Allemagne : Face à la domination du cash, le gouvernement Merz souhaite imposer le paiement électronique aux commerçants

Sep 24, 2025 - 10:11
Allemagne : Face à la domination du cash, le gouvernement Merz souhaite imposer le paiement électronique aux commerçants
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En Allemagne, le cash ne fait pas que de la résistance. Il s’agit encore et toujours du moyen de paiement dominant chez les commerçants. Un projet de loi pourrait changer tout cela.Et la coalition menée par le chancelier Friedrich Merz souhaite obliger les sociétés à offrir à leurs consommateurs le choix de payer en espèces ou par carte électronique. La question suscite le débat chez nos voisins, qui restent mitigés. 

Les Allemands restent fidèles à leurs billets et pièces. En 2023, plus de la moitié des transactions, soit 51 %, étaient toujours réglées en espèces, selon une étude de la Bundesbank, loin devant la France (43 %) et les pays nordiques où la carte est reine. Une habitude bien enracinée, portée par une méfiance envers la surveillance numérique, ainsi  qu'une une volonté de garder le “contrôle sur ses propres finances”, explique la même institution. En outre, les statistiques montrent que les portefeuilles restent bien garnis avec, en moyenne, 103 euros en liquide sur un Allemand et près de 600 euros hors portefeuille.

Mais dans l’ombre du grand projet de réarmement, qui occupe les chroniques depuis l’arrivée de Friedrich Merz à la tête du gouvernement, la coalition CDU-SPD entend bousculer les pratiques des citoyens. Le contrat de coalition de 2025, signé en mai, projette une réforme pour obliger tous les commerçants à proposer un second moyen de paiement, numérique ou par carte, à côté de l’incontournable cash. Chez le coiffeur comme au restaurant, le client devrait pouvoir choisir. “Chaque point de vente doit offrir au moins une alternative numérique à l’argent liquide afin de garantir le libre choix du consommateur et faciliter le commerce moderne”, lit-on. 

Le gouvernement de Merz avance la protection des consommateurs comme argument tout comme celui de la lutte contre la fraude fiscale. Selon les estimations relayées par la presse locale, l'État perd chaque année entre 10 et 15 milliards d'euros en impôts sur le chiffre d'affaires et sur les sociétés en raison de la fraude fiscale dans les secteurs où les paiements en espèces sont fréquents. Le contrat prévoit aussi l’obligation pour ces commerçants de se doter de caisses enregistreuses pour le traitement électronique des factures. 

“Réduire la TVA dans le secteur de la restauration et donner plus de marge de manœuvre aux entreprises” est la combinaison que la coalition souhaite appliquer pour “lutter davantage contre la fraude fiscale dans les secteurs où les paiements en espèces sont monnaie courante”, expliquait Michael Schrodi, responsable des finances du SPD. 

Le diktat du sans contact

Le texte ne prévoit pas l’interdiction de l’argent liquide, mais impose aux professionnels de s’équiper d’un terminal pour les paiements électroniques ou mobiles. Des exceptions devraient aussi être appliquées pour les petits commerces ruraux, où la couverture par le réseau Internet n’est pas complète, et pour certaines activités de niche. Les grandes agglomérations pourraient être la première cible. 

Ce projet suscite une vague de débats dans la presse et chez les commerçants. Les opposants à l’obligation de paiement électronique, comme les associations de restaurateurs, avancent plusieurs arguments, largement relayés par la presse allemande. Ils dénoncent d’abord les coûts associés : les terminaux de paiement et les frais de transaction représentent une charge financière non négligeable, surtout pour les petites entreprises comme les cafés ou les restaurants, dont les marges sont souvent déjà minces. Ils pointent aussi une perte de liberté pour les commerçants, estimant qu’une obligation légale limite leur autonomie et leur capacité à choisir leurs modes de paiement.

Par ailleurs, des préoccupations en termes de protection des données et de vie privée émergent, certains consommateurs redoutant une surveillance accrue de leurs habitudes d’achat ou la collecte systématique de données personnelles. 

En outre, comme en témoignent des commerçants interrogés par RFI, la dépendance aux infrastructures techniques et la peur de pannes ou de bugs alimentent l’attachement au cash comme solution de secours fiable, notamment dans les zones rurales où la connexion Internet est parfois instable. Ce n’est pas le cas chez les plus jeunes et les adeptes du paiement mobile, interrogés par les journaux allemands. 

[Source: France-Soir]