Sahara occidental : le Maroc obtient une victoire diplomatique à l’ONU

Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, vendredi, une résolution reconnaissant le plan d’autonomie de Rabat comme la référence principale d’une recherche de solution à un conflit qui empoisonne la géopolitique du Maghreb.

Nov 2, 2025 - 13:25
Sahara occidental : le Maroc obtient une victoire diplomatique à l’ONU
A Dakhla, dans le Sahara occidental contesté, principalement contrôlé par le Maroc, le 26 mai 2025. ABDEL MAJID BZIOUAT/AFP

Le Maroc a obtenu une victoire diplomatique, sinon éclatante, du moins significative, vendredi 31 octobre, lors du vote au Conseil de sécurité des Nations unies d’une résolution sur le Sahara occidental. Adopté par 11 voix pour, aucune contre et 3 abstentions (Russie, Chine et Pakistan) – l’Algérie ayant refusé de participer au vote –, le texte, parrainé par les Etats-Unis et activement soutenu par la France, valide le plan d’autonomie de Rabat sur le territoire – revendiqué concurremment par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario – comme une référence centrale dans la recherche d’une solution à ce conflit qui empoisonne la géopolitique du Maghreb depuis un demi-siècle.

L’objet formel de la réunion du Conseil de sécurité était de reconduire le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), qui expirait le 31 octobre. L’exercice de renouvellement annuel est rituel depuis la création de la mission, en 1991. Cette année, pourtant, il avait pris une dimension très particulière, car l’occasion était fournie aux amis du Maroc au sein du Conseil de sécurité – Etats-Unis, France et Royaume-Uni – de tenter de redéfinir les termes d’un possible règlement du conflit dans un sens favorable aux thèses de Rabat.

Depuis 2020, une nouvelle dynamique géopolitique s’est enclenchée avec une cascade de reconnaissances sur la scène internationale de la centralité du plan marocain d’autonomie comme base de solution. Déclenché par Donald Trump à la fin de son premier mandat, le mouvement de ralliements – plus ou moins explicites – aux thèses du royaume chérifien a embarqué dans son sillage l’Espagne, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, entre autres pays.

Aussi le contexte a-t-il été perçu comme mûr parmi les principaux alliés du Maroc pour tenter d’inscrire cette nouvelle donne dans le corpus juridique des Nations unies, lequel faisait jusqu’alors la part belle à la doctrine du droit à l’autodétermination qui fondait la revendication du Front Polisario.

A l’aune de cette ambition, le vote de vendredi à New York peut être considéré comme un tournant. En effet, la résolution adoptée appelle à des négociations « prenant pour base » le plan marocain, précisant même qu’une« autonomie authentique [du Sahara occidental] pourrait représenter la solution la plus praticable ».

Résistance coriace des Algériens

Aucune résolution du Conseil de sécurité n’avait jamais présenté l’autonomie comme la référence principale, sinon exclusive, d’une recherche de règlement du conflit dans cette ancienne colonie espagnole que Madrid avait quittée en 1976, dans la confusion du crépuscule franquiste. De ce point de vue, le tropisme promarocain a prévalu à New York.

Toutefois, à Rabat, la satisfaction n’est pas totale. Car la version initiale de la résolution rédigée à l’initiative des Américains était bien plus favorable à ses intérêts. En butte à la résistance coriace des Algériens, et soucieuse de désamorcer le risque d’un veto russe, voire chinois, la diplomatie américaine a dû notablement édulcorer sa première mouture.

Alors que les mentions du plan d’autonomie marocain inondaient les paragraphes (six occurrences), elles se sont faites moins envahissantes dans la version finale (quatre occurrences). Autre concession, l’autonomie marocaine n’est plus présentée comme la « solution la plus praticable », la formule finale recourant au conditionnel pour en atténuer le caractère exclusif : elle « pourrait représenter la solution la plus praticable ».

Au fil des discussions préalables au vote, l’édulcoration des vertus imputées au plan d’autonomie marocain est allée de pair avec une meilleure prise en compte de la revendication du Front Polisario. Ainsi, la référence au droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental a gagné en visibilité au gré des amendements. Autre geste consenti par les Américains : le mandat de la Minurso – auquel le Front Polisario tenait – sera renouvelé d’un an au lieu des trois mois envisagés d’abord par une administration Trump allergique aux agences onusiennes.

« Passage en force des Etats-Unis »

« On a effeuillé l’artichaut, mais c’était pour en garder le cœur », commente un acteur international ayant eu connaissance des tractations à New York. De fait, le plan d’autonomie marocain conserve une forme de centralité, et ce d’autant plus que la traditionnelle mention du plan déposé par le Front Polisario, le 10 avril 2007, a disparu, augmentant de facto l’impression que la vision de Rabat était plus opérationnelle.

D’où la réaction de dépit manifestée par le mouvement indépendantiste sahraoui. Peu après le vote, le Front Polisario a de nouveau fait savoir qu’il « ne participera à aucun processus politique ou négociation fondé sur des propositions visant à légitimer l’occupation militaire illégale du Sahara occidental ». « La résolution reste déséquilibrée en faveur de la position du Maroc, malgré les amendements qui y ont été apportés », déplore un cadre de l’organisation, qui dit regretter le « passage en force des Etats-Unis ».

La grande question est de savoir si cette implication nouvelle des Américains dans ce dossier du Sahara occidental va réellement permettre d’éclaircir l’horizon stratégique régional. Au-delà du contentieux sahraoui, l’administration Trump n’a, en effet, pas fait mystère de sa volonté de parvenir à un « accord de paix entre l’Algérie et le Maroc dans les soixante jours », selon les propos tenus, vendredi 24 octobre, par Steve Witkoff, l’envoyé spécial du président des Etats-Unis pour le Moyen-Orient.

Quelques jours plus tard, Massad Boulos, le conseiller de Donald Trump pour les affaires arabes et africaines, abondait dans ce sens : « Lorsqu’il y aura un règlement durable de la question du Sahara, le règlement du différend entre l’Algérie et le Maroc deviendra beaucoup plus facile. » La question renvoie au lien entre les deux dossiers et, au-delà, à la relation entre l’Algérie et le Front Polisario, alliés sur le papier mais dont les intérêts ne se recoupent pas systématiquement.

De récentes déclarations du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, ont pu laisser penser qu’il prenait « ses distances avec le Polisario, ce qui pourrait être interprété comme une tentative de l’Algérie de conclure un accord avec les Etats-Unis et le Maroc, sans lien avec le Sahara occidental », observe Hugh Lovatt, chercheur au cercle de réflexion European Council on Foreign Relations. Toutefois, la méthode américaine soulève, là comme ailleurs, bien des interrogations. « Le problème, ajoute M. Lovatt, c’est qu’en imposant de force la proposition d’autonomie au Polisario au Conseil de sécurité, les Etats-Unis risquent de compromettre les chances d’une diplomatie efficace au Sahara occidental. »

Suite au vote de vendredi, la prochaine étape du processus politique en cours devrait être la mise à jour du plan marocain détaillant le « statut d’autonomie de la région du Sahara », un document de cinq pages inchangé depuis qu’il a été remis à l’ONU, le 13 avril 2007. Dans un discours télévisé, vendredi soir, le roi Mohammed VI a indiqué que « le Maroc procédera à [son] actualisation et à [sa] formulation détaillée en vue d’une soumission ultérieure aux Nations Unies », affirmant qu’il « devra constituer la seule base de négociation ».

[Source: Le Monde]