Et si le vrai duel du Tour de France 2025 était celui pour la troisième place ?
Durant les trois semaines de course, l’Allemand Florian Lipowitz et le Britannique Oscar Onley, 3ᵉ et 4ᵉ avant la dernière étape, dimanche, ont livré une bataille palpitante dans l’ombre de Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard.

A force de braquer l’objectif sur le duel attendu entre Tadej Pogacar (UAE Team Emirates-XRG) et Jonas Vingegaard (Visma-Lease a Bike) au sommet du Tour de France, on en aurait presque manqué le mano à mano le plus savoureux de cette édition 2025. Il faut le chercher à peine plus bas au classement général, sur sa discrète et pourtant symbolique troisième ligne. C’est là que s’est livrée la vraie bataille, incertaine, âpre, palpitante.
Avant la 21ᵉ et dernière étape, entre Mantes-la-Ville (Yvelines) et les Champs-Elysées, à Paris, dimanche 27 juillet, l’Allemand Florian Lipowitz, 3e et maillot blanc du meilleur jeune sur les épaules, dispose d’un peu plus d’une minute d’avance sur le Britannique Oscar Onley (Picnic-PostNL), 4e. Pour s’assurer de cet écart, le coureur de la Red Bull-Bora-Hansgrohe a livré « une grande bataille », retrace son directeur sportif Rolf Aldag, que Le Monde a rencontré à Pontarlier (Doubs), samedi, après la 20e étape remportée par Kaden Groves (Alpecin-Deceuninck). « C’était le meilleur des autres et il mérite son podium », insiste-t-il.
Car l’épreuve n’a pas démarré sous les meilleurs auspices pour le coureur de 24 ans, piégé dans une bordure lors de l’étape inaugurale, autour de Lille. Après quatre jours de course, Florian Lipowitz occupait la 20e place du classement général à un peu moins d’une minute d’Oscar Onley, déjà 7e. « Il a fait quelques erreurs, notamment dans les Alpes », admet Rolf Aldag, qui pointe notamment la 18e étape, entre Vif (Isère) et le col de la Loze (Savoie), lors de laquelle son coureur a tenté une « attaque suicide », après un étrange duel entre Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard.
Ce jour-là, l’Allemand s’est brûlé les ailes, quand son rival avait fini avec les deux meilleurs du Tour de France et comblé un peu de son retard. « Lipowitz s’est enflammé et Oscar a fait une montée formidable », résume Christian Guiberteau, le directeur sportif de la Picnic-PostNL.
« Des moments de tensions et de doutes »
L’Ecossais de 22 ans, membre de la formation néerlandaise depuis 2021, participe à son deuxième Tour de France. Fort d’une belle troisième place sur le Tour de Suisse en juin, derrière le Portugais Joao Almeida (UAE Team Emirates-XRG) et le Français Kévin Vauquelin (Arkéa-B & B Hotels), Oscar Onley a démontré, durant ces trois semaines, ses « grandes capacités, physiques, mentales et tactiques », se félicite Christian Guiberteau.
En amont du lancement de l’épreuve, le grimpeur annonçait au Monde « viser une victoire d’étape et ne pas s’occuper du classement général » pour ce premier grand tour en tant que leader d’équipe. Son « grand frère » et coéquipier Warren Barguil, maillot à pois de l’édition 2017, confiait, de son côté, qu’il n’avait « jamais rencontré un jeune talent aussi fort » au cours de sa carrière.
Si le Britannique a échoué à remporter une victoire, il a fait mieux qu’espéré, en étant souvent le troisième ou quatrième meilleur au sommet des cols les plus redoutables, derrière Pogacar et Vingegaard, des « coureurs extraordinaires », selon Christian Guiberteau. « Il est très jeune et peut encore réaliser de grands progrès, poursuit-il. Il a acquis beaucoup d’expérience car il a vécu des moments de tensions et de doutes. »
Une dernière étape redoutée
A plusieurs reprises, dans les étapes pyrénéennes, Oscar Onley a montré des signes de fatigue lorsque le maillot jaune slovène a accéléré. Entre Auch et Hautacam, lors de la 12e étape, Florian Lipowitz en avait profité pour reprendre l’ascendant psychologique et chronométrique, en grappillant une trentaine de secondes. « C’était difficile de prévoir et la lutte a été serrée jusqu’en dernière semaine », complète Rolf Aldag, qui redoute encore la « dangerosité » de la dernière étape.
Avant son duel haletant avec Oscar Onley, Florian Lipowitz a dû livrer une autre bataille, moins visible mais tout aussi décisive : convaincre son équipe qu’il était non pas l’option secondaire, mais le vrai leader, celui dont les jambes, la constance et l’ambition méritaient qu’on mise sur lui plutôt que sur le vétéran Primoz Roglic.
Lors de la présentation des équipes, le Slovène, vainqueur du Tour d’Espagne (2019, 2020, 2021 et 2024) et du Giro (2023), entretenait le doute sur sa place au sein de la formation allemande. Le coureur de 35 ans, en souffrance sur le Tour d’Italie en mai, avait dû abandonner lors de la 16e étape. Quelques semaines plus tard, lors du Critérium du Dauphiné, en juin, son cadet, 3e de l’épreuve gagnée par Tadej Pogacar, confirmait ses progrès en montagne, rivalisant avec Jonas Vingegaard, 2e au classement final.
« On n’avait aucune certitude sur trois semaines car c’était une première pour Lipowitz mais il a démontré qu’il pourrait, un jour, remporter le Tour de France », reconnaît Rolf Aldag. Et si le duel pour la troisième place de cette édition 2025 entre l’Allemand et le Britannique n’était qu’un prélude ? Si les vents tournent, que les hiérarchies vacillent, ce sont peut-être eux que l’on retrouvera plus haut encore, non plus dans l’ombre des maîtres incontestés, mais à la lutte pour le sommet.
[Source: Le Monde]