Tunisie: inquiétude après la suspension des activités d'une association de défense des droits des femmes
L'Association tunisienne des femmes démocrates, emblématique du combat pour la démocratie en Tunisie voit ses activités suspendues par les autorités, pour une période d'un mois. Une décision dénoncée par de nombreuses ONG de défense des droits humains et militant.e.s féministes.
Créée en 1989, l'Association tunisienne des femmes démocrates a été à la pointe des luttes pour l'avènement de la démocratie en Tunisie et contre la dictature de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en 2011 par une révolte populaire.
La présidente de l'ATFD, Raja Dahmani, indique avoir reçu une "décision des autorités ordonnant la suspension de ses activités pour un mois", en raison "d'infractions" à la réglementation sur les associations.
Selon elle, l'association "respecte totalement les procédures légales" après avoir régularisé sa situation suite à une notification en novembre 2024. La militante a d’ores et déjà annoncé un recours légal contre cette décision des autorités.
Régression des droits et libertés
Le Forum des droits économiques et sociaux (FTDES), autre ONG très influente, a exprimé sa "pleine solidarité" à l'Association tunisienne des femmes démocrates. Il dénonce une "criminalisation de l'action civile" dans un communiqué. Selon le Forum cette suspension"s'inscrit dans le cadre d'une nouvelle série de mesures qui visent à restreindre davantage l'espace civil en Tunisie, touchant des dizaines d'associations".
Depuis un coup de force à l'été 2021 du président Kais Saied par lequel il s'est emparé des pleins pouvoirs, des ONG tunisiennes et étrangères dénoncent une régression des droits et libertés dans le pays.
Depuis, de nombreuses femmes journalistes, avocates ou militantes ont été emprisonnées. L'an dernier, Ahlem Bousserwel, secrétaire générale de l’ATFP, alertait l'opinion publique sur la vague d’arrestations et le sort de ces femmes. "Les droits des femmes régressent", lançait-elle dans une vidéo postée sur X.
Les associations dans le viseur des autorités
Cette semaine, des médias locaux ont fait état de l'ouverture d'une enquête judiciaire sur des financements étrangers reçus par diverses organisations de la société civile, notamment le FTDES, I Watch, Al-Bawsala ou le média Inkyfada.
Selon le site Business News, la justice a ordonné "le gel des avoirs de certaines associations dans l'attente de la finalisation des enquêtes". "Jusqu'à présent, les investigations ont conduit à la dissolution de 47 associations et au gel des avoirs de 36 autres", selon Business News.
Il s'agit d'une volonté du pouvoir de démanteler à grands jeux de perversion du droit, le tissu associatif d'une Tunisie foisonnante, rebelle et plurielle. Sana Ben Achour, avocate et militante féministe tunisienne
Sans confirmer une enquête, le Forum des droits économiques et sociaux s'est dit "confronté à des tentatives de criminalisation et stigmatisation". Il dénonce "une politique délibérée de répression des militants associatifs".

Des Tunisiens participent à une manifestation contre le président Kais Saied avant les prochaines élections présidentielles, vendredi 13 septembre 2024, sur l'avenue Habib Bourguiba dans la capitale Tunis. © AP Photo/Anis Mili
Faire taire la voix des militant.e.s?
Les suspensions d'activités et la multiplication de contrôles financiers et fiscaux sont, selon le FTDES, "des mesures à caractère politique, destinées à affaiblir les associations indépendantes et à intimider la société civile dans son ensemble".
"Suite à la décision de suspendre son activité pour un mois, l'Intersection pour les Droits et Libertés, l'association des Femmes pour les Démocrates, exprime sa pleine solidarité avec l'association Tunisienne pour les Femmes Démocratiques, dans un geste qui est un sérieux pas vers une politique systématique de limitation des droits et ciblant les associations de femmes et de droits en Tunisie", écrit sur Facebook, l'organisation tunisienne Intersection Association for rights and freedom.
Même soutien exprimé du côté de la militante Chayma Issa sur Facebook: "Tout soutien et solidarité avec l'association des femmes démocrates contre cette attaque au droit de l'association dans l'activité et la pratique civile Cette association qui a accompagné des générations de femmes et défendu les droits des femmes".
Pour Sana Ben Achour, il s'agit d'une volonté du "pouvoir" de "démanteler à grands jeux de perversion du droit, le tissu associatif d'une Tunisie foisonnante, rebelle et plurielle".
[Source: TV5Monde]