Marine Le Pen défend Caroline Parmentier, vice-présidente du groupe RN à l’Assemblée, critiquée pour des écrits racistes, haineux et antiavortement

L’amie de longue date de la leader du RN voit ses articles rédigés lorsqu’elle travaillait pour un journal d’extrême droite refaire surface. Le parti fait bloc autour d’elle.

Juin 21, 2025 - 05:13
Marine Le Pen défend Caroline Parmentier, vice-présidente du groupe RN à l’Assemblée, critiquée pour des écrits racistes, haineux et antiavortement
La députée (Rassemblement national) du Pas-de-Calais, Caroline Parmentier, à l’Assemblée nationale, le 21 janvier 2025. BERTRAND GUAY/AFP

Peut-on avoir rendu hommage au maréchal Pétain en 2018 et bénéficier du soutien indéfectible du Rassemblement national (RN) ? La réponse est oui, à en croire le cas de la députée du Pas-de-Calais, Caroline Parmentier. Depuis que Mediapart a exhumé, le 16 juin, plusieurs articles signés de sa main à connotation homophobe, raciste, antisémite ou célébrant des collaborationnistes, les dirigeants du parti d’extrême droite font bloc derrière leur camarade. « Ça peut être une fierté pour moi de me dire que j’ai arraché un certain nombre de personnes à ces pensées-là », ose même Marine Le Pen, jeudi 19 juin, en marge d’une visite au salon du Bourget, avant d’évacuer : « Les Français sont à des kilomètres de ces histoires-là. »

La dirigeante d’extrême droite aimerait bien enterrer cette affaire dont la protagoniste est l’une de ses plus proches collaboratrices. Responsable presse du RN pendant les campagnes des européennes de 2019 et de la présidentielle de 2022, Mme Parmentier est devenue la vice-présidente du groupe à l’Assemblée nationale le 6 juillet 2022, à la suite de son élection le 19 juin comme députée. Une amie, surtout, de la fille de Jean-Marie Le Pen, qu’elle côtoie depuis ses 25 ans et leur rencontre en 1993 à une fête « Bleu-blanc-rouge », le grand raout annuel du parti, à l’époque du Front national (renommé RN depuis 2018).

Pendant trente et un ans, elle a été également l’une des plumes du quotidien Présent, le journal des catholiques traditionalistes, dont elle fut la rédactrice en chef dans les années 2010. Elle y étale sa haine des LGBT+, de l’avortement, des immigrés, des gens du voyage… Sous son stylo, Simone Veil devient « la grosse, celle de la loi qui porte son nom et qui génocide 220 000 petits innocents par an » ; l’homosexualité est tenue pour « principal vecteur du sida » ; l’écrivain collaborationniste Robert Brasillach qualifié de « héros ». Elle dénonce aussi le « lobby juif » ou les « supporteurs babouins » de l’équipe de France de football.

Invitée de l’émission « Les Grandes Gueules » sur RMC, le 20 juin, Mme Le Pen s’est faussement interrogée : « Est-ce que je dois aujourd’hui, pour quelqu’un qui a changé d’avis, aller la condamner pour un propos d’il y a trente ans ? »Mediapart a pourtant révélé que Mme Parmentier avait tenu des propos du même acabit jusqu’en 2018, date de ses derniers messages sur Facebook en tant que rédactrice en chef de Présent et de son embauche au RN. Sur le réseau social, elle se félicite d’avoir fait « la seule une de toute la presse (…) pour défendre le maréchal Pétain ». La même année, elle soutient les néonazis impliqués dans l’assassinat de Clément Méric, militant antifasciste mort lors d’une rixe en 2013, au lendemain de leur jugement : « Nous, on ne les lâche pas. »

« Obsessions délétères »

« Si elle a accepté de rejoindre le RN, c’est sur notre ligne à nous et pas sur ce qu’elle écrivait dans Présent », tente de déminer le président du parti, Jordan Bardella, qui accompagnait Mme Le Pen au salon du Bourget. Sur X, les collègues de Mme Parmentier montent au créneau pour la défendre. « On soutient notre Caroline nationale ! », s’enflamme le député Pierre Meurin (Gard), à l’unisson de sa collègue Sophie Blanc (Pyrénées-Orientales) qui dénonce une « cabale »et une « tentative d’intimidation ». « Tout mon soutien chère Caroline face à cette injustice », renchérit le député Christophe Bentz (Haute-Marne), un ancien militant anti-IVG, qui qualifiait l’avortement de « génocide de masse », en marge d’une Marche pour la vie en 2011. Depuis, le secrétaire général du groupe RN à l’Assemblée nationale, Renaud Labaye, a enjoint à ses ouailles de garder le silence afin de ne pas alimenter l’affaire.

Mme Le Pen pouvait-elle ignorer les écrits de Mme Parmentier ? Elle était en tout cas bien au fait de ligne éditoriale pétainiste, antisémite, raciste et homophobe de Présent, dont son amie était l’un des piliers au moment où elle l’a débauchée en 2018 pour rejoindre l’équipe réduite qui l’accompagne. « Présent était à l’opposé de la pensée qui était la mienne », affirme aujourd’hui la triple candidate à la présidentielle, fustigeant les « obsessions délétères » du quotidien.

Mais la ligne éditoriale du journal dirigée par Mme Parmentier – dont la caricaturiste vedette, Chard, a été lauréate, contre son gré, d’un concours de caricatures sur l’Holocauste en Iran en 2006 – n’a pas été jugée disqualifiante par Mme Le Pen pour la dissuader de la recruter. « Si tant est que ce soit disqualifiant, je considère qu’il existe la prescription », insiste un conseiller de la dirigeante du RN qui tient à rappeler le rôle de Mme Parmentier dans la « normalisation » des relations du parti d’extrême droite avec les journalistes.

Echange de bons procédés

Lorsqu’elle la recrute autour d’un repas, Mme Le Pen investit Mme Parmentier d’une mission : amadouer la presse en vue de l’élection présidentielle 2022. « Plus on parle bien à la presse, plus la presse nous parle bien », résumait-elle au sujet de son rôle dans une interview au magazine Causeur. Elle se montre en réalité revêche avec les médias qui continuent de situer sa candidate à l’extrême droite, et doucereuse avec ceux qui cèdent aux éléments de langage du RN.

Son embauche dans l’équipe de campagne tient aussi de l’échange de bons procédés. A son arrivée à la tête de Présent, Mme Parmentier insuffle un tournant « mariniste » au journal. Auparavant, la position de Mme Le Pen sur l’IVG était rédhibitoire pour le journal national-catholique. Sous la rédaction en chef de Mme Parmentier, Présent ira même jusqu’à faire campagne pour la fille de Jean-Marie Le Pen à la présidentielle de 2017, quitte à entraîner sa rédaction dans un conflit qui participera à sa faillite.

« Elle nous a défendus, Marine et moi. C’est devenu une amie », racontait en 2022, Louis Aliot, le maire de Perpignan. Elle se voit récompensée par un point de chute au RN à la fin de l’année 2018, alors que Présent est au bord de la banqueroute – le quotidien fermera définitivement en 2022. Forte de sa proximité avec Mme Le Pen, la Parisienne, qui réside dans les quartiers ouest de la capitale, est ensuite parachutée à sa demande dans la très favorable 9circonscription du Pas-de-Calais où elle est élue en 2022. Un nouveau gage de fidélité pour celle dont l’amitié avec Mme Le Pen est un totem d’immunité.

[Source: Le Monde]