L’ancien président brésilien Jair Bolsonaro condamné à vingt-sept ans de prison pour tentative de coup d’Etat
L’ex-dirigeant d’extrême droite a été reconnu coupable d’avoir été le chef d’une « organisation criminelle » ayant conspiré pour assurer son « maintien autoritaire au pouvoir » malgré sa défaite en 2022. Sa défense va déposer des recours, « y compris au niveau international ».
L’ancien président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro (2018-2022), 70 ans, a été condamné, jeudi 11 septembre, à vingt-sept ans et trois mois de prison pour tentative de coup d’Etat. Cinquième et dernier magistrat à s’exprimer, Cristiano Zanin a estimé que l’ancien chef de l’Etat avait participé à une « organisation criminelle armée », ce qui a porté à quatre juges sur cinq la décision en faveur d’une condamnation au sein du Tribunal suprême fédéral.
Jair Bolsonaro a été reconnu coupable d’avoir été le chef d’une « organisation criminelle » ayant conspiré pour assurer son « maintien autoritaire au pouvoir » malgré sa défaite face au président actuel de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva, lors de l’élection de 2022. L’ancien dirigeant, qui clame son innocence, risquait jusqu’à plus de quarante ans de prison.
Inéligible jusqu’en 2030 et assigné à résidence à Brasilia depuis début août pour des soupçons d’entrave à son procès, Jair Bolsonaro n’était pas présent aux audiences, pour motif de santé, selon sa défense. Un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP) a pu l’apercevoir, jeudi matin, dans son jardin, vêtu d’un polo vert et d’un pantalon sombre, en compagnie d’un proche.
« Ils appellent cela un procès alors que tout le monde connaissait le résultat avant même que cela commence », a réagi, sur le réseau social X, le fils aîné de l’ex-président, Flavio Bolsonaro, qui a fustigé une « suprême persécution ».
« La défense [de M. Bolsonaro] considère que les peines prononcées sont incroyablement excessives et disproportionnées et, après avoir analysé les termes de l’arrêt, elle déposera les recours appropriés, y compris au niveau international », a fait savoir un communiqué publié sur le réseau social X par Fabio Wajngarten, collaborateur de l’ancien chef d’Etat.
Crise avec les Etats-Unis
Le procès a divisé fortement une opinion ultra-polarisée, y compris dans la capitale, Brasilia. L’affaire Bolsonaro est aussi à l’origine d’une crise sans précédent entre la première puissance d’Amérique latine et les Etats-Unis.
Donald Trump a rapidement qualifié de « très surprenante » cette condamnation. « Ça ressemble vraiment à ce qu’ils ont essayé de faire avec moi », a accusé le président américain lors d’un échange avec la presse, en référence à ses propres déboires judiciaires passés. « Je l’ai connu comme président du Brésil. C’était un homme bien », a ajouté le locataire de la Maison Blanche. Dénonçant depuis longtemps une « chasse aux sorcières » contre son allié d’extrême droite, le républicain a imposé une surtaxe punitive de 50 % sur une part importante des exportations brésiliennes. Les Etats-Unis ont également annulé les visas de plusieurs juges du Tribunal suprême fédéral brésilien et infligé des sanctions financières à l’un d’entre eux, Alexandre de Moraes, rapporteur du procès Bolsonaro.
Le juge Moraes a été le premier à voter mardi pour la condamnation de l’ex-président, affirmant que le Brésil avait « failli redevenir une dictature » lors du supposé putsch manqué.
« Les persécutions politiques menées par Alexandre de Moraes, sanctionné [aux Etats-Unis] pour ses violations des droits humains, se poursuivent, lui et d’autres membres de la Cour suprême du Brésil ayant injustement décidé d’emprisonner Jair Bolsonaro », a réagi le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, sur X, promettant de « répondre en conséquence » à cette condamnation qualifiée, une nouvelle fois, de « chasse aux sorcières ».
« Les menaces » comme celle du secrétaire d’Etat américain « n’intimideront pas notre démocratie », a répondu la diplomatie brésilienne sur le réseau social X, promettant que les autorités défendraient « la souveraineté du pays face aux agressions et tentatives d’ingérence ».
Un seul juge en faveur de la relaxe
Lors du procès, Flavio Dino, ancien ministre de la justice de Lula, qui a voté pour une condamnation, a estimé que les infractions jugées contre Jair Bolsonaro « ne sont pas susceptibles d’amnistie ». Un avertissement remarqué alors que le courant conservateur tente de faire approuver au Parlement une loi d’amnistie au bénéfice de son leader.
Avec déjà en tête de possibles recours contre une condamnation, le camp de l’ancien chef de l’Etat avait célébré, mercredi, le vote du troisième magistrat, Luiz Fux. Développant une démonstration de plus de onze heures, ce dernier a été le seul à voter pour la relaxe de M. Bolsonaro. Il a démonté le dossier, dénoncé un manque de preuves et soutenu que le complot évoqué n’a jamais dépassé la « phase préparatoire ». L’argumentaire a provoqué la colère de Lula, qui a déclaré sur le média local Band que « Bolsonaro a tenté de mener un coup d’Etat dans ce pays ». « Il y a des dizaines, des centaines de preuves », a-t-il lancé.
Jair Bolsonaro était jugé avec sept anciens proches collaborateurs, dont plusieurs ex-ministres et généraux. C’est la première fois qu’un ancien chef de l’Etat devait répondre de telles accusations, dans un pays encore hanté par le souvenir de la dictature militaire (1964-1985).
[Source: Le Monde]