En vacances, on s’était promis de se supporter en famille : « Le féminisme de mon fils s’arrête au ras de mes sandales quand on est ensemble »

Tous les ans, avant de partir en congés, on se fait des promesses… que l’on ne tiendra pas. Comme profiter de ses proches, sans que ça vire à l’engueulade.

Juil 20, 2025 - 06:18
En vacances, on s’était promis de se supporter en famille : « Le féminisme de mon fils s’arrête au ras de mes sandales quand on est ensemble »
MARTIN GROCH POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE

On s’en vantait presque au printemps. Enfin, se retrouver… Il s’agissait surtout de kidnapper ses enfants sous couvert de les inviter dans un endroit de rêve, et de préférence loin d’une gare, tout en trouvant normal de se saigner parce que, pour la cinquième année de suite, « c’est sans doute la dernière fois qu’on part ensemble ». Enfin, s’ils viennent. Trois mois déjà qu’on leur demande à quelles dates ils seraient disponibles. Eux ne pouvaient pas fournir de réponse ferme, laissant la porte ouverte à toute proposition plus excitante que la perspective de se faire engueuler en vacances parce qu’on n’a pas ramassé ses chaussettes. Ils ont fini par lâcher qu’ils « passeront ».

Selon un sondage Promovacances réalisé avant les congés (le détail a son importance), 52 % des Français approuvent l’idée que « passer ses vacances en famille est source de bonheur ». Mais seuls 42 % des 18-24 ans sont d’accord. Et ces jeunes sont 35 % à reconnaître que, au bout de quelques jours, « ça pèse » et 18 % à trouver que « c’est une organisation militaire », contre 3 % des plus de 55 ans (ceux, donc, qui ont le plus de risque d’avoir expérimenté une authentique organisation militaire).

De fait, chacun a mythifié les vacances comme son temps de liberté et se voit rattrapé par les contraintes des autres. La logistique devient le petit bois des déconvenues. Les ados répondent « mais on est en vacances » à des parents qui avaient cru, eux aussi, qu’ils le seraient. « Le féminisme de mon fils s’arrête au ras de mes sandales quand on est en vacances ensemble », constate la mère d’un trentenaire redevenu soudain incapable de ranger sa tasse et de trouver le lave-vaisselle.

Les darons croient fixer un cadre adulto-responsable les premiers jours, en répétant « vous vous gérez », mais prennent l’habitude d’aller chercher trois douzaines de crêpes un jour sur deux. Leur récompense ? Sur les photos que leurs adulescents partagent sur les réseaux sociaux, ils sont toujours tout seuls, comme s’ils s’étaient débrouillés pour se retrouver, à 14 ans, dans le Péloponnèse ou avaient hérité d’une maison de famille en Sologne à 15 ans.

Un château de cartes qui flanche

Les parents de plus jeunes enfants, eux, ceux qui ignorent encore ce qui les attend, ne parlent pas de « se retrouver en famille », mais de la perspective de « passer du temps » en famille. L’été devient l’occasion de se rendre compte que, s’ils ne voient pas assez leurs rejetons en temps normal parce qu’ils travaillent, c’est quand même pendant l’année scolaire qu’ils disposent de relais. S’ils décident de les coucher tôt l’été, ce n’est pas par hygiène de vie, mais par réflexe d’autoprotection.

« On va pouvoir se retrouver en famille. » C’est aussi ce qu’on dit avant de se réunir avec ses propres frères et sœurs pour que les enfants soient avec leurs cousins, prétexte-t-on par pudeur, mais aussi parce que, comme à Noël, une part de nous n’a pas fait le deuil de la famille de carte postale. On pensait que, une fois devenus adultes, tout serait différent, mais voici la puissance invitante qui décide de l’heure des repas, d’attribuer les grandes chambres aux couples et de caser les célibataires sous un poster de dauphin dans les lits superposés… Plein de trucs pas réglés ressortent des placards, les frustrations de chacun font bouillon de culture et le château de cartes des vacances idéales flanche à la première réflexion en cuisine, à la première virée au supermarché.

Toutes ces microcontrariétés ne signifient pas qu’il ne faille pas partir en famille – au contraire –, mais qu’il serait peut-être temps de replacer la barre de nos attentes à un niveau raisonnable.

Un peu comme le réveillon du Nouvel An, qui, avec la question posée dès le 1er décembre – « Et vous, vous faites quoi pour le 31 ? » –, suffit à créer la sensation que rien ne sera jamais assez bien. Pourtant, preuve qu’il s’agit d’une affaire d’attentes, et non pas de vécu, dès septembre, on n’en retiendra que le meilleur. On en aura la confirmation le jour où nos enfants, devenus grands, reproduiront le même schéma avec leur progéniture.

[Source: Le Monde]