Rassembler les langues et les souvenirs : traduire « My Beloved Kurdistan »
Dr Sirwan Abdulkarim Ali
Gérée par la Vision Education Foundation, notre équipe de traduction a récemment entrepris l'un des projets littéraires les plus profonds et les plus significatifs sur le plan culturel de ces dernières années, à savoir la traduction du livre de Lâm Duc Hiên, « My Beloved Kurdistan », du français vers l'anglais et l'arabe. Réalisé en un temps record et avec une précision et une sensibilité stylistique remarquables, ce projet a été personnellement salué par l'auteur, qui a souligné que les traducteurs avaient « su capturer l'âme du livre, et pas seulement ses mots ».
Les traductions en anglais et en arabe ont été réalisées par notre équipe. Chaque langue a apporté son propre ton, ses propres émotions et son propre rythme : le français avec ses nuances poétiques, le kurde avec sa proximité avec la terre et les gens, l'anglais avec sa clarté et l'arabe avec sa chaleur expressive et sa résonance historique. En tant que chef de l'équipe de traduction, j'ai eu l'honneur de travailler en étroite collaboration avec Michael EJ Phillips, qui a produit une traduction anglaise fidèle et éloquente, et Zahra Kosrat Dhahir, dont la révision arabe a donné au texte une profondeur littéraire et une précision linguistique.
Lâm Duc Hiên, qui a personnellement suivi le processus, a exprimé sa gratitude : « Le Dr Sirwan et son équipe ont donné une nouvelle vie à mon livre dans deux langues. Ils ont transmis ses émotions avec fidélité et grâce. » Cet effort collaboratif supervisé par Rawand Abdulkadir Darwesh et la Vision Education Foundation a transformé le processus de traduction en un pont entre les cultures et les générations.
Ce projet international a été rendu possible grâce au soutien de la Vision Education Foundation à Erbil, représentée par Rawand Abdulkadir Darwesh, en partenariat avec des institutions culturelles françaises, et avec la précieuse collaboration de Lâm Duc Hiên et Magdalena Sodomková. Hiên, l'auteur, photographe et humanitaire, et Sodomková, journaliste d'investigation tchèque, productrice de documentaires et traductrice de l'édition tchèque de « My Beloved Kurdistan », ont tous deux joué un rôle essentiel dans l'élaboration de l'esprit du livre. La contribution de Sodomková a dépassé le cadre de la traduction ; elle a travaillé en étroite collaboration avec Hiên pour documenter les expériences sur le terrain, vérifier les détails historiques et s'assurer que la profondeur émotionnelle des récits soit préservée à travers les langues et les cultures.
« My Beloved Kurdistan » ou « Kurdistan mon ami » (publié en 2024) est bien plus qu'un livre de photographies. C'est une chronique de l'endurance, de la douleur et de la dignité humaine. Il documente plus de trente ans d'histoire kurde telle que l'a vécue Lâm Duc Hiên, qui est arrivé au Kurdistan en 1991 lors de l'exode massif qui a suivi le soulèvement kurde de cette année-là. Le texte original en français a été rédigé par Leslie Lepers, qui travaillait également pour ÉquiLibre dans la région du Kurdistan irakien en 1994.
Le livre emmène le lecteur des villages détruits d'Anfal aux camps de réfugiés de Zakho, de la renaissance de l'éducation dans les écoles rurales à la lutte contre Daech. À travers son objectif, Hiên capture non seulement la destruction et le désespoir, mais aussi la résilience, la compassion et l'esprit de survie kurde.
Né au Laos en 1966, Lâm Duc Hiên a grandi dans un contexte de guerre et de déplacement. Sa famille a fui vers la Thaïlande, puis vers la France. Lorsqu'il est arrivé au Kurdistan en 1991, il a immédiatement reconnu les scènes familières de souffrance : les visages des familles en déplacement, l'épuisement, l'endurance silencieuse. Il a écrit plus tard : « Parmi les réfugiés kurdes épuisés, j'ai revu le visage de ma mère lorsque nous avons fui le Laos. » C'est cette profonde empathie, née d'un exil commun, qui lui a permis de documenter le Kurdistan non pas en tant qu'étranger, mais en tant que personne qui comprenait véritablement le prix de la survie.
