Sur le Tour de France, la victoire de Jonas Abrahamsen et du modèle scandinave d’Uno-X Mobility
En s’imposant à Toulouse, mercredi, le Norvégien de 29 ans a offert à son équipe son premier succès sur l’épreuve. Invitée depuis trois années sur la Grande Boucle, la formation se montre ambitieuse pour la suite.

Décidément, rien n’est jamais cousu de fil blanc sur le Tour de France. Il y a près d’un mois, dans son lit d’hôpital, Jonas Abrahamsen ne s’imaginait pas une seule seconde cravacher sur les routes de la Grande Boucle. « Je venais de me fracturer la clavicule [sur le Tour de Belgique, le 18 juin] et je pleurais parce que je pensais que je n’allais pas [y] participer », retraçait le coureur d’Uno-X Mobility, mercredi 16 juillet, encore euphorique après sa victoire lors de la 11ᵉ étape à Toulouse.
Les six semaines de convalescence initialement prévues, le Norvégien les a avalées en l’espace de seize petits jours, avant de prendre le grand départ du Tour, à Lille, le 5 juillet. « Un miracle », jugeait alors Thor Hushovd, manager de la formation scandinave. Inimaginable il y a peu, ce premier succès sur l’épreuve pour le cycliste de 29 ans et son équipe fut encore plus savoureux au regard des circonstances des quelque 157 kilomètres de ce mercredi autour de la Ville rose.
De son attaque d’entrée de course à son sprint victorieux face à Mauro Schmid (Jayco-AlUla), autre compagnon d’échappée, Jonas Abrahamsen a dû batailler. Sortir avec le Suisse à huit kilomètres de l’arrivée en tête de la côte de Pech David, colline appréciée des traileurs de la région, mais terrible raidard pour les cyclistes avec ses passages à 25 %. Sentir dans son cou le souffle de Mathieu Van der Poel (Alpecin-Deceuninck) et résister à son retour dans les derniers hectomètres. Faire abstraction, enfin, de ce manifestant propalestinien venu perturber le final sur la ligne d’arrivée.
Offensif à Toulouse comme lors de la 4ᵉ étape de ce cru 2025, Jonas Abrahamsen s’est forgé une petite réputation de coureur agressif ces dernières années sur le Tour de France. Le Norvégien n’était, de fait, pas étranger à la mécanique du podium protocolaire puisqu’il a déjà gagné plusieurs fois le titre de « combatif du jour » et porté, pendant les dix premiers jours de l’édition 2024, le maillot à pois de meilleur grimpeur.
Le projet « maillot jaune 2030 »
En 2023 à Bourg-en-Bresse (3ᵉ), puis en 2024 à Bologne, en Italie (2ᵉ), il était même passé tout près de la gagne. En ce début de Tour, il s’est fait un peu plus discret, à l’image de son équipe. « L’année dernière, j’étais fatigué après avoir beaucoup attaqué. Il fallait cette fois être plus intelligent pour remporter une étape », a expliqué l’intéressé, qui n’a pas omis de remercier sa formation de l’avoir aidé à revenir à temps pour l’épreuve, après sa blessure.
Uno-X Mobility, invitée pour la troisième année consécutive sur la Grande Boucle, ne regrettera pas ce choix. Avant le départ, à Lille, son directeur sportif, Gabriel Rasch, expliquait au Monde : « C’est la plus grande course au monde, donc c’est énorme de pouvoir y participer à nouveau. Maintenant, notre grand objectif est de gagner notre première étape sur le Tour de France. »
C’est désormais chose faite et l’équipe, financée par une chaîne de stations-service, vise désormais plus grand. Equipe de niveau ProTeam – le deuxième échelon mondial du cyclisme sur route –, elle peut espérer rallier l’élite, le WorldTour, en 2027, ce qui lui permettrait d’assurer sa place sur chaque Grand Tour. Avant un nouvel horizon, selon Gabriel Rasch : « On veut remporter le maillot jaune en 2030. C’est audacieux mais on pense que c’est possible. »
Pour cela, Uno-X Mobility mise exclusivement sur le vivier scandinave. Tous ses membres sont norvégiens ou danois et il n’est pas question, pour l’heure, de miser sur des recrues étrangères. « Nos coureurs sont meilleurs chez nous que dans d’autres équipes parce qu’ils évoluent dans un bon environnement, ils peuvent parler leur langue. On prend soin d’eux, ils sont bien mentalement », assure le directeur sportif.
Un coéquipier à l’origine de la chute de Pogacar
Pour grandir, la formation a surtout développé, ces dernières années, de jeunes talents… avant de les exporter. « Maintenant, on veut conserver les coureurs dans notre équipe », détaille Gabriel Rasch, qui exclut la possibilité d’enrôler le Danois Jonas Vingegaard à l’avenir pour remporter le Tour de France. « On ne veut pas acheter le succès. »
En attendant l’émergence d’un nouveau grand champion venu de Norvège ou du Danemark, Uno-X Mobility compte sur Tobias Johannessen, son leader, pour bien figurer au classement général. Le coureur de 25 ans, 10ᵉ à 5 min 03 s du maillot jaune Ben Healy, a bien failli malgré lui faire basculer cette édition 2025, ce mercredi, à 4 kilomètres de la ligne d’arrivée : en changeant de trajectoire, sa roue arrière a provoqué la chute du tenant du titre, Tadej Pogacar.
Mais le leader d’UAE Team Emirates-XRG n’a pas perdu de temps au classement général grâce au fair-play de ses concurrents, qui ont ralenti le rythme pour attendre son retour dans le groupe des favoris. Le Slovène, dont le bras gauche a été éraflé, a salué ce geste et rassuré sur son état de santé, à la veille du coup d’envoi du triptyque pyrénéen, dont le premier épisode se déroulera entre Auch et Hautacam (Hautes-Pyrénées). Cette chute sans gravité fait office de piqûre de rappel, pour lui et ses concurrents qui cherchent désespérément à le faire vaciller : sur le Tour de France, rien n’est jamais écrit à l’avance.
[Source: Le Monde]