YouTube accusé d’appliquer des filtres sous IA aux contenus des utilisateurs

Ces expérimentations rendent les vidéos plus nettes et plus lumineuses, mais leur signature visuelle rappelant celle des intelligences artificielles génératives gêne une partie des créateurs concernés.

Août 27, 2025 - 02:47
YouTube accusé d’appliquer des filtres sous IA aux contenus des utilisateurs
Extrait de la vidéo de Rhett Shull, dans laquelle il analyse les différences entre les vidéos retouchées par l’outil de YouTube et les versions originales.

Dès le mois de juin, les premiers avertissements inquiets commencent à apparaître sur le forum Reddit. Quelques créateurs s’alarment de l’apparence des vidéos publiées récemment sur YouTube : certains y décèlent un effet « peinture à l’huile », d’autres un aspect « plastique » leur faisant penser à la marque d’un traitement par intelligence artificielle (IA).

Toutefois, il faut attendre mercredi 20 août, cette fois sur le réseau social X, pour que le soupçon se confirme. En guise d’expérimentation, l’entreprise utilise bien un « procédé traditionnel de “machine learning” [“apprentissage automatique”] pour déflouter, “débruiter” et améliorer la clarté » d’une partie des « shorts », les vidéos courtes et verticales de YouTube, révèle alors Rene Ritchie, chargé pour YouTube des relations avec les créateurs.

En employant le vocable « machine learning », la plateforme se garde d’employer les termes « intelligence artificielle », qui évoquent sans doute trop les IA génératives, outils apparus dans les années 2020 et qui permettent de créer des vidéos de toutes pièces sur la base d’une simple consigne textuelle. A l’inverse, le « machine learning » peut passer pour une technologie plus traditionnelle, car il est employé dans le domaine de la vidéo depuis les années 2010, notamment par les téléviseurs, afin d’améliorer leur qualité d’image.

Ce type d’outil est pourtant bien une intelligence artificielle. Il partage même avec les IA génératives des soubassements techniques communs de sorte qu’il ne serait pas surprenant que leurs signatures visuelles respectives puissent être confondues.

Perte de confiance

C’est la raison pour laquelle les nouveaux filtres de YouTube font craindre aux créateurs des conséquences négatives sur leur communauté. « J’ai un énorme problème avec ça », réagit ainsi Rhett Shull, youtubeur qui compte près de 750 000 abonnés. « En ce moment, l’IA est au cœur d’un vif débat (…). Des personnes sont farouchement hostiles à cette technologie, à cause de son impact environnemental » et des questions de propriété intellectuelle qu’elle soulève, expliquait-il dans une vidéo publiée vendredi 15 août.

Rhett Shull craint que ces filtres ne « poussent les gens à croire qu’[il] utilise l’IA pour créer [s]es vidéos, ou qu’il s’agit de deepfakes », des faux générés par IA, « ou qu’[il] cherche à économiser de l’argent ». Au risque d’éroder la confiance de ceux qui le suivent – « la chose la plus importante [qu’il] possède en tant que créateur ».

Les nouveaux filtres de YouTube gênent aussi les producteurs de contenus qui soignent le rendu de leurs vidéos. A l’image de Mr Bravo, dont le cas a été repéré par The Atlantic. Sur Reddit, ce modeste contributeur raconte chercher« le charme du rendu VHS, l’aspect granuleux et délavé » des vidéos des années 1980, mais déplore que les filtres de YouTube rendent ses vidéos « complètement différentes de l’original », « ruinant » ce qu’il entend montrer.

A l’avenir, il est possible que YouTube supprime ces filtres ou dilue l’intensité de leurs effets. Dans son message de justification publié sur X, la plateforme déclare travailler « en permanence à de nouvelles manières de fournir la meilleure qualité vidéo possible » et assure qu’elle « continuera à prendre en compte les retours des créateurs et de leurs audiences dans [son] travail d’amélioration » de ces fonctions.

Il reste que la plateforme vidéo, détenue par Alphabet (maison mère de Google), semble s’être ostensiblement engagée dans la voie des IA génératives. Elle propose, depuis la fin du mois de juillet, une suite d’outils d’intelligence artificielle permettant aux créateurs de transformer leurs vidéos en y ajoutant des effets spéciaux. Dans deux exemples, YouTube montre le sol s’ouvrir pour se transformer en piscine et le petit bonhomme d’un passage piéton se mettre à danser. Deux vidéos qui contribuent à brouiller la frontière entre réel et virtuel.

[Source: Le Monde]