En travaillant sur la traduction, « je ne pouvais pas séparer l'histoire de Hiên de la mienne. Je me souvenais de ma mère, qui ignorait la douleur dans son corps, la douleur dans ses genoux, son dos, même sa tête, alors qu'elle luttait pour nous conduire, moi et la famille de mon oncle, vers la frontière iranienne. Sa peur n'était pas pour elle-même, mais pour notre survie. Dans ces moments-là, sa souffrance physique disparaissait derrière sa force et son instinct de protection. »
L'une des parties les plus touchantes du livre documente le travail humanitaire de l'organisation française ÉquiLibre, dont les membres ont soutenu le peuple kurde pendant ses années les plus difficiles. Entre 1993 et 1994, ÉquiLibre a fourni des repas chauds quotidiens aux écoliers des villages reculés et des rations mensuelles de nourriture sèche aux enseignants, garantissant ainsi la poursuite de l'éducation malgré les difficultés économiques et l'instabilité. Ayant moi-même été volontaire pendant cette même période pour enseigner l'anglais à Takya Kakamand, près de Chamchamal, j'ai pu constater de mes propres yeux le pouvoir transformateur d'un tel soutien. Un repas chaud pour un enfant et une modeste ration alimentaire pour un enseignant symbolisaient plus que de la charité ; ils représentaient la continuité, la dignité et la conviction que le savoir ne doit pas mourir, même en temps de crise.
« My Beloved Kurdistan » célèbre également la profonde diversité religieuse et culturelle de la région. Les photographies et les récits de Hiên dépeignent des musulmans, des chrétiens, des yézidis, des kakaïs, des zoroastriens, des mandéens et des juifs vivant tous sur la même terre, tous survivants de l'histoire. Sur une photographie remarquable, un imam, un prêtre chrétien et une femme spirituelle yézidie sont assis ensemble et discutent de foi et de pardon. Pour moi, cette scène incarne la force morale du Kurdistan : un lieu où la différence peut coexister dans le respect.
La traduction de cette section en arabe a nécessité à la fois une sensibilité culturelle et un équilibre littéraire. Notre objectif était de préserver l'universalité de la coexistence tout en conservant l'essence kurde de tolérance et d'humanité. Dans l'ensemble de l'œuvre de Hiên, l'éducation apparaît comme la forme de résistance la plus durable. Ses images d'enfants étudiant parmi les ruines, d'enseignants poursuivant leur travail malgré la pauvreté et la guerre, reflètent la réalité que j'ai connue autrefois.
En enseignant bénévolement l'anglais dans des écoles kurdes isolées au début des années 1990, j'ai appris que l'éducation ne se résume pas à l'alphabétisation ; elle est une question de survie, d'identité et d'espoir. C'est ainsi qu'un peuple, longtemps privé de voix, peut se réapproprier son avenir.
Une fois la traduction terminée, j'ai réalisé que ce projet était plus qu'un simple travail linguistique, mais un acte de mémoire partagé. Sous la direction de Rawand Abdulkadir Darwesh et en partenariat avec la Vision Education Foundation, nous avons construit un pont culturel reliant les histoires du peuple kurde aux lecteurs du monde entier.
Lors du lancement des éditions arabe et anglaise, Lâm Duc Hiên a déclaré : « J'ai rarement vu une traduction aussi précise et empathique. Cette équipe n'a pas seulement compris mes mots, elle les a vécus. »
« My Beloved Kurdistan » n'est pas simplement un livre, c'est un témoignage. Il nous rappelle que l'histoire la plus authentique n'est pas écrite par des soldats ou des politiciens, mais par des enseignants, des traducteurs, des photographes et des enfants qui choisissent de se souvenir.
Pour moi, traduire ce livre a été un retour à mes débuts, aux salles de classe froides de ma jeunesse, au courage de mes élèves et à la conviction que la mémoire elle-même est une forme de résistance. Dans un monde divisé par les frontières et les langues, « My Beloved Kurdistan » est un pont de lumière qui relie l'exil à la patrie, la douleur à la fierté et l'humanité à l'humanité.
L'équipe de traduction tient à remercier :
- Professeur Dana Mawlood, PDG de la Vision Education Foundation.
- Rawand Abdulkadir Darwesh, pour son excellente gestion du projet et sa représentation de la Vision Education Foundation.
- Lâm Duc Hiên, pour sa confiance, sa vision et sa collaboration sans faille.
- Bayan Salim, traducteur de l'édition kurde.
- L'organisation humanitaire française ÉquiLibre, pour son soutien éducatif et logistique dans les années 1990, qui a permis de fournir des repas chauds aux écoliers et des rations alimentaires mensuelles aux enseignants, un geste qui reste un symbole de la solidarité humaine et du pouvoir transformateur de l'éducation.
- Enfin, Leslie Lepers, auteur du texte original en français et collaborateur d'ÉquiLibre.
[Traduit par EDGEnews]