A Disneyland, faux mariage mais vrai fantasme pédophile organisé par un Anglais condamné pour violences sexuelles

L’homme de 39 ans soupçonné d’avoir organisé son faux mariage avec une enfant de 9 ans avait été condamné en 2016 pour des agressions sexuelles commises sur deux jeunes filles de 15 ans.

Juil 1, 2025 - 06:18
A Disneyland, faux mariage mais vrai fantasme pédophile organisé par un Anglais condamné pour violences sexuelles
Le parc Disneyland Paris, à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne), le 16 octobre 2023. IAN LANGSDON/AFP

Sur la vidéo amateur, le rose de l’aube de juin illumine le château de la Belle aux bois dormant, emblème du parc de loisirs de Disneyland Paris à Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne). La plus longue journée de l’année, celle du 21 juin, commence à peine : il est 5 heures du matin. Une assistante endimanchée aux poignets cerclés d’un bracelet « Margot et Jack » se presse sur des fauteuils blancs molletonnés. Des fleurs délimitent l’allée vers l’autel. Un quatuor en robes joue des instruments à corde. Le château iconique de Disney a même sa réplique en gâteau à la crème. Le décor kitsch de ce mariage à l’américaine se déchire à l’apparition du futur « époux », âgé de 39 ans, « maquillé de manière professionnelle afin d’afficher un visage totalement différent du sien », d’après le communiqué de Jean-Baptiste Bladier, le procureur de Meaux, et de la fillette de 9 ans, de nationalité ukrainienne et arrivée en France deux jours plus tôt, avec laquelle il simule son « union ».

Frappé par l’image, un Letton âgé de 55 ans, payé 12 000 euros pour jouer un rôle dans la cérémonie, alerte la sécurité de Disneyland Paris, qui prévient les policiers du commissariat de Chessy. Les fonctionnaires débarquent et constatent cette mise en scène « fantasmatique pédophile », d’après Nicolas Estano, psychologue et chercheur au Centre de ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles de l’hôpital de Ville-Evrard, à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), orchestrée par l’homme incarnant le marié, un ressortissant anglais identifié plus tard par les médias britanniques comme Jacky Jhaj.

Condamné en 2016 en Grande-Bretagne pour des agressions sexuelles commises sur deux jeunes filles de 15 ans auprès desquelles il s’était fait passer pour un producteur d’Hollywood de 21 ans, l’homme s’avère recherché pour manquement aux obligations du fichier britannique des auteurs d’infractions sexuelles où il est inscrit. Jacky Jhaj semble bien connaître la législation sur les violences sexuelles en cours dans son pays et en France et jouer avec le cadre légal.

« Il se définit comme un simple acteur »

Car à Disneyland Paris, l’enfant de 9 ans n’a subi, d’après le procureur de Meaux, « aucune violence, ni physique ni sexuelle, et n’a pas été forcée à jouer ce rôle ». Mais que vaut le consentement d’une fillette à qui on promet un séjour dans le plus grand parc d’attractions d’Europe et qui est sexualisée par ce « faux mariage » ? D’après l’article L11-1 du code de la justice pénale des mineurs, « les mineurs de moins de 13 ans sont présumés ne pas être capables de discernement ». Non discernante, l’enfant, déguisée pour jouer la « mariée », a été placée au milieu d’une représentation tout du moins pédophile, voire symboliquement pédocriminelle. Que cherchait à faire Jacky Jhaj avec ces images filmées par une équipe de tournage ?

« Il se définit comme un simple acteur qui a participé à un tournage », avance Jean-Christophe Ramadier, son avocat. Sur le versant de la corruption de mineur, Jacky Jhaj a été placé sous le statut de témoin assisté par le juge d’instruction.

Son conseil rappelle qu’il n’est poursuivi que pour des infractions financières, et qu’une instruction a été ouverte pour faire la lumière sur le financement de cette coûteuse mise en scène. Selon une source policière citée par l’Agence France-Presse, la facture totale de la privatisation du parc s’élève à 130 000 euros. Face au dépôt de plainte de Disney, Jacky Jhaj a été mis en examen et placé en détention provisoire pour « escroquerie », « abus de confiance », « blanchiment » et « usurpation d’identité ».

« L’envoi par les autorités britanniques d’une fiche complète le concernant a généré un emballement : à l’origine, le parquet avait requis son placement sous contrôle judiciaire, et d’un coup c’est devenu la détention provisoire. Alors oui, il est recherché, mais mollement, car il vit en Angleterre et qu’il n’a pas pointé, explique Jean-Christophe Ramadier. Je ne suis pas juge du caractère esthétique de ses scenarii bizarres, peut-être symboliquement pédophiles, mais en tout cas il est sous le statut de témoin assisté pour la corruption de mineur. »

« Références pédophiles presque clichées »

En Angleterre, les journalistes ont effectué l’exégèse des images que Jacky Jhaj avait produites depuis 2020. Il y a cinq ans, il réalise un documentaire, intitulé Dangerous Sexual Predator, où il se filme torse nu conduisant une voiture et accueillant à bord des jeunes filles, puis diffuse son film sur YouTube. En octobre 2023, nouvelle scénographie à Londres : des vidéos le montrent grimé dans un accoutrement similaire à celui de Michael Jackson, déambulant sur un tapis rouge à une fausse avant-première de film qu’il a lui même organisée. Derrière les barrières, des centaines de jeunes filles qu’il a castées, rémunérées et à qui il a demandé de crier et de tomber dans les pommes à son apparition, d’après un journaliste de la BBC.

En juin 2024, encore un faux casting pour cibler des mineurs devant une école de danse londonienne. Une cinquantaine de jeunes répondent, pensant postuler à un film. Devant le bâtiment, Jacky Jhaj s’affiche à côté d’une Bugatti hors de prix, entouré de jeunes filles. Des parents le reconnaissent et préviennent la police. En septembre 2024, il se fait filmer nu, fumant une cigarette et dansant devant un immense camion floqué du logo de la BBC qui explose.

Ainsi, pour Nicolas Estano, le « faux mariage de Disney », comme l’ont qualifié de nombreux médias, montre avant tout « l’exploitation sexualisée d’une mineure par un homme organisé par des références pédophiles presque clichées : Disney et Michael Jackson, c’est l’idéalisation du monde de l’enfance, très présente chez les pédocriminels ». Rompu à l’analyse de ces comportements, celui qui est aussi expert judiciaire à la cour d’appel de Paris, estime que Jacky Jhaj a une personnalité « inquiétante d’intelligence : il est condamné pour ça, cherche activement des mineurs, se joue des réglementations, monte une organisation complexe, produit des mises en scène perverses où il prend du plaisir à se montrer désiré par des enfants et se filme en train de transgresser. Ça n’a rien à voir avec un happening étrange ». « Une expertise psychiatrique permettra sûrement d’éclairer le sens de ses gestes », espère l’avocat de Jacky Jhaj, désormais détenu au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin.

[Source: Le Monde]