Ben Healy s’impose au flair, Tadej Pogacar joue au gestionnaire sur le Tour de France
Au terme d’un effort solitaire d’une quarantaine de kilomètres, l’Irlandais a remporté la 6ᵉ étape, jeudi à Vire (Calvados). Membre de l’échappée battu, Mathieu Van der Poel a tout de même repris le maillot jaune à Tadej Pogacar pour une petite seconde.

De son propre aveu, Ben Healy est un épouvantable sprinteur. Le type de coureur qui s’impose rarement quand il faut jouer la gagne à la pédale, dans les derniers mètres. Ses succès, l’Irlandais de 24 ans les conquiert plutôt en solitaire, après avoir flairé la bonne échappée et s’en être extirpé. Une méthode que le coureur de l’équipe EF Education-EasyPost a impeccablement appliquée pour remporter la 6ᵉ étape du Tour de France 2025, jeudi 10 juillet, à Vire (Calvados), à l’issue d’un effort de 42 kilomètres, seul en tête.
Pour la première fois de cette Grande Boucle, l’échappée du jour – du moins l’un de ses représentants – est donc allée au bout, profitant du tempo moins élevé imprimé par le peloton, encore marqué par la prise de pouvoir de Tadej Pogacar (UAE Team Emirates-XRG), la veille. Celle-ci n’aura duré qu’une journée, puisque Mathieu Van der Poel (Alpecin-Deceuninck), présent dans l’échappée pendant une grande partie de l’étape, a repris le maillot jaune au Slovène pour une seconde.
Sur une étape de 201,5 kilomètres qui correspondait à ses qualités, le Néerlandais a cependant été surpris, comme ses six autres compères de l’échappée, par l’accélération d’un Ben Healy décidé à filer seul vers la victoire. Ils auraient pourtant pu le voir venir. Son premier succès sur un grand tour, au Giro en 2023, l’Irlandais l’avait obtenu, à Fossombrone (Italie), suite à une attaque à 50 kilomètres de l’arrivée. Au Tour du Pays basque, en avril, c’est un effort solitaire de 57 bornes qu’il avait fourni avant de s’imposer lors de la 5ᵉ étape.
« C’est tout ce pour quoi j’ai travaillé »
Sur le Tour de France – auquel il participe pour la deuxième fois après l’édition 2024 –, Ben Healy n’avait pas encore levé les bras. « C’est juste incroyable, c’est tout ce pour quoi j’ai travaillé, pas seulement cette année, mais depuis tout ce temps. (…) J’ai grandi en regardant le Tour de France, mais je n’imaginais pas pouvoir y gagner. Rien que le fait d’y participer est une réussite », s’est félicité celui qui s’est imposé dans son style caractéristique de coureur agressif, qui semble se débattre comme un beau diable avec son vélo dès que la route s’élève.
Cette façon de courir et son look de rockeur en ont fait l’un des chouchous du public. L’Irlandais a aussi un certain sens de l’humour, comme le prouve cette scène cocasse, à l’issue du dernier Liège-Bastogne-Liège, qu’il avait achevé à la 3ᵉ place, le 27 avril. « Quand est-ce que tu prends ta retraite ? », avait-il demandé en rigolant à Tadej Pogacar, insatiable vainqueur sur tous les terrains. Le Slovène, à peine 26 ans, lui avait rétorqué en souriant que son contrat s’achevait… en 2030. Pas un cadeau, au contraire des bonnes grâces dont a bénéficié Ben Healy, jeudi, grâce au choix du champion du monde et de ses équipiers.
En métronome de la course, Tadej Pogacar avait convenu avec sa formation de ne pas aller chercher la victoire d’étape à Vire et même de faire en sorte que le peloton progresse à une vitesse raisonnable. « C’est bien comme ça, on ne doit pas rouler trop fort », glissait un dirigeant de la formation émiratie à ses coureurs, à 80 kilomètres de l’arrivée. Le rythme alors imposé par Nils Politt en tête du peloton permettait à l’échappée de prendre le large.
A l’issue de cette 6ᵉ étape, Tadej Pogacar a obtenu ce qu’il souhaitait : il cède sa tunique de leader du classement général pour une seconde à Mathieu Van der Poel. L’écart aurait pu être plus large, à en croire le Slovène, sans une accélération de la Visma-Lease a Bike, la formation de Jonas Vingegaard, dans les tout derniers kilomètres. « Peut-être que Visma voulait que je garde le maillot jaune aujourd’hui », a réagi Tadej Pogacar.
Une heure de repos supplémentaire pour Pogacar
En plus du maillot jaune, le vainqueur du Tour de France 2024 a cédé, jeudi, le maillot vert du classement par points à Jonathan Milan (Lidl-Trek) et celui à pois de meilleur grimpeur à son coéquipier Tim Wellens. Pourquoi redonner à d’autres ces maillots distinctifs récompensant son excellent début de Tour ? Pour bénéficier de plus de temps pour récupérer de ses efforts. En se délestant de toutes ces tuniques, Tadej Pogacar s’épargne en effet les obligations médiatiques et la cérémonie protocolaire de fin d’étape. Une heure de repos supplémentaire ce jeudi et peut-être dans les jours à venir, qui, sur une course de trois semaines, est plus que bienvenue. Sur la Grande Boucle plus qu’ailleurs, tout répit est bon à prendre.
« Ça ne me dérange pas d’avoir le maillot jaune, mais l’objectif était aujourd’hui de dépenser le moins d’énergie possible. (…) On a “besoin de jambes” pour la deuxième et la troisième semaine. Ce qu’on a fait aujourd’hui est très bien pour nous », a confirmé Tadej Pogacar, conscient que c’est en montagne, et avec des coéquipiers encore frais, qu’il a le plus de chance de créer des différences définitives sur ses principaux poursuivants.
Dans cette configuration, la formation UAE Team Emirates-XRG confie aussi le contrôle de la course à Alpecin-Deceuninck, l’équipe de Mathieu Van der Poel, qui n’est pas une menace réelle pour Tadej Pogacar au classement général.
Une nouvelle étape accidentée attend le peloton, vendredi 11 juillet, entre Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) et Mûr-de-Bretagne (Côtes-d’Armor). « C’est une bonne arrivée pour moi », a annoncé le Slovène, qui pourrait ne pas laisser une échappée lui « voler » la victoire deux jours de suite. Ben Healy a eu du nez : cette 6ᵉ étape était une occasion à ne pas laisser filer.
[Source: Le Monde]