trump. Mais M. Bessent s’est montré confiant là aussi en anticipant des achats « substantiels » de soja américain par les Chinois.

De son côté, le négociateur Li Chenggang, qui accompagnait le vice premier ministre en charge de l’économie, He Lifeng, s’est dit convaincu qu’un accord a été trouvé sur la lutte contre le fentanyl. C’était en arguant du rôle de la Chine comme producteur des éléments précurseurs utilisés par les cartels mexicains dans la confection de cette drogue que l’administration Trump avait imposé en février puis en mars une première salve de droits de douane de 20 % contre Pékin. Ils n’ont pas été supprimés jusqu’à présent, laissant un décalage entre les droits moyens de 57,6 % imposés actuellement par Washington aux produits chinois et ceux de 32,6 % pratiqués par la Chine sur les produits américains.

Même si la Chine ne cesse de se féliciter de son choix de tenir tête à Donald Trump, la persistance de ce déséquilibre sur les droits de douane laissait jusqu’à présent à Pékin le sentiment d’une demi-victoire. Les propos de M. Li suggèrent qu’en échange d’un engagement à lutter plus vigoureusement contre le trafic de fentanyl, la Chine escompte la suppression de ces 20 % de taxes douanières punitives.

Le négociateur Li Chenggang a également affirmé que les deux pays travaillent à régler la question des droits imposés depuis mi-octobre à l’entrée des navires chinois dans les ports américains, mesure qui avait fait l’objet d’une rétorsion chinoise visant les bateaux américains. Mais les deux parties ont bien pris soin de préciser que rien n’est finalisé à ce stade.

[Source: Le Monde]