Xi Jinping, le président chinois, au centre de son monde

Très entouré, le chef d’Etat chinois savoure une séquence qui le place au centre du monde et promeut sa vision d’un rééquilibrage de l’ordre international, face à une puissance américaine devenue imprévisible.

Sep 3, 2025 - 13:37
Xi Jinping, le président chinois, au centre de son monde
Le président chinois Xi Jinping (au centre), le président russe Vladimir Poutine (à sa droite) et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un (à sa gauche), à Pékin, le 3 septembre 2025. Photo publiée par l’agence de presse Xinhua. SHEN HONG/XINHUA NEWS AGENCY VIA AP

En diplomatie, les images ont un sens. En l’espace de quatre jours, le président chinois, Xi Jinping, a rassemblé autour de lui une trentaine de dirigeants qui, tous, en posant à ses côtés, s’associent à son discours sur le rééquilibrage de l’ordre mondial. Xi se place au centre, positionnant la Chine comme puissance mondiale assumée, et reconnue.

Lorsque, mercredi 3 septembre, il a remonté l’avenue de la Paix-Eternelle, à Pékin, pour passer en revue les 45 divisions qui défilaient, il l’a fait sous le regard approbateur du maître du Kremlin, Vladimir Poutine, du dictateur nord-coréen, Kim Jong-un, et du président iranien, Massoud Pezeshkian, ainsi réunis pour la première fois, sous son égide.

Sous les termes policés et consensuels de « multilatéralisme » et de « gouvernance globale », le numéro un chinois entend recalibrer l’ordre mondial, qui, à ses yeux, a favorisé les Etats-Unis et leurs alliés depuis le siècle dernier. Pour lui, les valeurs de la démocratie et de l’Etat de droit édictées par ceux-ci érodent la légitimité de régimes comme le sien, tout aussi capable de produire succès économique et progrès pour son peuple.

A l’approche des célébrations du 80e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, la Chine a aussi convoqué le passé au service de l’avenir. Au fil de séries documentaires, de films, d’expositions et de nouveaux ouvrages, Pékin impose un récit qui fait apparaître la Chine comme acteur principal de la victoire au côté de l’Union soviétique, contestant celui qui a contribué à donner aux Occidentaux un rôle dominant et nourri leur revendication d’un ascendant moral. Xi Jinping fait ainsi de la Chine une garante de l’ordre international hérité du monde qui a émergé après 1945.

Défaillance du régime

Cette réécriture de l’histoire s’accompagne d’une démonstration de force : l’Armée populaire de libération a exhibé, mercredi, ses armes dernier cri, force nucléaire modernisée, drones furtifs capables d’opérer en coordination avec des avions de chasse, missiles antinavires hypersoniques destinés à bloquer l’accès des porte-avions américains, qui sont, comme le rythme effréné de production des chantiers navals chinois, autant de défis aux capacités militaires des Etats-Unis et de leurs alliés. La Chine veut montrer qu’elle ne sera plus terrassée comme elle le fut par le Japon et que nul ne lui dictera sa conduite, y compris sur Taïwan.

L’affichage de cette puissance sert aussi à masquer les défaillances du régime – le ralentissement de l’économie depuis les années de Covid-19, le chômage des jeunes, notamment – et à rappeler au peuple que seul le parti est à même de porter la « grande renaissance » de la nation chinoise. Mais l’accent mis sur l’émergence d’un monde alternatif, monde dont la Chine se veut le porte-parole, doit être d’autant plus pris au sérieux que, parallèlement, le doute plane sur le comportement de la première puissance mondiale.

Le président de la puissance en question, Donald Trump, alimente lui-même ce doute. Son absence de stratégie cohérente vis-à-vis de la Chine, ses faux pas à l’égard de l’Inde, qui ont poussé le premier ministre, Narendra Modi, à faire le voyage à Pékin, ses volte-face sur la guerre en Ukraine, sa complaisance à l’égard des autocrates, son rejet du droit international et du multilatéralisme, la guerre commerciale dont il menace tous ses partenaires, tout cela a semé le chaos sur la scène mondiale et la confusion parmi les alliés traditionnels des Etats-Unis. Patient et ancré dans le temps long, Xi Jinping ne pouvait rêver meilleur faire-valoir.

[Source: Le Monde]