Quatre idées reçues sur le bronzage, les coups de soleil et leurs effets sur la peau
Crème solaire inutile pour les peaux mates, coups de soleil bénéfiques pour le bronzage, baignade comme remède contre les brûlures… Chaque été, les idées reçues sur l’exposition à l’astre du jour perdurent en dépit de la réalité scientifique.

Face aux tendances inquiétantes diffusées dans des vidéos sur les réseaux sociaux incitant à s’exposer au soleil sans protection pour mieux afficher ses traces de bronzage, le ministre de la santé, Yannick Neuder, a alerté la population au milieu de l’été. « “Sun-tattoo”, “burn-lines”, “tan-lines”… Ne sacrifiez pas votre peau pour trente secondes de buzz », a-t-il mis en garde dans une vidéo sur Instagram publiée le 28 juillet. « S’exposer au soleil sans crème ni aucune protection, parfois même avec des huiles ou du monoï, se faire un tatouage éphémère sur la peau en prenant un coup de soleil : il faut arrêter tout ça, c’est très dangereux », insistait-il.
Chaque année, entre 140 000 et 245 000 cancers de la peau sont diagnostiqués en France, dont 85 % en raison d’une exposition excessive aux ultraviolets (UV). Alors que les dangers liés à l’exposition solaire sont un enjeu majeur de santé publique, la professeure Caroline Robert, cheffe du service de dermatologie du centre Gustave-Roussy, passe en revue quelques idées reçues sur le bronzage et les effets du soleil sur notre corps.
« Les coups de soleil permettent de mieux bronzer par la suite »
Prendre un coup de soleil n’est jamais une bonne chose : il s’agit d’une inflammation de la peau due à une exposition trop longue ou trop intense aux rayons UV. Exposé aux UVB – qui composent 95 % des rayons UV émis par le soleil atteignant la surface de la Terre –, le corps produit, pour se défendre, de la mélanine : un pigment qui, en plus de colorer la peau (entre quarante-huit et soixante-douze heures après l’exposition), absorbe et renvoie les rayons. Le bronzage est une réaction de défense à l’agression du soleil. Mais au-delà d’un certain seuil d’exposition (qui varie selon les types de peaux), les UVB brûlent l’épiderme et entraînent des lésions et mutations de l’ADN de ses cellules : il s’agit du coup de soleil.
« Quand on prend un coup de soleil et qu’on pèle, ça ne permet pas de mieux bronzer par la suite, c’est tout à fait faux », insiste Caroline Robert. La peau va peler, car l’épiderme est détruit, puis reprendre une teinte plus claire. Plus tard, des taches de pigmentations permanentes peuvent apparaître sur ces zones brûlées. « Il faut absolument éviter les coups de soleil : même dans l’enfance, ce sont des facteurs de risque de cancer de la peau plus tard », met-elle en garde.
Le bronzage en cabine par UV artificiels ne prépare pas non plus la peau au soleil. Fortement déconseillée, mais pas interdite par les autorités sanitaires, cette pratique augmente le risque de cancer cutané. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire, les personnes ayant eu recours au moins une fois aux cabines de bronzage avant 35 ans augmentent de 59 % le risque de développer un mélanome, le cancer de la peau le plus grave.
« Les peaux mates ou noires n’ont pas besoin de se protéger »
Peu importe leur teinte, toutes les peaux doivent être protégées. Mais en fonction de leur pigmentation, les peaux ne réagissent pas de la même manière aux rayons UV. Les personnes mates ou noires ont un taux de mélanine plus élevé et une mélanine plus foncée et plus protectrice, ce qui leur permet de mieux encaisser les rayons du soleil.
