Ibtissame Betty Lachgar, condamnée pour "atteinte à l'islam" au Maroc: sa peine de prison confirmée en appel

n tribunal de Rabat qui jugeait en appel Ibtissame Lachgar pour "atteinte à l’islam" a confirmé la peine de deux ans et demi de prison prononcée en première instance début septembre. Affaiblie et malade, la militante marocaine pour les droits des femmes et LGBTQ est détenue en prison depuis deux mois. Ses avocats vont demander un aménagement de peine et se pourvoir en Cassation.

Oct 7, 2025 - 09:39
Ibtissame Betty Lachgar, condamnée pour "atteinte à l'islam" au Maroc: sa peine de prison confirmée en appel
Sur un mur dans le centre-ville d'Avignon en France, un collectif féministe a réalisé un collage en soutien à la militante marocaine Betty Lachgar, condamnée à 2 ans et demi de prison pour "atteinte à la religion". Capture d'écran

En novembre 2024, Betty Lachgar était venue en France pour soutenir Gisèle Pelicot devant le tribunal d’Avignon, lors du procès des viols de Mazan. Un an plus tard, son procès en appel à Rabat tombe le même jour où débute le "deuxième" procès sur l'affaire Pelicot, à Nîmes. 

Si la seconde est aujourd'hui considérée comme une icône féministe, la première est une militante féministe de longue date. Emprisonnée depuis trois mois, elle est placée à l'isolement dans une prison de Rabat au Maroc.

Son crime ? Avoir posté fin juillet sur les réseaux sociaux une photo d'elle vêtue d'un t-shirt où apparaissait le mot "Allah" ("Dieu") suivi de la phrase "is lesbian" ("est lesbienne"). Un geste jugé "offensant envers Dieu" selon la justice marocaine, qui l'a condamnée en première instance à deux ans et demi de prison.

Une peine confirmée lundi 6 octobre par un tribunal de Rabat où elle comparaissait en appel, rapporte un journaliste de l'AFP sur place.

"Injustice totale"

La défense va formuler une "demande d’aménagement de peine" pour transformer la peine de prison "en peine alternative" ainsi qu’un pourvoi en Cassation, a indiqué l’une des avocates de la défense, Me Ghizlane Mamouni.

"Injustice totale", dénonce de son côté Siham, la soeur de Betty Lachgar, jointe par Terriennes. "Elle se bat depuis tant d'années pour les libertés individuelles en France et ailleurs mais aussi et surtout au Maroc, son pays, qui la condamne aujourd'hui!", s'insurge-t-elle. "Je suis plus qu'inquiète pour son état physique et mentale, encore plus vu ses conditions de détention", ajoute-t-elle.

Un slogan féministe bien connu

En septembre, lors de l'audience devant le tribunal de première instance de Rabat, Ibtissame Betty Lachgar expliquait que son t-shirt reprenait "un slogan féministe qui existe depuis des années contre les idéologies sexistes et les violences faites aux femmes (...) et n'a aucun rapport avec l'islam".

Elle a aussi précisé au juge qu'elle avait déjà posté cette même photo sur Internet, notamment en mai 2025, sans qu'elle ne suscite de réactions, et qu'elle n'a porté ce vêtement que lors de manifestations féministes en Europe ou au Royaume-Uni.

A sa condamnation à 30 mois de prison ferme, s'ajoute une amende de 50.000 dirhams marocains, soit environ 5.000 euros.

L'image de la militante vêtue du t-shirt en question était accompagnée sur les réseaux sociaux d'un texte qualifiant l'islam, "comme toute idéologie religieuse", de "fasciste, phallocrate et misogyne".

Cette publication a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux, allant des appels à son arrestation à des menaces de viol et de lapidation

"Verdict choquant"

"C'est un verdict choquant", "ce procès est une atteinte à la liberté d'expression",a déclaré à l'AFP Hakim Sikouk, président de l'Association marocaine des droits humains (AMDH).

L'un de ses avocats a rappelé, dans sa plaidoirie, qu'Ibtissame Lachgar avait déjà été entendue en 2022 par la police au sujet de cette même photo, sans qu'aucune poursuite ne soit engagée.

Le représentant du parquet a toutefois requis une condamnation selon les dispositions prévues dans l'article 267-5 du Code pénal marocain, qui punit de six mois à deux ans de prison ferme "quiconque porte atteinte à la religion islamique". 

La peine est susceptible d'être portée à cinq ans d'emprisonnement si l'infraction est commise en public, "y compris par voie électronique".

"Nous considérons que l'arrestation d'Ibtissame Lachgar par les autorités est arbitraire, car elle n'a fait que publier un simple message exprimant une opinion particulière, sans violence ni incitation", a estimé Me Sikouk.

Betty Lachgar en appel

Ibtissame Betty Lachgar a été arrêtée et condamnée par la justice marocaine pour "atteinte à la religion".

Défenseuse des droits et des libertés

Psychologue clinicienne, Ibtissame Betty Lachgar a cofondé en 2009 le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI). Elle a mené plusieurs campagnes médiatisées notamment contre les violences faites aux femmes et la pédocriminalité.

Par le passé, son militantisme lui a valu plusieurs démêlés avec les autorités, notamment en 2016 et 2018 mais sans jamais donner lieu à des poursuites.

L'ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé les autorités marocaines à "annuler d'urgence" la peine de 30 mois de prison de la militante féministe, en dénonçant une atteinte à la liberté d'expression.

Le 30 septembre dernier, en France, le collectif féministe Les Amazones d’Avignon ont réalisé un collage de soutien de plus de trois mètres de haut dans le centre-ville d’Avignon. Il représente Betty Ibtissame Lachgar Lachgar devant le texte intégral de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

[Source: TV5Monde]