Avec les Mondiaux à Paris, le badminton français se rêve un destin similaire à celui du tennis de table

En forte progression, l’équipe de France vise une ou deux médailles à l’issue de la compétition, qui commence lundi, à l’Adidas Arena.

Août 27, 2025 - 03:09
Avec les Mondiaux à Paris, le badminton français se rêve un destin similaire à celui du tennis de table
Le Français Alex Lanier, lors de la finale du simple hommes de l’Open du Japon de badminton, à Tokyo, le 20 juillet 2025. YUICHI YAMAZAKI / AFP

Le badminton français est-il sur le point d’emprunter la voie royale tracée par son cousin du tennis de table ? Peu connue du grand public, l’élite tricolore de la discipline a pâti du manque de résultats de ses représentants sur la scène internationale. Cependant, à l’heure où Paris accueille, du lundi 25 au dimanche 31 août, les championnats du monde, ses joueurs n’ont jamais été aussi forts et nourrissent de grandes ambitions.

Jusqu’alors, seule Hongyan Pi, formée en Chine et naturalisée à l’âge de 25 ans, a réussi à s’inviter sur un podium mondial, en remportant le bronze en 2009, à Hyderabad (Inde). Aux Jeux olympiques, la France a toujours fait chou blanc.

A l’Adidas Arena, dans le 18ᵉ arrondissement de la capitale, la délégation chinoise, riche de 202 médailles mondiales glanées depuis la première édition de la compétition, en 1977, devrait une nouvelle fois rafler un grand nombre de titres. Mais les Bleus comptent dans leurs rangs plusieurs joueurs capables de s’illustrer. En simple hommes, ils sont deux à figurer dans le top 10 planétaire : Alex Lanier (7ᵉ) et Christo Popov (10ᵉ). Son frère aîné, Toma Junior Popov, est nº 15. Il n’y a que la Chine pour afficher une telle densité à ce niveau, avec les nº 1, 4 et 11 mondiaux.

Les frères Popov s’alignent aussi en double masculin, où ils occupent la 19ᵉ place au classement international. Enfin, la paire de double mixte, constituée de Thom Gicquel et Delphine Delrue (8ᵉˢ mondiaux), peut nourrir de réelles ambitions. En juin, ils sont devenus les premiers Français à remporter l’Open d’Indonésie, l’un des quatre tournois « Super 1 000 » du circuit – l’équivalent des Grand Chelem au tennis. « On ne va pas s’arrêter là », promettait alors la joueuse, affirmant son souhait de décrocher un podium devant son public.

Le 25 août 2024, Alex Lanier – non sélectionné pour les Jeux de Paris –, avait été le premier à triompher lors d’un « Super 750 », au Japon. Depuis, il a atteint les demi-finales du prestigieux All England, en mars 2025, et à nouveau la finale de l’Open du Japon, en juillet. « J’ai l’impression que je peux être largement meilleur », assure-t-il. Cyrille Gombrowicz, directeur technique national à la Fédération française de badminton, se réjouit que son groupe commence « à tutoyer le haut niveau mondial et à obtenir de la visibilité ». Le fruit, dit-il, d’« un travail de longue haleine, de plus de vingt-cinq ans. »

« Conditions d’entraînement très professionnelles »

Lors des championnats d’Europe, en avril, la France a terminé en tête du classement des médailles, devançant le Danemark, l’une des nations les plus fortes au monde, qui évoluait de surcroît à domicile – même si ses deux meilleurs joueurs, le double champion olympique Viktor Axelsen et le numéro 2 mondial Anders Antonsen, étaient absents.

Bilan : huit récompenses, dont deux titres. En simple, Alex Lanier s’est imposé en finale aux dépens de Toma Junior Popov. Ce dernier s’est consolé une heure plus tard en remportant la couronne en double masculin avec son frère Christo. « On n’avait jamais eu autant de résultats, rappelle Cyrille Gombrowicz. Les joueurs ont répondu présent le jour J. Maintenant, il faut le faire à l’échelon supérieur. »

Si concurrencer les cadors scandinaves au plus haut niveau était encore impensable il y a peu, les nouvelles têtes d’affiche du badminton français confirment, en réalité, des promesses déjà entraperçues. « On a été la première génération à gagner chez les jeunes en Europe. Avant, le Danemark nous écrasait », explique Thom Gicquel, 26 ans. En 2017, Toma Junior Popov s’était ainsi illustré en remportant le simple et le double, à Mulhouse (Haut-Rhin).

