La « torture psychologique » des deux otages français en Iran

Les proches de Cécile Kohler et de son compagnon, Jacques Paris, tous deux détenus à Evin, n’ont aucune nouvelle d’eux, alors que des attaques ont eu lieu à proximité de la prison iranienne.

Juin 21, 2025 - 05:19
La « torture psychologique » des deux otages français en Iran
Noémie Kohler (au centre), sa mère Mireille Kohler et son père Pascal Kohler lors d’un rassemblement pour marquer les trois ans de détention de leur sœur et fille Cécile Kohler, et de son compagnon Jacques Paris en Iran, à Paris le 7 mai 2025. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Ce samedi 14 juin, Noémie Kohler s’est réveillée la peur au ventre. Affolée, elle scrute, depuis son appartement lyonnais, la géographie des frappes israéliennes sur l’Iran que rapportent les médias français. L’une d’elles a eu lieu à 2 kilomètres de la prison d’Evin, à Téhéran, où sa sœur, Cécile Kohler, est détenue en otage avec son compagnon, Jacques Paris. L’armée israélienne bombarde la République islamique depuis maintenant près de quarante-huit heures, sans discontinuer, avec l’objectif revendiqué de rayer de la carte les infrastructures nucléaires du régime. Mais, jour après jour, les bombes israéliennes se rapprochent aussi des lieux symboliques du pouvoir, détruisent des immeubles de quartiers résidentiels et touchent des civils. « On est terrifiés », raconte Noémie Kohler, jointe par téléphone.

Lors du conseil de défense et de sécurité nationale consacré à la situation au Proche-Orient organisé à l’Elysée mercredi 18 juin, Emmanuel Macron a évoqué le cas de cette professeure de lettres de 40 ans et de son compagnon septuagénaire, arrêtés le 7 mai 2022, au dernier jour d’un voyage touristique en Iran. Leur sort est « une question majeure » pour le président, affirme une source diplomatique française.

La France a signifié à l’Iran qu’elle tenait le régime « personnellement responsable de la sécurité des otages », précise le ministère des affaires étrangères. A l’heure où le président français se fait l’avocat d’un cessez-le-feu, appelant à un« règlement négocié exigeant » – et non militaire – du dossier nucléaire iranien, la question des otages doit, dit-on à Paris, « faire partie des négociations ». La France réclame leur libération « le plus rapidement possible, sans condition ».

Tous deux risquent la peine de mort

La rencontre, prévue vendredi 20 juin à Genève entre les ministres des affaires étrangères français, allemand, britannique et iranien, pourrait, si elle était confirmée, faire avancer le dossier. « C’est un sujet dans l’équation », assure le Quai d’Orsay, alors que le régime iranien a un genou à terre. La famille de Cécile Kohler voudrait y croire, mais n’ose pas. « Il y a forcément un espoir, mais on a été tant de fois déçus depuis trois ans », soupire Noémie Kohler. Selon Téhéran, le couple est accusé d’espionnage. Cécile Kohler et Jacques Paris se seraient, lors de leur séjour, entretenus avec des opposants au régime et des syndicalistes, leur reversant de l’argent, rapporte un diplomate iranien. Pour trancher leur sort, le régime invoque l’« indépendance de la justice ».

Détenus dans la section 209 du centre de rétention d’Evin, dévolue aux prisonniers politiques, Cécile Kohler et Jacques Paris n’ont pas parlé à leur famille depuis le 28 mai. Il était environ 16 heures ce jour-là quand Noémie Kolhler, qui garde en permanence son téléphone autour du cou, a reçu un appel de sa sœur d’une dizaine de minutes. Pas plus. Depuis, plus rien.

Soumis à l’isolement, dans une cellule sans fenêtre, éclairée vingt-quatre heures sur vingt-quatre par un néon, les deux otages, séparés, dorment à même le sol. On leur refuse de quoi lire et écrire. Une promenade d’une trentaine de minutes leur est accordée une fois par semaine, alors que leurs geôliers leur prédisent un verdict imminent, sans nulle trace du moindre procès. Tous deux risquent la peine de mort. « C’est de la torture psychologique », souffle Noémie Kohler. Des conditions de détention « effroyables », appuie une source diplomatique française. Le Quai d’Orsay a déposé le 16 mai une requête au greffe de la Cour internationale de justice (CIJ) portant sur « la politique d’otages menée par l’Iran à l’encontre de ressortissants français depuis mai 2022 ».

[Source: Le Monde]