« Plus notre peau est pigmentée, plus on est protégé, résume Caroline Robert. Les personnes qui ont la peau mate ou noire prennent beaucoup moins de coups de soleil et ont beaucoup moins de cancers de la peau que les gens qui ont la peau claire. »
Bien que naturellement plus résistantes aux dégâts du soleil, elles ne sont pas non plus à l’abri ni des coups de soleil ni du cancer de la peau. Il leur est également vivement conseillé de la protéger pour éviter de l’abîmer ou qu’elle vieillisse prématurément.
La dermatologue concède, par ailleurs, que les personnes blanches dont la peau a bronzé sont mieux armées face aux coups de soleil. Mais elle alerte sur les autres risques liés à une trop forte exposition : « Même si on est bronzé, les UV peuvent faire des dégâts sur l’ADN des cellules cutanées et créer des cancers. » Il est donc conseillé de protéger sa peau avec une bonne couche de crème solaire ou, encore mieux, avec des vêtements avant de s’exposer.
« La crème solaire à haute protection permet de s’exposer sans risque et elle empêche de bronzer »
Théoriquement, utiliser une crème solaire affichant un indice de protection SPF (« sun protector factor », facteur de protection solaire) supérieur à 30 ne pose pas de problème. En pratique, elle est cependant souvent mal appliquée. « On s’est aperçu qu’en moyenne les gens mettaient quatre fois moins de crème solaire que nécessaire », alerte Caroline Robert, qui a mené des tests à grande échelle.
Les indices de protection sont calculés avec des applications de 2 milligrammes de crème par centimètre carré de peau lors des tests en laboratoire. Avec une surface de peau moyenne de 1,5 à 2 mètres carrés pour un adulte, il faudrait étaler entre 30 et 35 millilitres de crème pour être bien protégé, soit près du quart d’un tube standard de 150 millilitres. Caroline Robert rappelle en outre qu’il est fortement déconseillé, voire « dangereux », d’utiliser les crèmes solaires douze mois après l’ouverture du flacon puisque « leur efficacité se dégrade ».
Pour s’y retrouver, les scientifiques du centre Gustave-Roussy recommandent d’appliquer l’équivalent de deux cuillères à café de crème pour le visage, la même dose pour les bras et le cou, et deux cuillères à soupe pour tout le reste du corps. Même avec un indice 50 +, il est conseillé de ne pas s’exposer entre midi et 16 heures et de renouveler l’application toutes les deux heures et après une baignade ou une activité sportive, en raison de la transpiration.
« Il ne faut pas avoir une confiance absolue dans les crèmes, car on oublie souvent des zones : derrière les oreilles, le dos des pieds, le dos des mains, l’arrière des bras et surtout le cuir chevelu, là où il n’y a pas de cheveux. On voit de plus en plus d’hommes avec des cancers de la peau du cuir chevelu », insiste Caroline Robert. « Un vêtement en coton, un chapeau, c’est nettement plus efficace qu’une crème solaire », souligne la cheffe du service de dermatologie à Gustave-Roussy.
« A l’ombre ou sous l’eau, on est protégé des UV »
Le soleil n’envoie pas ses rayons qu’en ligne droite. Certes, le parasol protège plutôt bien : il bloque 95 % des rayons UV qui le frappent, selon une étude de chercheurs espagnols publiée en 2010. En revanche, même sous un parasol, on est exposés aux rayons diffus, qui rebondissent sur le sable, sur l’eau et même sur les planches de surf. Selon cette étude, 34 % des rayons diffus environnant le parasol parviennent à atteindre la peau. Même s’ils « n’abritent pas à 100 % », Caroline Robert conseille vivement l’usage des parasols.
L’eau de la piscine ou de la plage n’empêche pas les coups de soleil. « Quand on nage, le coup de soleil dans le dos, c’est le classique », alerte par ailleurs la dermatologue, qui précise que la crème solaire est souvent mal appliquée sur cette partie du corps quand on est seul. « Demander à quelqu’un de vous mettre de la crème dans le dos est une bonne façon de faire connaissance », sourit Caroline Robert.
[Source: Le Monde]