Son père et coach au sein de la structure qu’il a créée pour ses enfants à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), lui, en est convaincu : le badminton français sera « numéro 1 en Europe d’ici à 2028 », affirme Toma Popov. D’autant que la jeunesse des meilleurs Bleus – Alex Lanier (20 ans), Christo Popov (23 ans) et Toma Junior Popov (26 ans) – contraste avec l’âge plus avancé des meilleurs Danois – Viktor Axelsen (31 ans) et Anders Antonsen (28 ans).

Les badistes tricolores bénéficient, en outre, des installations du pôle olympique de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep). Débarqué dans l’usine à champions du bois de Vincennes, à l’âge de 15 ans, le Normand Alex Lanier raconte ainsi avoir pu profiter, très tôt, de « conditions d’entraînement très professionnelles ». Et l’arrivée de l’Espagnol Fernando Rivas à la tête de l’équipe de France, en 2022, a renforcé la qualité de la préparation, ajoute-t-il : « Notre structure était capable d’accueillir des joueurs du top 30. Dorénavant, elle peut créer et accueillir des joueurs du top 5. »

Chargé des simples au sein dudit pôle olympique, le Lituanien Kestutis Navickas estime que la France « est déjà en train de devenir l’une des meilleures nations de la planète » dans la discipline. Le tout grâce à un cercle vertueux : « Le nombre de pratiquants augmente, on attire plus de talents, et nous avons maintenant des stars. C’est très important d’avoir ces modèles. »

« Pas de jalousie »

Il ne manque donc plus que des succès dans les grands championnats internationaux pour offrir de la médiatisation au badminton, qui se rêve un destin semblable à celui du tennis de table. « Les deux sports sont similaires : des sports de raquette dominés par des pays asiatiques. Mais les pongistes sont en avance sur nous en nombre de médailles. On espère faire aussi bien qu’eux rapidement », déclare Cyrille Gombrowicz.

En 2021, aux Jeux de Tokyo, badistes et pongistes français plaisantaient à propos de leur infortune commune. « Avec Simon Gauzy [qui, depuis, a été médaillé de bronze par équipes aux JO 2024], on rigolait à l’hôtel des Bleus : on est top 20 mondial, mais personne ne nous connaît, et on va se faire écraser par des Chinois », raconte Thom Gicquel.

La popularité des frères Alexis et Félix Lebrun a changé la donne. Mais, relève Christo Popov, le tennis de table « est plus ancré en France ». « Il y a déjà eu des médaillés olympiques et mondiaux comme Jean-Philippe Gatien », en argent aux Jeux de Barcelone en 1992 et titré aux Championnats du monde de Göteborg (Suède) en 1993, ajoute Thom Gicquel.

« Il n’y a pas de jalousie, observe Delphine Delrue. Avec des résultats, les pongistes ont atteint une bonne notoriété. C’est possible pour nous. » « Nous sommes en train d’écrire les premières pages de notre histoire. Personne n’a jamais connu le badminton au très haut niveau », renchérit Alex Lanier. Paris leur offre une occasion de concrétiser leur progression. Fernando Rivas y espère même un à deux podiums. « Une médaille serait un gros coup de boost pour le badminton », juge Toma Junior Popov.

Il reste encore aux Français du chemin à parcourir pour rivaliser avec les meilleures nations du monde dans toutes les catégories, « notamment chez les femme», remarque Fernando Rivas, qui quittera son poste après la compétition. L’espoir pourrait venir de la famille Popov : « Notre cousine Maria, 12 ans, est hyperprometteuse », prévient Toma Junior.

[Source: Le Monde]