Coup d’État déjoué au Bénin: qui est le lieutenant-colonel Pascal Tigri, leader du putsch en fuite?

Le chef des mutins, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, à l’origine de la tentative de coup d’État au Bénin ce dimanche 7 décembre, est toujours en cavale ce mercredi 10 décembre. Décrit comme un soldat "discret" voire "presque réservé", il aurait joué un rôle important dans la lutte contre le terrorisme aux frontières du Bénin, ces dernières années.

Déc 10, 2025 - 15:03
Coup d’État déjoué au Bénin: qui est le lieutenant-colonel Pascal Tigri, leader du putsch en fuite?
Des soldats, menés par le lieutenant-colonel Pascal Tigri (2e à partir de la gauche), apparaissent à la télévision nationale du Bénin, ce dimanche 7 décembre. Capture écran BTV

Huit soldats sont apparus sur les télévisions des Béninois, ce dimanche 7 décembre, pour annoncer avoir démis de ses fonctions le président Patrice Talon. Les mutins, qui avaient alors déclaré la dissolution du gouvernement et la suspension de toutes les institutions de l’État, ont vite été repoussés.

"Au petit matin (…), un groupuscule de soldats a engagé une mutinerie dans le but de déstabiliser l'État et ses institutions. Face à cette situation, les Forces armées béninoises et leur hiérarchie, fidèles à leur serment, sont restées républicaines. Leur riposte a permis de garder le contrôle de la situation et de faire échec à la manœuvre. Aussi, le gouvernement invite-t-il les populations à vaquer normalement à leurs occupations", a déclaré le ministre de l'Intérieur béninois, Alassane Seidou, à la télévision nationale.

Une douzaine de militaires, dont certains des auteurs de la tentative de putsch, ont été arrêtés selon une source sécuritaire. Mais certains putschistes dont leur chef, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, sont encore en fuite.

Entraîné à survivre en pleine brousse

Le lieutenant-colonel Pascal Tigri est un officier d’artillerie de la Garde nationale. Ce dimanche, il a pris part à l’allocution télévisée du groupuscule qui s'est baptisé "Comité militaire pour la refondation", dont il est le chef. Ces soldats seraient partis de la caserne de Togbin, à la périphérie de Cotonou, selon le gouvernement.

Pascal Tigri a commandé le troisième Groupement inter-armes de la garde nationale des forces armées béninoises de sa création en 2023 au 3 janvier 2025. Peu d’informations circulent sur ses débuts dans l’armée ou son parcours personnel.

Âgé d’une quarantaine d’années, il est le commandant des forces spéciales de la Garde nationale au moment de la tentative de coup d'État. Ce corps d’élite a été créé en 2020. Il se compose de commandos "extrêmement bien formés", selon une source militaire citée par la BBC.

Ils interviennent notamment sur des missions de sauvetage d’otages et sont habitués aux opérations délicates. Selon la même source, ces commandos disposent aussi d'un entraînement qui leur a appris à survivre plusieurs semaines en pleine brousse.

Un rôle actif dans la lutte contre le terrorisme

Le leader de la tentative de putsch aurait joué un rôle actif dans la lutte contre le terrorisme, notamment dans le cadre de l'opération Mirador. En janvier 2022, le Bénin avait déployé près de 3.000 soldats chargés de sécuriser ses frontières contre la menace terroriste. 5.000 soldats avaient aussi été recrutés et envoyés dans le nord, dans le cadre de l’opération Mirador.

Les soldats à l’origine du coup d’État déjoué ont dénoncé une mauvaise gestion de la sécurité dans le nord du pays, en proie à des attaques du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda.

Depuis la première attaque djihadiste au Bénin en 2019, les assauts du JNIM ne cessent de se multiplier, selon les analystes. Une situation qui empire au fil des années, malgré l’aide de partenaires internationaux, et qui soulève des questions sur la capacité du gouvernement à gérer la crise.

Un soldat discret, "presque réservé"

Le lieutenant-colonel Tigri est décrit par le journal nigérian Tribune, qui cite des experts en sécurité, comme un officier de rang intermédiaire n'ayant aucun contrôle sur les unités d'élite ou stratégiques. Le média se questionne sur ce profil qui "rend l'ampleur du complot surprenante". Avant la tentative de coup d'État, Tigri n'avait pas de profil public notable et n'était lié à aucun réseau dissident connu, selon Tribune.

"Si c’est vraiment lui qui est à la manœuvre, il est en train de se faire manipuler."

Un haut gradé de l’armée

L’auteur de la tentative de coup d’État est décrit comme "un soldat calme, poli, presque réservé", par un haut gradé de l’armée sous les ordres duquel il a servi, dont Jeune Afrique a recueilli le témoignage. "Si c’est vraiment lui qui est à la manœuvre, il est en train de se faire manipuler", confie la source.

Le média sénégalais Senenews évoque aussi un "militaire discret" qui n’était pas considéré comme un acteur influent, ni comme une potentielle menace. Pascal Tigri ne jouissait pas non plus d’un réseau connu parmi les cercles stratégiques du pouvoir, selon Senenews.

"L'échec rapide de la tentative de coup d'État, confirmé par la suite par le gouvernement, renforce l'impression d'un coup d'État fragile, peut-être improvisé, reposant davantage sur une démonstration de force médiatique que sur une véritable prise de contrôle de l'appareil d’État", va jusqu’à spéculer le média sénégalais.

Activement recherché par l'armée

Les médias béninois ont déclaré que le lieutenant-colonel Pascal Tigri était en fuite. Tout comme le capitaine Samary Ousmane et le capitaine-major Castro Sambeni, qui sont apparus à ses côtés à la télévision nationale ce dimanche, selon des informations de la BBC. Ils seraient activement recherché par les forces armées loyalistes.

Un Conseil extraordinaire des ministres s’est réuni, ce lundi 8 décembre, à l’appel du président Patrice Talon. La réunion a fait l’objet d’un compte-rendu officiel de la tentative de putsch et a annoncé l’ouverture d’une enquête pour en identifier les auteurs et les commanditaires. Ces derniers devront répondre de leurs actes, affirme le gouvernement.

[Source: TV5Monde]