En Iran, des coupures quotidiennes d’électricité et d’eau affectent la vie quotidienne et l’activité économique

Le niveau des réserves d’eau dans les barrages inquiète. Il est critique dans la province de Téhéran, les quatre principales retenues d’eau alimentant la capitale n’étant remplies qu’à 12 % de leur capacité, contre 60 % à 70 % habituellement.

Août 7, 2025 - 07:14
En Iran, des coupures quotidiennes d’électricité et d’eau affectent la vie quotidienne et l’activité économique
Un vendeur de textile travaille dans son magasin pendant une panne d’électricité à Téhéran, le 5 août 2025. VAHID SALEMI / AP

Depuis la fin juillet, l’Iran est frappé par une vague de chaleur accompagnée d’une grave pénurie d’eau qui met à rude épreuve un réseau électrique déjà fragilisé – l’électricité étant en grande partie produite grâce à l’eau. Pour faire face à cette situation, les autorités décrètent de plus en plus fréquemment des jours fériés et ordonnent la fermeture des administrations afin d’économiser les ressources hydriques et électriques. Ainsi, mercredi 6 août, les administrations, les banques et les entreprises de la province de Téhéran ont été fermées en raison de la chaleur et des besoins en« gestion énergétique », ralentissant considérablement l’activité, notamment dans la capitale qui dénombre plus de 9 millions d’habitants (16 millions agglomération comprise). Les hôpitaux et les services d’urgence ne sont pas concernés par ces mesures.

Des fermetures similaires ont déjà eu lieu dans d’autres provinces le 30 juillet, notamment à Yazd, Qom et Semnan (Centre), Hormozgan et Bouchehr (Sud) ainsi que dans le Khouzistan (Sud-Ouest). L’électricité est coupée dans tout le pays un jour sur deux pendant au moins deux heures, parfois davantage. En revanche, aucune coupure d’eau n’a été annoncée pour le moment, ce qui accroît le stress des habitants. Par ailleurs, certaines compagnies de téléphonie mobile voient leur réseau sauter, faute d’alimentation électrique.

« Ces dernières années, on a connu des coupures d’électricité et d’eau, mais en 2025, la situation est bien pire, témoigne une habitante de Téhéran (les témoins n’ont pas souhaité donner leur prénom et leur nom de famille). J’habite au deuxième étage et tous les jours, quelque part dans mon quartier, l’électricité est coupée. Les pompes cessent de fonctionner, ce qui signifie que je suis sans eau chez moi pendant huit à dix heures par jour. » Une autre résidente raconte avoir subi deux jours consécutifs de coupure à la mi-juillet. « Il y avait un filet d’eau chez nos voisins du rez-de-chaussée. Nous avons dû acheter des bidons pour aller les remplir chez eux », raconte-t-elle.

Les coupures d’électricité touchent encore plus durement le secteur industriel. « Nous n’avons pas de courant jusqu’à dix heures par jour, explique le directeur d’une petite usine en banlieue de Téhéran. Cela signifie, dans les faits, l’arrêt de notre activité. Acheter un générateur pour notre site de 300 mètres carrés me coûterait 5 000 euros, un vrai budget. Et encore faudrait-il pouvoir se procurer du gazole, ce qui est difficile, voire impossible. » Dans les grandes villes, de nombreux commerces se sont déjà équipés de générateurs.

Températures dépassant les 50 °C

Depuis lundi 4 août, les températures atteignent des niveaux inquiétants dans plusieurs régions. Mardi, une alerte orange a été émise dans dix provinces, dont Téhéran, les Azerbaïdjan occidental et oriental, situés dans le Nord-Ouest, Guilan et Mazandaran dans le Nord, et Golestan, dans l’est du pays. Cette alerte signale des températures anormalement élevées, de jour comme de nuit, pendant plusieurs jours consécutifs, avec un risque accru pour les populations vulnérables et des effets potentiels sur l’ensemble de la population (déshydratation, coup de chaleur…). Lundi, des villes comme Bostan, Ahvaz, Abadan et Omidieh, dans la province du Khouzistan (Sud-Ouest), ont enregistré des températures dépassant les 50 °C.

Partout, le niveau des réserves d’eau inquiète. Au 1er août, le volume d’eau stocké dans les barrages iraniens s’élevait à 29,84 milliards de mètres cubes, soit une baisse de 26 % par rapport à la même date en 2024. Dans la province de Téhéran, la situation est jugée critique : les quatre principaux barrages qui alimentent la capitale (Amir Kabir, Lar, Latian et Mamloo) ne contiennent plus que 12 % de leur capacité, alors qu’en période normale, ce taux se situe entre 60 % et 70 %.

« La situation actuelle est quasiment sans précédent depuis un siècle », a déclaré, lundi, Mohsen Ardakani, directeur général de la Compagnie des eaux et de l’assainissement de la province de Téhéran. Les précipitations ont chuté d’environ 40 % en 2025, atteignant leur niveau le plus bas depuis soixante ans. Face à cette urgence, les autorités appellent les habitants à réduire leur consommation d’eau d’au moins 20 %, sous peine de voir les coupures devenir systématiques. « Téhéran est à court d’eau. Si cela continue, nous ne pourrons plus alimenter la ville », a averti le président iranien, Massoud Pezeshkian, le 22 juillet.

La crise actuelle est le fruit d’un enchevêtrement de facteurs : sécheresse persistante, réchauffement climatique et plusieurs décennies de mauvaise gestion. L’agriculture, grande consommatrice d’eau, parfois par gaspillage, aggrave la situation du fait d’un sous-investissement chronique et de la modernisation trop lente des infrastructures d’irrigation. Résultat : les ressources hydriques déjà fragilisées sont aujourd’hui sous une pression extrême.

Les coupures d’électricité et d’eau, ajoutées aux fermetures administratives, accentuent l’inquiétude d’une population encore sous le choc de la « guerre de douze jours » avec Israël (du 13 au 24 juin). « Le pays traverse une situation chaotique et inhabituelle, confie l’habitante de Téhéran. On a l’impression d’avoir été abandonnés par les autorités. »

[Source: Le Monde]