A Nîmes, la venue de Jordan Bardella crée des tensions

Une centaine de personnes se sont réunies dimanche pour protester contre la séance de dédicaces du président du Rassemblement national dans un café du centre-ville.

Nov 3, 2025 - 13:57
A Nîmes, la venue de Jordan Bardella crée des tensions
Lors du lancement du livre de Jordan Bardella « Ce que veulent les Français », au Théâtre Marigny, à Paris, le 28 octobre 2025. CYRIL BITTON/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

D’un côté, face aux arènes, ils reprennent en chœur La Marseillaise et alternent avec des refrains « On est chez nous »ou « Cassez-vous », en agitant quelques drapeaux tricolores. De l’autre côté, à 50 mètres de là, des manifestants de gauche répondent par « La jeunesse emmerde le Front national », et « Bardella, casse-toi, les Nîmois ne veulent pas de toi ». Et quelques minutes tard, deux personnes déploient à partir des arènes une banderole contre Jordan Bardella, provoquant des sifflets et insultes en tous genres de la part des sympathisants du Rassemblement national (RN). Ambiance.

La venue à Nîmes, dimanche 2 novembre dans un café du centre-ville, du président du Rassemblement national, pour une séance de dédicaces de son livre Ce que veulent les Français (Fayard, 400 pages, 23,90 euros), a suscité quelques instants de tensions. Alors qu’à l’intérieur du café il signe en moyenne « 150 livres par heure », selon sa garde rapprochée, et se prête au jeu des selfies, à l’extérieur les forces de l’ordre forment un cordon, à plus de 100 mètres des lieux, pour repousser les opposants du RN, une centaine de personnes. « On ne veut pas de ce parti, ni à Nîmes ni ailleurs », scandent deux jeunes femmes, refoulées d’une terrasse de café par les CRS, et « dépitées d’observer ce spectacle » : la présence de plusieurs centaines de Gardois – des jeunes, des familles, des personnes âgées – qui patientent pour obtenir une dédicace de Jordan Bardella. Et celle de nombreux militants RN, téléphone portable en main pour « alimenter les réseaux sociaux », explique un jeune homme.

Parmi les sympathisants, Ingrid (qui n’a pas souhaité donner son nom), dans sa tenue tricolore « portée par respect pour les valeurs françaises », ou encore Lola Levezac, une Nîmoise de 23 ans, impatiente de faire dédicacer son livre. Elle se sent des points communs avec le leader d’extrême droite. Née dans une famille de sept enfants, elle a grandi dans un quartier à proximité « des cités de Nîmes, où règne l’insécurité, souligne-t-elle. Comme Bardella, pour moi ce n’était pas toujours facile. Lui, il est près du peuple, il sait ce que c’est de devoir faire ses preuves. » Attablées, Cathy Julian, 77 ans, et Zoé Dizay, 25 ans, viennent de se faire signer le livre, qu’elles présentent avec fierté. Elles adhèrent complètement aux valeurs du RN. « Les Français d’abord, la sécurité d’abord », explique la plus jeune. Cathy Julian, qui a vécu à Saint-Gilles, une commune du Gard située à 30 kilomètres de Nîmes, et la première de France à avoir élu un maire d’extrême droite, en garde « un souvenir incroyable ». Pour elle, aucun doute : « Bardella est le seul capable de relever la France. »

« Le RN se nourrit de la misère »

Plus tôt dans la journée, près de 200 personnes s’étaient retrouvées au Prolé, historique bar communiste de la ville, et quartier général des partis de gauche, sur une initiative de Denis Lanoy, le responsable de la section nîmoise du Parti communiste français. « On doit faire face au RN. Il faut que nous additionnions nos nuances et nos forces pour éviter que le Rassemblement national ne gagne les prochaines échéances électorales, quelles qu’elles soient », répète le communiste. Tour à tour au micro, 16 organisations, partis politiques ou associations ont pris la parole pour dénoncer la politique du parti d’extrême droite : « le danger qu’il représente pour les femmes et les minorités », « leurs votes contre les salaires, les retraites, les droits sociaux, la taxation des superprofits » ou encore « contre l’écologie ».

Dans le public, une poignée de jeunes, lycéens et étudiants, membres du Mouvement des jeunes communistes, participent à ce rendez-vous avant de rejoindre un deuxième rassemblement pacifiste, porté cette fois par le collectif intersyndical Visa 30 (Vigilance et initiatives syndicales antifascistes). Sur le parvis de l’église Saint-Paul, 200 personnes sont rassemblées à 13 heures, arborant des pancartes contre « un parti raciste et pétainiste ». La chorale des Soulèvements de la Terre entonne quelques chansons. Frédéric Fernandez, l’un des organisateurs, veut sensibiliser, à quelques mois des élections municipales, le plus grand nombre, notamment les salariés, dans un département où les six circonscriptions ont été remportées par le RN en 2024. « Le RN se nourrit de la désindustrialisation et de la misère. Il ne va pas dans le sens des chômeurs, ni des salariés. »

Présente au Prolé, Laurence Lombardi, psychothérapeute de 70 ans, a elle aussi choisi de rejoindre cette manifestation. En chemin, la Gardoise ne cache pas sa colère en observant la longue file se former le long des arènes. Plus d’une heure avant l’arrivée de Jordan Bardella, plusieurs centaines de personnes patientaient déjà, livre en main. « Je suis une militante de longue date et je suis désespérée de voir autant de monde, désespérée par l’idéologie que défend le Rassemblement national et à laquelle tant de monde adhère… La base culturelle sur laquelle reposent leurs pensées ne mène qu’à la guerre », dit-elle. Mais elle s’interroge aussi sur la forme de cette mobilisation : « Je nous trouve mollassons, il faudrait qu’on parvienne à être plus inventifs pour lutter tous ensemble contre le RN. » En fin d’après-midi, à la nuit tombante, les militants de gauche avaient quitté les lieux.

[Source: Le Monde]