« C’est un four » : dans les transports en commun, la canicule met les usagers à l’épreuve
Avec un pic de chaleur attendu entre mardi et mercredi, les usagers des transports en commun franciliens doivent composer avec les rames bondées et l’absence de ventilation réfrigérée pour supporter la chaleur.

Il est 10 heures du matin, ce lundi 30 juin, et le thermomètre affiche déjà 24 °C. Sur le quai de la ligne 6, à la mal nommée station Glacière, trois passagers agitent leurs éventails en attendant le métro aérien. La chaleur est déjà bien présente, mais encore supportable. Sabrina, 25 ans, chargée de communication dans une entreprise publique (qui, comme toutes les personnes interrogées, requiert l’anonymat), y effectue sa correspondance quotidienne. « Les vieilles rames de la 6, ce sont les pires », souffle-t-elle.
Depuis le vendredi 27 juin, la France traverse un épisode caniculaire qualifié d’« intense » par Météo-France. Ce lundi, 84 départements, dont Paris, ont été placés en vigilance orange, et 16 départements basculent en rouge mardi, avec des températures pouvant atteindre jusqu’à 40 °C dans la capitale. Dans les transports souterrains – métro et RER –, la chaleur se fait particulièrement ressentir.
Seules six lignes du métro parisien – les 1, 2, 5, 9, 11 et 14 – ainsi qu’une partie de la ligne 4 disposent d’une ventilation réfrigérée, soit 48 % du parc. Le reste du réseau en est dépourvu. Pour se rendre à son travail, Sabrina doit emprunter deux lignes non ventilées, soit près d’une heure de trajet. Elle a bien envisagé une alternative : « J’ai pensé au vélo, pour rejoindre une station sur une ligne plus fraîche. Mais c’est un effort physique trop important. Avec cette chaleur, c’est le malaise assuré. » A cela s’ajoute une autre difficulté : l’accès restreint à l’eau potable dans les stations. « Il n’y a pratiquement aucun point d’eau. Juste des distributeurs où les bouteilles sont très chères. J’ai ma propre gourde, mais elle chauffe en moins d’une heure », regrette-t-elle. A ce jour, la RATP indique avoir déployé 81 fontaines à eau dans ses stations de métro. Insuffisant, selon la jeune femme.
Rame bondée
A 13 h 30, la température grimpe et frôle les 34 °C. Sur les quais de la ligne B du RER, à Denfert-Rochereau, la foule se presse, les fronts luisent et les mouchoirs épongent les visages dégoulinants. Une petite fille se met à pleurer : son ventilateur portatif vient de tomber en panne. Elle voyage avec ses parents, venus d’Allemagne pour les vacances. « On a prévu d’aller visiter Notre-Dame de Paris. On a préféré prendre les transports, parce qu’avec les enfants c’est compliqué de marcher aussi longtemps. On ne pensait pas qu’il ferait aussi chaud », confie Mikel, le père. Lorsque la rame arrive, elle est bondée, le couple préfère attendre la suivante.
Sur la ligne B, 84 % du matériel roulant est équipé de ventilation réfrigérée. Les anciennes rames non encore modernisées n’en sont pas pourvues. Le RER A est mieux équipé : 93 % des trains bénéficient de la ventilation réfrigérée. En revanche, les RER C, D et E n’en sont pas dotés. Feriel, 40 ans, professeure de français, est une usagère du RER C. Elle se ventile avec son tee-shirt en attendant sa rame, direction Versailles-Chantiers. « J’ai l’impression qu’il y a moins de monde dans ces rames. C’est supportable », estime-t-elle.
« C’est très dur »
Au contraire d’Alexandra, 24 ans, chargée de partenariats dans une association, qui traverse Paris chaque jour pour rejoindre Gennevilliers, elle aussi avec le RER C. « C’est un four, tout le monde dégouline, les odeurs, la promiscuité… C’est très dur. Je fais parfois des crises d’angoisse. J’ai l’impression que mes poumons se compressent. Et quand je pense aux jours à venir, l’angoisse monte encore. »
A Place d’Italie, Pierre, 60 ans, manque de peu de se faire coincer par les portes du métro de la ligne 5. « Je m’étais pourtant juré de ne pas courir par cette chaleur », plaisante-t-il. Venu à Paris pour un événement familial, il s’est équipé : chapeau de paille, chemise ample, brumisateur. De son sac banane accroché à la taille, il sort une carte du métro annotée au feutre rouge – toutes les lignes réfrigérées y sont soigneusement entourées. « Je me suis bien organisé. Après tout, il faut bien s’adapter. »
[Source: Le Monde]