L'Erythrée, accusée par l'Ethiopie de préparer une guerre, dénonce une "mascarade mensongère"

Oct 9, 2025 - 18:57
L'Erythrée, accusée par l'Ethiopie de préparer une guerre, dénonce une "mascarade mensongère"
Le drapeau éthiopia à Addis Abeba, le 22 octobre 2022 AFP/Archives Amanuel Sileshi

L'Erythrée, ainsi que le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti qui a dominé durant près de 30 ans la vie politique en Ethiopie, ont dénoncé jeudi une "mascarade mensongère" et des "allégations infondées", après les accusations d'Addis Abeba de préparer une guerre.

Dans un climat de plus en plus tendu entre les deux pays de la Corne de l'Afrique, le ministère éthiopien des Affaires étrangères a accusé début octobre l'Erythrée et le TPLF de financer des groupes armés qui combattent ses forces fédérales notamment en région Amhara, d'ingérence, de tentative de déstabilisation et de "collusion".

Selon cette accusation, formulée dans un courrier adressé au secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, l'Erythrée est le "principal artisan de ces activités néfastes" et cherche à "déstabiliser et fragmenter l'Ethiopie".

Il s'agit d'"une mascarade mensongère, une insulte à l'intelligence du peuple éthiopien et de la communauté internationale", a réagi jeudi auprès de l'AFP le ministre érythréen de l'Information Yemane Ghebremeskel.

"Depuis deux ans, l'intense campagne de propagande visant à attiser les ambitions irrédentistes s'accompagne de menaces provocatrices", a poursuivi M. Yemane, tandis que le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed martèle régulièrement la nécessité d'accès à la mer pour son pays enclavé, par des moyens légaux.

L'Erythrée accuse son voisin de lorgner son port d'Assab.

"Inversion de la réalité"

Dans un courrier daté de mercredi transmis jeudi à l'AFP, le TPLF, parti qui a régné d'une main de fer de 1991 à 2018 avant d'être marginalisé après l'arrivée au pouvoir de M. Abiy, a également rejeté les accusations des autorités fédérales.

Ethiopie

Carte d'Ethiopie localisant les régions du Tigré et d'Amhara

"Nous sommes cependant profondément préoccupés par le fait que le gouvernement fédéral semble préparer une nouvelle guerre dans la région sur la base d'allégations infondées", selon ce courrier adressé au secrétaire général de l'ONU, avant de demander la médiation de l'Union africaine et de la communauté internationale.

Le TPLF a également dénoncé une "tentative d'inversion de la réalité visant à présenter l'agresseur comme la victime et les victimes comme l'agresseur".

L'Erythrée a obtenu son indépendance de l'Ethiopie en 1993 après une longue lutte armée. Une sanglante guerre qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts a opposé les deux pays de la Corne de l'Afrique entre 1998 et 2000 à cause de différends frontaliers.

Les relations se sont réchauffées en 2018 avec l'arrivée au pouvoir de M. Abiy, qui a conclu un accord de paix avec le président Issaias Afeworki, qui dirige l'Erythrée d'une main de fer depuis 1993.

Cet accord a valu au premier de recevoir le prix Nobel de la paix l'année suivante. L'armée érythréenne a épaulé les forces fédérales éthiopiennes - et y ont été accusés d'avoir commis de nombreux crimes de guerre - durant la sanglante guerre du Tigré entre 2020 et 2022, qui a fait au moins 600.000 morts, selon une estimation de l'Union africaine.

Couteaux tirés

Depuis la fin du conflit, les relations sont à nouveau à couteaux tirés entre les deux pays, faisant planer le risque d'un nouveau conflit.

En mars, Asmara avait exhorté la communauté internationale à "faire pression" pour qu'Addis Abeba respecte "la souveraineté et l'intégrité territoriale de ses voisins" et rejeté de précédentes accusations de "préparatifs présumés de l'Erythrée en vue d'une guerre contre l'Ethiopie".

L'Erythrée, l'un des pays les moins peuplés du continent avec quelque 3,5 millions d'habitants, s'est rapproché récemment de l'Egypte, qui entretient également des relations tendues avec l'Ethiopie.

Les relations se sont également tendues au début de l'année entre les autorités fédérales éthiopiennes et une faction du TPLF, accusée de se rapprocher de l'Erythrée.

Le parti n'a plus d'existence légale depuis sa radiation en mai par la commission électorale, mais ses membres continuent d'administrer de fait la région septentrionale, frontalière de l'Erythrée.

[Source: TV5Monde]