Affrontements Thaïlande-Cambodge : le bilan s’élève à 28 morts, Phnom Penh appelle à un « cessez-le-feu immédiat » et « inconditionnel »

Les combats qui ont éclaté jeudi à la frontière entre les deux pays ont fait quinze morts côté thaïlandais et treize côté cambodgien. Près de 140 000 civils thaïlandais ont fui les violences, selon Bangkok, qui a décrété la « loi martiale » dans huit districts.

Juil 26, 2025 - 06:22
Affrontements Thaïlande-Cambodge : le bilan s’élève à 28 morts, Phnom Penh appelle à un « cessez-le-feu immédiat » et « inconditionnel »
Une pagode endommagée par l’artillerie thaïlandaise dans la province d’Oddar Meanchey, au Cambodge, le 25 juillet 2025. - / AFP

Le Cambodge a réclamé, vendredi 25 juillet, un « cessez-le-feu immédiat » et « inconditionnel » avec la Thaïlande lors d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) sur les affrontements entre les deux voisins qui ont fait vingt-huit morts, a annoncé son ambassadeur auprès de l’ONU.

Phnom Penn a « appelé à une résolution pacifique du conflit », a également déclaré Chhea Keo à quelques journalistes à l’issue de cette réunion à huis clos. « Comment peuvent-ils [les Thaïlandais] nous accuser, nous un petit pays avec une armée trois fois plus petite et sans force aérienne », d’attaquer « un grand voisin », a-t-il ajouté.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a de son côté « appelé les deux parties à une retenue maximum et à une solution diplomatique. C’est ce que nous demandons aussi », a-t-il fait savoir. Aucun autre participant à cette réunion d’urgence, demandée par le premier ministre cambodgien, Hun Manet, n’a souhaité s’exprimer.

Le différend frontalier entre les deux pays donne lieu à un niveau de violence jamais vue depuis 2011, impliquant des avions de combat, des tanks, des troupes au sol et des tirs d’artillerie dans plusieurs endroits disputés.

Le ministère thaïlandais de la santé a fait état de quinze morts dont un militaire, et plus d’une quarantaine de blessés côté thaïlandais. Côté cambodgien, le ministère de la défense a recensé treize morts.

« La situation (…) pourrait devenir une guerre »

La Thaïlande a décrété, vendredi 25 juillet, la loi martiale dans huit de ses districts frontaliers avec le Cambodge. « La loi martiale est désormais en vigueur » dans sept districts de la province de Chanthaburi et un district de celle de Trat, a déclaré Apichart Sapprasert, responsable de l’armée thaïlandaise dans ces deux territoires méridionaux.

Depuis le début des violences cette semaine, près de 140 000 civils ont été évacués des zones concernées, situées dans le nord-est du pays, a affirmé, vendredi, le ministère de la santé thaïlandais. « Si la situation s’aggrave, elle pourrait devenir une guerre », a déclaré à des journalistes le premier ministre thaïlandais par intérim, Phumtham Wechayachai.

Des habitants fuient leurs maisons près de la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, dans la province d’Oddar Meanchey, au Cambodge, le 25 juillet 2025.

Dans la ville cambodgienne de Samraong, à vingt kilomètres de la frontière, des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) ont entendu des tirs d’artillerie lointains vendredi matin. Plusieurs familles avec des enfants et leurs affaires à l’arrière de leur véhicule étaient en train de s’enfuir à toute vitesse. Les reporters ont également vu des soldats se précipiter vers des lance-roquettes et se diriger en direction de la frontière.

Le premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, qui assure la présidence tournante de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) dont la Thaïlande et le Cambodge sont membres, avait affirmé, jeudi soir, avoir échangé avec ses homologues thaï et khmer. Le dirigeant, qui réclame un « cessez-le-feu immédiat » et la résolution pacifique des tensions, s’était félicité de « signaux positifs et [de] la volonté montrée par Bangkok et Phnom Penh pour envisager cette issue », dans un message sur Facebook.

Pékin qualifie de « déchirants » les affrontements

Quelques heures après ce post, les combats ont néanmoins repris dans trois zones vers 4 heures du matin (23 heures à Paris, jeudi), a affirmé l’armée thaïlandaise. Les forces cambodgiennes ont procédé à des bombardements à l’aide d’armes lourdes, d’artillerie de campagne et de systèmes de roquettes BM-21, a déclaré l’armée, et les troupes thaïlandaises ont riposté « avec des tirs de soutien appropriés ».

La Thaïlande est « prête » à résoudre le conflit qui l’oppose au Cambodge par la voie diplomatique a déclaré, vendredi, à l’AFP, le porte-parole du ministère des affaires étrangères thaïlandais, Nikorndej Balankura : « Nous sommes prêts, si le Cambodge veut résoudre cette question par des canaux diplomatiques, bilatéralement, ou même par l’intermédiaire de la Malaisie, nous sommes prêts à le faire. Mais jusqu’ici, nous n’avons reçu aucune réponse. »

Le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, a qualifié, vendredi, de « déchirants et d’inquiétants » les affrontements meurtriers. « Ce problème trouve ses racines dans les séquelles des colonisateurs occidentaux et doit maintenant être abordé avec calme et géré de manière appropriée », a déclaré Wang Yi au secrétaire général de l’Asean, Kao Kim Hourn, à Pékin, selon un communiqué de la diplomatie chinoise.

Appel au dialogue

Les deux pays s’accusent mutuellement d’avoir ouvert le feu en premier et défendent leur droit à la légitime défense. Bangkok a aussi accusé ses adversaires de cibler des infrastructures civiles comme un hôpital et une station-service, ce dont Phnom Penh s’est défendu. La Thaïlande a également déployé plusieurs avions de combat F-16 pour frapper ce qu’elle a présenté comme étant des cibles militaires cambodgiennes.

Bangkok et Phnom Penh sont engagés dans un bras de fer depuis la mort d’un soldat khmer fin mai, lors d’un échange nocturne de tirs dans une zone de leur frontière commune surnommée le « Triangle d’émeraude ». Les deux pays contestent le tracé de cette frontière, définie à l’époque de l’Indochine française.

L’épisode moderne le plus violent lié à ce différend remonte à des affrontements autour du temple de Preah Vihear entre 2008 et 2011, qui avaient fait au moins vingt-huit morts et des dizaines de milliers de déplacés. Le tribunal des Nations unies a donné raison au Cambodge deux fois, en 1962 et en 2013, sur la propriété du temple, classé au Patrimoine mondial par l’Unesco, et d’une zone alentour.

Mercredi, Bangkok a rappelé son ambassadeur à Phnom Penh et expulsé de son territoire l’ambassadeur cambodgien, après qu’un soldat thaïlandais a perdu une jambe en marchant sur une mine. Une enquête de l’armée thaïlandaise a permis de déterminer que le Cambodge avait posé de nouvelles mines à la frontière, selon Bangkok. Le Cambodge a rejeté ces accusations et affirmé que des zones frontalières restent infestées de mines actives datant de « guerres du passé ». Les Etats-Unis, la France, l’Union européenne et la Chine ont tous appelé au dialogue et à la fin du conflit.

[Source: Le Monde]